Francisque Bailly-CochetIl fait tourner les têtes

Francisque Bailly-Cochet

« À Dijon, lorsque la fréquentation est la plus forte, le carrousel peut accueillir jusqu’à 700 enfants en une journée. Depuis que nous sommes installés en centre-ville, c’est près de trois générations de clients qui ont foulé nos manèges », indique Francisque Bailly-Cochet.

Baigné depuis tout petit dans le tourbillon des foires et des manèges, il construit désormais ses propres carrousels.

Depuis près de 155 ans, les carrousels de la famille Bailly-Cochet originaire de Clairvaux-les-Lacs dans le Jura, font rêver petits et grands. Attraction phare des fêtes foraines d’antan, le carrousel délaissé dans les années 1980 en raison de la modernisation des manèges, fait son grand retour, notamment en période de fêtes. « Le carrousel est redevenu à la mode, surtout à Noël puisqu’on en voit partout que ce soit dans les vitrines des grands magasins ou carrément sur les sapins. C’est d’ailleurs durant cette période que nous réalisons 80 % du chiffre d’affaires », constate Francisque Bailly-Cochet, à la tête de l’entreprise éponyme qui fabrique et exploite des carrousels. Pour lui, les carrousels, c’est un peu comme la potion magique pour Obélix : il est tombé dedans quand il était petit. « L’histoire de notre famille remonte à 1865 quand une tante de mon arrière-grand-père (Francisque Cochet, Ndlr) qui allait de ville en ville avec sa loterie, a commandé un carrousel en Allemagne d’où sont originaires les premiers chevaux de bois, pour se diversifier. D’ailleurs, certains chevaux qui avaient été achetés ont été bloqués à la douane lors de la guerre franco-prusse de 1870 ! Plus tard, en 1902 ce manège a été revendu à mon arrière-grand-père qui l’a exploité à son tour en le conservant dans son état d’origine. Le nom Bailly-Cochet s’est formé plus tard, en 1957 lorsque mon père, Robert (fils de Irma et Ferdinand Bailly, Ndlr) a repris l’affaire familiale, raconte-t-il. Pendant des années, la famille a sillonné les foires et les fêtes foraines de la Bourgogne et de la Franche-Comté avec ce seul carrousel. Nous étions présents tous les ans à la foire internationale et gastronomique de Dijon jusqu’au 11 novembre, au printemps on était à Besançon à la fête foraine de Pâques à Battant puis à la foire comtoise… Je suis donc né dans mon métier puisque j’ai grandi sur les fêtes foraines. Malheureusement, à la fin des années 1970, le carrousel a été délaissé du grand public qui préférait tester les manèges plus modernes comme les auto-tamponneuses. Malgré tout, nous avons tenu bon puisque nous sommes la seule famille foraine à avoir traversé les années avec le même type de manège. C’est d’ailleurs ce qui a motivé mon père à acheter un second carrousel en 1987. » Pari réussi puisque le carrousel à l’ancienne connaît un regain depuis une quinzaine d’années avec une demande de plus en plus forte pour animer les centres-villes.

PRIVILÉGIER L’IMPLANTATION EN CENTRES-VILLES

« Quand j’ai repris l’activité de mes parents en 1991 j’ai acheté d’autres carrousels. Ma soif d’indépendance m’a poussé à arrêter les foires et les fêtes pour privilégier l’implantation en centres-villes comme Besançon (place du 8 septembre et parc Micaud) et Dijon (place François Rude) où les carrousels trônent à l’année depuis une cinquantaine d’années. C’est donc près de trois générations de clients qui ont foulé nos manèges. Plusieurs années après, à la trentaine, j’ai eu envie de construire mes propres carrousels avec des artisans locaux. Des décors en passant par la réalisation de la menuiserie, de l’électricité ou encore de la mécanique, nous faisons tout nous-mêmes », poursuit- il. Victor Hugo, les Frères Lumière, Rouget de Lisle… les cavalcades tournoyantes signées Bailly-Cochet s’inspirent toutes de personnages emblématiques de la région. « Nous sommes très attachés au savoir-faire régional. C’est pour cette raison que nous rendons hommage aux célébrités et aux paysages régionaux comme Gustave Eiffel sur le carrousel dijonnais ou encore les montagnes jurassiennes sur le manège du parc Micaud à Besançon. Ces clins d’œil ont aussi un but pédagogique pour enseigner l’histoire des territoires de manière ludique aux petits enfants », explique le forain passionné. En plus de faire honneur aux grands noms de la région, Bailly-Cochet s’efforce de solliciter des entreprises locales. « En 2011, nous avons réalisé le premier manège 100% jurassien sur le thème de Mary Poppins, quatre entreprises locales ont travaillé dessus pendant plus de 300 heures. » Le modèle Circus, sorti en 2013, a lui aussi été entièrement fabriqué dans la région. Il ajoute : « Notre dernier carrousel s’inspire de Molière qui est un des plus vieux forains du monde car il a commencé avec du théâtre de rue. C’est donc un bel hommage à notre métier ».

