Giles GuidotHappy-culteur

La passion de Giles Guidot pour les abeilles est restée intacte, de son enfance à aujourd’hui, malgré un parcours de vie fait de voyages, de séjours à l’étranger et de confrontation à des réalités sociales très diverses. Mais finalement, avec les abeilles, notre homme est restée connecté avec ce qui fait l’essentiel de sa vie : l’amour de la nature.

Naturaliste dans l’âme, Giles Guidot est l’un de ces passionnés qui content la faune et à la flore comme une encyclopédie à ciel ouvert. Son dada à lui, ce sont les insectes mais son parcours s’apparente plus à celui d’un explorateur engagé qu’à un simple artisan du goût.

Il faut voir les yeux de Giles Guidot pétiller quand il se met à parler des abeilles. Entendre le son de sa voix se mettre presque imperceptiblement en musique lorsqu’il décrit successivement le travail des éclaireuses, des butineuses, des phéromones libérées par la reine ou des glandes céphaliques qui respirent le parfum des pollens pour se guider… Observer sa gestuelle enthousiaste, accueillante vous décrire les rituels dansés de ces insectes… Et sentir lentement l’effet contaminant de la chose.

À 71 ans, Giles Guidot – « avec un “l” tient-il à préciser, pas comme les abeilles » – est un passionné. Dire que cela se voit serait un bien trop doux euphémisme. Naturaliste dans l’âme, le Dijonnais parle faune et flore comme il respire. Son affection pour les abeilles, c’est l’un de ces bouts d’enfance gravés à jamais dans un coin de la mémoire, l’un de ces souvenirs de gamin de 5 ans qui talonnait les pas de son père, vendeur de cycle et apiculteur à ses heures, à Dijon, rue des Marcs d’Or.

« À l’époque, se souvient Giles Guidot, c’était la campagne à cet endroit. Je passais mon temps à sentir et observer le jardin. Enfant, je n’avais qu’une envie : quitter les bancs de l’école pour aller en classe naturelle ». L’apiculture, Giles Guidot baigne dedans jusqu’à l’âge de 14 ans. Il est alors sûr d’une chose : il sera fermier. Sa vie va prendre un tournant qui le mènera à peu de choses près dans cette direction.

VIE DE BROUSSE

Las de voir « l’Homme oublier progressivement la nature », déçu de ne plus trouver dans les rivières, les poissons et les écrevisses qu’il pêchait enfant, et sentant il y a 40 ans, poindre les désastres de l’urbanisation, Giles Guidot fuit l’Europe pour devenir vétérinaire en Afrique au milieu des années soixante-dix.

Il va consacrer 30 ans de sa vie à préserver les espèces à sa manière. Une vie de brousse, de 4X4 sur des chemins escarpés, loin des villes, au contact de la nature, dans une région encore préservée.

D’abord en Éthiopie puis au Burkina Faso, au Togo, au Zaïre, en Mauritanie, Giles Guidot égraine les chapitres de sa vie avec son épouse Joëlle, leurs trois enfants… et d’impressionnantes collections de papillons, de coléoptères.

La famille cohabite avec des pigeons – « j’ai eu jusqu’à une quarantaine de couples », calcule Giles Guidot – et installe chez elle tout un tas d’autres animaux de basse-cour. Rapidement identifié comme un fervent défenseur de la nature, le Dijonnais est très sollicité sur le terrain. Dans un continent qui lutte contre la mouche Tsé-Tsé à coup de pulvérisations massives par hélicoptère, qui tente d’endiguer l’invasion de criquets en creusant manuellement des tranchées dans le sable pour tuer les larves, Giles Guidot fait office de militant. Ses idées, sa formation d’économiste aussi, le conduisent à un poste de conseiller économique au Togo puis à l’ambassade de France à Dakar au Sénégal. Il traverse le continent de long en large, mène des études de développement en agro-économie, se rend dans le monde avec des organisations mondiales de la santé animale pour évaluer les services vétérinaires… Dans les années quatre-vingt-dix, le vétérinaire navigue aussi – à coup d’allers-retours en TER ou en Thalys cette fois – entre Paris et Bruxelles où il travaille sur les enjeux de la convention de Lomé dans les échanges commerciaux entre l’Afrique et les pays d’Europe.

Les études des enfants décident le couple à rentrer en France. Giles Guidot pose ses valises à Talanten 2005, dans une maison où l’intérieur décoré de corniches en bois sombres n’est pas sans rappeler un certain style colonial.

Dans son jardin peuplé d’herbes sauvages et à l’heure de la retraite, l’ex-vétérinaire Giles Guidot poursuit à sa manière, son action au service de la nature. « J’ai toujours voulu être apiculteur. Mes enfants m’ont offert une ruche il y a quatre ans et j’ai commencé avec un premier essaim ».

TRANSHUMANCE DES RUCHERS

La passion fera le reste : 45 ruches, « en bois issu de cultures bio », insiste Giles Guidot fleurissent aujourd’hui, chez lui mais surtout dans les parcs naturels régionaux du Morvan, des Alpilles et dans le parc national des Cévennes, des espaces qu’il a choisi volontairement loin des grandes cultures. Giles vit désormais au rythme de la transhumance des ruchers, indispensable pour permettre aux butineuses d’être au plus près des arbres quand ils sont en fleurs. Ses abeilles, il les transporte de nuit pour ne pas les stresser, au gré des floraisons, du romarin en février aux noisetiers, aubépines, acacia et tilleuls en plein été. Au gré des préparations d’analyses aussi et des récoltes dans la miellerie qu’il a installée chez lui. Les Ruchers de Giles – sa marque – c’est bien plus qu’un miel – il en produit 15, d’une grande finesse aux goûts parfois rares comme le pissenlit ou la bruyère blanche. C’est une revendication, un appel à la protection de la nature presque, dans un contexte d’inquiétude autour de la disparition des apidés.

Giles Guidot sensibilise aujourd’hui ses propres petits-enfants à la cause. Avec sa ruchette pédagogique, il parcourt les classes d’écoles voisines. Intarissable sur le système de communication par vibration des abeilles entre elles, leur GPS intégré, comment elles accumoncellent le miellat directement sur certaines feuilles ou encore le taux de fructose dans le miel d’acacia et les vertus qu’on lui prête… Une source inépuisable, on vous dit.


Parcours

1948 Naissance à Tübingen, en Allemagne.
1950 Arrive à Dijon où il se passionne pour les ruches et les abeilles de son père.
1973-1974 Formation en médecine tropicale.
1975 Part en Afrique pour y exercer comme vétérinaire.
2003 Retour en France.
2014 Prend sa retraite et démarre son activité d'apiculteur.