Paolo FonsecaHôte de marque

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Ce fils d’immigrés portugais avait « une revanche à prendre sur la vie ». Un puissant moteur qui l’a propulsé de Paris à Londres, puis Toulouse où il est le directeur général opérationnel du groupe régional NT Hotel Gallery.

Attablé au Sixty Two, le restaurant de l’hôtel la Villa du Taur, au pied de Saint-Sernin, Paolo Fonseca n’a pas l’habitude de parler de lui, mais se résout à l’exercice, puisque la communication fait partie de ses nombreuses attributions. Le directeur général opérationnel de NT Hotel Gallery est un peu l’homme à tout faire, chargé qu’il est du développement commercial, de la supervision des cinq établissements du groupe et du restaurant, des relations avec les fournisseurs, second dans l’organigramme du groupe présidé par Nicolas Andrieu, un ancien de l’école hôtelière de Toulouse, qui s’est lancé dans l’aventure entrepreneuriale en 2013 en rachetant le Park Wilson, une résidence hôtelière à Colomiers. Depuis, le portefeuille du groupe s’est étoffé avec le rachat en 2015 de la Villa du Taur, en plein cœur historique de Toulouse, en 2017 de la Caravelle et en 2018 de l’hôtel Saint-Claire, des établissements entièrement rénovés, transformés en boutique hôtel « où tout est à vendre » ou presque s’amuse Paolo Fonseca, des œuvres de street art sur les murs – dont un Banksy – au mobilier, en passant par la vaisselle.

L’homme est arrivé dans le groupe, qui compte aujourd’hui 65 salariés, il y a tout juste un an, alors que Nicolas Andrieu éprouvait le besoin de « structurer l’ensemble différemment ». Une nécessité compte tenu du fort développement de l’enseigne. Outre la résidence hôtelière et ces petits hôtels intimistes, où « l’on privilégie l’humain et l’expérience », Paolo Fonseca supervise en effet l’ouverture d’ici le 1er juillet à Blagnac du futur Hampton by Hilton (le second en France) dont NT Hotel Gallery s’est vu confier la gestion, un hôtel trois étoiles de 126 chambres. La gestion d’établissements sous mandat est du reste un des axes de développement du groupe régional qui prévoit à terme de se déployer dans une huitaine de grandes villes françaises dont Lyon, Bordeaux, Nantes ou encore Montpellier.

Rien qui ne puisse effrayer Paolo Fonseca, un « bourreau de travail » qui dort très peu, au point d’envoyer des e-mails à ses collaborateurs à 2 ou 3 heures du matin – avant de se rendre compte que cela suscitait leur inquiétude à l’égard de sa santé et de ralentir (un peu) son rythme. Avant de rejoindre Toulouse, le quadra a passé sept ans au poste de directeur des opérations au sein d’un groupe hôtelier en pleine croissance (DG Hotels à l’époque), passée durant ce laps de temps de 30 à 80 établissements et 695 collaborateurs. Même si, au fil de ces nombreux rachats, il a fallu « tout mettre en place », le job est « confortable », mais admet-il aussi, « j’allais avoir 40 ans. Je ne me voyais pas faire ça toute ma vie ». Besoin d’un nouveau challenge que le groupe toulousain, « jeune et plus petit », et ses perspectives d’évolution, devraient combler. « Ce qui m’a séduit aussi, c’est la possibilité d’arriver au moment de la création, d’amener ma pierre à l’édifice », confirme-t-il.

Les défis, ce n’est d’ailleurs pas ce qui manque dans le parcours de ce fils d’immigrés portugais installés à Choisy-le-Roi, arrivé en France en novembre 1990, à l’âge de 11 ans. Difficile pour lui d’intégrer l’anglais et le français en même temps : après une cinquième générale, il est poussé en quatrième ébénisterie, puis une troisième mécanique… qui révèlent son don pour le dessin. Pour ses professeurs, sa voie est du reste toute tracée : ce sera les matériaux souples. L’ado s’imagine alors travailler pour la Nasa, qui selon les informations qu’il a glanées sur le minitel, utilise des matériaux souples pour fabriquer ses fusées. À la rentrée, il déchante. Il est le seul garçon dans une classe de styliste modéliste. Qu’à cela ne tienne, il passe un CAP BEP puis un bac pro. Il réussit dans la foulée le concours d’entrée à l’école des Beaux-Arts de Paris. Pour financer ses études, il devient, le soir, commis de salle à l’hôtel de Crillon. « Là, on m’a laissé ma chance », reconnaît-il. Tout en étudiant, il passe chef de rang puis suit une formation d’assistant maître d’hôtel, travaille le soir et le week-end…