L’entreprise Bailly-Cochet est d’ailleurs l’une des rares à fabriquer et à exploiter ses propres attractions. « Aujourd’hui, les principaux constructeurs de manèges sont soit Allemands, Italiens ou Hollandais. On exploite une douzaine de carrousels à la demande dans toute la France dont Neuilly-sur-Seine, Courchevel ou encore Monaco et au-delà. Il y a une vingtaine d’années, j’ai été l’un des premiers forains à créer un site internet pour me faire connaître. Cela a permis à Bailly-Cochet de rayonner jusqu’en Europe puisque nous travaillons régulièrement avec la Suisse, l’Autriche, l’Espagne ou encore l’Italie et la Belgique. On se démarque aussi par le fait que notre activité s’est transmise de générations en générations. » En effet, Bailly-Cochet propose également de louer des manèges et des stands forains anciens pour des événements privés comme des mariages ou encore des tournages de clips et publicités. « La location représente 70% de l’activité de l’entreprise. Pour ses noces, Luc Besson souhaitait recréer l’univers d’une fête foraine, il avait donc loué le carrousel Victor Hugo de la place du 8 septembre à Besançon. Nous avons également travaillé avec des créateurs pour des défilés de mode comme celui de Dior en 2008 ou de Louis Vuitton qui est d’ailleurs lui aussi originaire du Jura, confie Francisque Bailly-Cochet. Nos manèges ont aussi souvent été utilisés pour des films dont La vertu de l’impondérable de Claude Lelouch qui a été tourné à Beaune ou encore dans un film indien pour lequel nous avons dû monter les pièces du carrousel Sissi unes à unes par les ascenseurs de la Tour Eiffel à Paris. Dernièrement nous avons loué un carrousel à la marque Georgio Armani pour le tournage d’une publicité de parfum au centre-ville de Berlin… Autant de challenges qui font le succès de l’entreprise puisque j’ai la chance de ne jamais démarcher les clients mais d’être sollicité par eux.» La rançon de la gloire, c’est sans aucun doute les contraintes du métier. « Durant l’enfance, ce n’était pas toujours facile puisque j’avais énormément de mal à suivre les programmes qui changeaient d’une école à l’autre. Ce qui m’a le plus manqué c’est sans doute de ne pas avoir pu m’inscrire dans un club de foot et d’avoir une activité culturelle. On jouait au foot entre gamins de forains, nous avions même créé des tournois mais nous restions entre nous. Très tôt, j’ai eu des responsabilités puisque déjà à 16 ans, je montais et démontais seul le manège. Ce manque d’insouciance a forgé mon caractère et mon sens du travail puisque le métier de forain est difficile avec un rythme très soutenu. Nous sommes tous les jours sur la route: en décembre on ne parcourt pas moins de 12.000 kilomètres. On travaille dans le froid, sous la pluie, de nuit et sous pression car nous n’avons pas le droit à l’erreur notamment au niveau de la sécurité. Et si on veut s’en sortir, il faut savoir tout faire. Néanmoins nous avons la chance de procurer de la joie aux gens. »

En plus des carrousels permanents, Bailly-Cochet exploite pour Noël, la Grande Roue, place de la Révolution ainsi que des manèges place du 8 Septembre et Granvelle.

Parcours

1865 La famille achète son premier carrousel.
2 décembre 1973 Naissance de Francisque Bailly-Cochet à Lons-le-Saunier (Jura).
1991 Francisque décide de reprendre l'activité de ses parents.
1994 Il se met en concubinage avec une foraine qui tient un stand de tir en Bourgogne.
1995 Naissance de sa première fille, Naomi, miss Bourgogne 2016.
2001 Il lance un site internet pour se faire connaître.
2004 Naissance de sa deuxième fille, Irma.
2008 À 35 ans, il construit son premier carrousel.