Happyneuron enrichit son portefeuille d’outils pour les orthophonistes

Didier Ghenassia, directeur général d’Happyneuron.

Basée à Grenade, la PME Happyneuron va valoriser un projet de recherche du laboratoire Octogone-Lordat de l’université Toulouse II Jean Jaurès.

Christiane Soum-Favaro, maître de conférences à l’université Toulouse II Jean Jaurès et chercheuse au laboratoire Octogone-Lordat, a reçu en décembre le Trophée Transfert de technologies à l’occasion de la deuxième édition des Trophées de la Valorisation de la Recherche décernés par Toulouse Tech Transfer, la Société d’accélération du transfert de technologie de Toulouse dont la vocation est de faciliter l’émergence d’innovations à partir des résultats de la recherche publique, en rapprochant les laboratoires et les entreprises.

Pour Christiane Soum-Favaro, cette récompense salue « un travail acharné » mené autour du projet Etal (Evaluation des troubles acquis de la lecture). La chercheuse s’intéresse depuis plusieurs années à ces troubles qui surviennent, explique-t-elle, « par exemple chez les gens qui ont subi un accident vasculaire cérébral (AVC) », mais aussi un traumatisme crânien ou en cas de troubles dégénératifs. Ces personnes peuvent rencontrer des problèmes de lecture plus ou moins sévères. Or, les orthophonistes ne disposent pas aujourd’hui d’outil informatique adapté pour détecter et évaluer ces troubles.

Le projet Etal vient pallier ce manque. La chercheuse a en effet construit à partir de données scientifiques un protocole clinique d’évaluation destiné aux orthophonistes et aux neurologues qui rééduquent des patients de langue française. « L’objectif pour eux est d’évaluer de façon certaine et rapide la nature du trouble. Ce protocole est aussi destiné à la communauté scientifique puisque j’ai l’intention de récupérer les données pathologiques, si les orthophonistes veulent bien me les transmettre, pour continuer à mener la recherche sur ces troubles de la lecture », détaille Christiane Soum-Favaro.

Le projet présenté à la cellule de valorisation de l’université et à TTT, a rapidement séduit cette dernière qui a élaboré un programme de maturation avec l’équipe du laboratoire Octogone-Lordat et la filiale santé du groupe lyonnais SBT Human(s) Matter, Happyneuron, basée à Grenade.

« Nous concevons des outils digitaux destinés aux professionnels de santé qui ont un point de contact avec la cognition, détaille Didier Ghenassia, directeur général d’Happyneuron. Majoritairement des orthophonistes et des neuropsychologues pour qui nous développons des outils d’évaluation – c’est-à-dire des outils qui leur permettent d’évaluer des compétences pour les comparer à des normes de sujets sains – et de rééducation – ces outils sont utilisés dans la prise en charge du patient, une fois le diagnostic posé. »

En 20 ans d’expérience, la PME, qui emploie une trentaine de collaborateurs et réalise 4 M€ de chiffre d’affaires, est devenue un acteur majeur de ces sujets en langue française. « Nous équipons, aujourd’hui, 11 500 orthophonistes sur les 25 000 inscrits en France. Chaque mois, une centaine d’entre eux nous rejoints », précise Didier Ghenassia. L’entreprise dispose ainsi d’un des catalogues de produits parmi les plus fournis dans son domaine. Une palette d’outils, dont certains disponibles en une dizaine de langues, que devrait prochainement venir compléter Etal. « Il y avait effectivement un trou dans la raquette dans l’évaluation du langage écrit chez la personne adulte dans le cadre de lésions cérébrales et ce nouvel outil permettra de combler ce trou », ajoute Didier Ghenassia. Son équipe, qui revendique une véritable expertise dans l’expérience utilisateur et l’expérience patient, va travailler à la fois sur la digitalisation de l’outil, son édition et sa distribution tandis que le laboratoire prendra en charge l’étape de normalisation.

LEADERSHIP

Ce nouvel outil d’évaluation orthophonique du langage écrit chez l’adulte devrait très rapidement rencontrer son public, puisqu’il sera ainsi mis à disposition des professionnels via la plateforme de services d’Happyneuron. Sachant que parmi ses clients, la moitié est abonnée, « cela signifie que dès le lendemain de la commercialisation d’Etal, 5 000 à 6 000 orthophonistes disposeront de l’outil dans leur bouquet de services », confirme Didier Ghenassia. Le dirigeant espère, grâce à Etal, en plus des achats de licence, gagner de nouveaux abonnés, et fidéliser un peu plus ceux qu’il a déjà. De quoi générer « quelques centaines de milliers d’euros supplémentaires. Or, quand on fait 4 M€ de CA, ça pèse ». Mais surtout, grâce à ces travaux réalisés par une équipe « prestigieuse », « cela va nous conforter dans notre position de leadership, dans notre posture d’acteur incontournable de l’orthophonie », estime-t-il.

Le professionnel imagine déjà d’autres développements. « La suite logique d’Etal, c’est de bâtir le programme de rééducation spécifique mais aussi la thérapie digitale (DTx) adaptée, détaille-t-il. Or, nous sommes des spécialistes de ces aires thérapeutiques. Nous avons déjà des outils qui permettent de compléter l’évaluation, ainsi que des outils de rééducation de troubles pris en charge par les orthophonistes. Et puis nous sommes aussi en train de designer des outils destinés à ces patients une fois qu’ils auront été diagnostiqués et pris en charge dans un centre de soins de suite et de réadaptation, lors du retour au domicile pour poursuivre ce travail d’entraînement, de rééducation et de réadaptation ». Les DTx sont justement le champ d’innovation vers lequel souhaite aujourd’hui se diriger Happyneuron. « Il s’agit de concevoir des dispositifs digitaux qui ont un impact, soit parce qu’ils accompagnent le patient dans son parcours de soin, soit parce qu’ils sont associés à un autre médicament pour en augmenter l’effet, soit parce que le dispositif digital est un traitement à part entière. Mais cela nécessite d’être validé, avec une efficacité clinique indiscutable et un bénéfice médical et/ou économique démontré », ajoute Didier Ghenassia, à l’orée de ce changement d’orientation stratégique.