Au bout de tant de « sacrifices, notamment pour mes parents », Paolo Fonseca obtient une maîtrise d’arts appliqués et un entretien chez Courrèges. « Mais je ne me suis pas retrouvé dans ce monde de la mode. Alors que dans la restauration, les fils d’immigrés, c’était plus courant », explique-t-il. En 2000, il fait l’ouverture du Korova, le premier restaurant lancé par Jean-Luc Delarue, puis d’un second, un an plus tard, le Nobu, que l’animateur télé lance cette fois avec Robert De Niro, qui est, avec le chef japonais Nobu Matsuhisa, propriétaire de l’enseigne internationale. Mais deux ans après, les deux restaurants mettent la clé sous la porte ou sont revendus. L’acteur américain fait le déplacement à Paris et invite les équipes à rejoindre les autres établissements de l’enseigne. Paolo Fonseca, avec d’autres, part « loin de la famille », à Londres, où le Nobu Restaurant près de Piccadilly, fait 220 couverts.

Là, il passe rapidement de manager à directeur d’exploitation. Une législation différente, d’autres horaires de travail, mais une très forte satisfaction, celle d’avoir été « pris pour mes compétences » et ce constat : « les groupes anglo-saxons parient sur l’humain. Ils se disent : “nous avons quelqu’un, que peut-on lui apporter pour qu’il soit meilleur ?”». Il suivra ainsi les cours à distance d’une école hôtelière suisse et obtiendra un executive MBA. « En France, on se dit : “j’ai un poste à pouvoir. Qui correspond le mieux à ce poste ?” Alors qu’au final, c’est à nous de former les personnes en interne et de leur apporter quelque chose ».

Après avoir vécu cinq ans à Chelsea, Paolo Fonseca rejoint le groupe Épicure, à l’époque maison-mère du restaurant Ledoyen à Paris, lequel lance une annexe, le restaurant ETC. Directeur de salle, il fait l’ouverture puis neuf mois plus tard est nommé maître d’hôtel banquets du Pavillon Ledoyen. En juillet 2010, il se laisse tenter par l’aventure que représente l’ouverture du Shangri-La Paris, un palace cinq étoiles. « Je voulais remettre mes compétences en question, savoir si je pouvais le faire », explique-t-il. La réponse est positive, mais Paolo Fonseca ne parvient pas à se glisser dans le moule trop rigide du groupe chinois. « Ce fut mon expérience la plus courte puisque je n’y suis resté que cinq mois ».

Aujourd’hui bien dans ses baskets, le DGO de NT Hotel Gallery s’attache à « faire grandir » ses collaborateurs, mais reconnaît que ce sont eux qui l’ont « aidé à se poser ». « Savoir qu’ils sont heureux de venir travailler quasiment tous les jours : ma réussite est là ! », conclut-il.

Parcours

1979 Naissance à Sebadelhe, au Portugal.
1997 Commis de rang à l'hôtel de Crillon.
2000 Manager du restaurant de Jean-Luc Delarue, le Korova, puis du Nobu à Paris.
2003 Manager du Nobu à Londres, un des restaurants de l'enseigne créée par Robert de Niro et Nobu Matsuhisa.
2008 Directeur de salle du restaurant ETC à Paris puis maître d'hôtel banquets du Pavillon Ledoyen.
2010 Directeur des banquets du Shangri-La Paris.
2011 Intègre le groupe DG Hotels et s'installe à Pézenas.
2018 Rejoint NT Hotel Gallery, le groupe hôtelier régional fondé cinq ans plus tôt par Nicolas Andrieu.