Gérard Vivès, une vie du bon côté

Gérard Vivès, au Chateau de la Vernée à Garchizy . Ici, c’est l’enfant du pays. Pourtant ce n’est qu’en 2014 que le comédien acquiert la propriété dans la périphérie de Nevers, ancien Institut Medico éducatif.

Installé dans la Nièvre depuis cinq ans, au château de la Vernée, le comédien révélé par la sitcom Les Filles d’à côté est aussi un chef d’entreprise qui rêve d’ouvrir sa propriété au public.

Gérard Vivès, c’est sur son John Deere qu’on le trouve. Torse nu, bronzé – à 58 ans, il file de sacrés complexes – et les mains dans la terre : « Ici, c’est le vrai Gérard Vivès, je ne dépends que de moi et je veux me consacrer uniquement au domaine. Je ne joue plus ». On s’installe à l’ombre sur un salon de jardin en métal : « Ces sièges, cette table, je les ai fabriqués moi-même, comme les lits et étagères du château mais surtout les fenêtres et les portes. L’hiver dernier, j’avais deux degrés. C’est la première fois que je faisais mon sport avec des gants ». Une conversation plus tard avec les agents de collecte arrivés au cri de « Salut Gégé, comment tu vas ? », et voilà brossé le portrait de Gérard Vivès, icône des années 1990 qui déclare : « Il n’y a pas de star. Si tu demandes à un gosse qui est Catherine Deneuve, il va te répondre qu’il n’en sait rien. La seule star, c’est Jésus-Christ que tout le monde connaît ». Prends ça, John Lennon.

Gérard Vivès, au Chateau de la Vernée, c’est l’enfant du pays. Pourtant ce n’est qu’en 2014 que le comédien acquiert la propriété dans la périphérie de Nevers, ancien Institut Medico éducatif : « Dès le départ, j’ai voulu que ce soit un endroit vivant. Qu’on y organise des salons, des mariages, des fêtes, des expositions et si possible avec les associations locales ». Et très vite, le pari est gagné. Cette popularité, il la doit, selon lui, au fait d’avoir toujours travaillé en parallèle de la comédie et de n’avoir jamais été coupé du monde : « Les gens m’aiment bien. J’ai été très vite intégré. Mais surtout, il voient que je suis un bosseur, que je vais dans les magasins de bricolage en tee-shirt crade et en short. Ma notoriété me sert bien évidemment, mais elle n’a jamais été un obstacle : au contraire. Je suis conscient qu’elle est éphémère…».

STAR PAR HASARD

De l’éphémère qui dure, construite sur un concours de circonstance. À la vingtaine, s’il a rêvé d’être un grand champion de tennis, Vivès est culturiste et cherche du boulot : « Si tu es balèze, tu fais videur ou gros bras. À l’époque, une pub pour Manpower montrait des mecs baraqués. Je me suis dit que ce serait un boulot comme un autre et j’ai envoyé ma photo à une agence ». Son physique hors-norme retient tout de suite l’attention. Après quelques figurations dans des sitcom (Le miel et les abeilles, Hélène et les garçons…) à la télévision (Les Nuls, l’émission) ou au cinéma (Les visiteurs), et alors qu’il est un assistant de piste épanoui sur un aéroport parisien, AB Production qui fournissait l’essentiel des sitcom de la télé française le rappelle : « La directrice de casting de Les filles d’à côté que j’avais connue costumière sur la série Station Charenton (Canal Plus) me dit : on a besoin d’un figurant qui tient une salle de sport ». Sans motivation, il s’y rend. Et sera retenu, comme dirait l’autre, sur un malentendu : « Je m’étais rasé les cheveux à cause de la chaleur sur le tarmac. Elle m’a demandé de me déshabiller pour montrer mes muscles. Pour déconner, j’ai pris des manières efféminées ». Azoulay, (le A de AB Production) est séduit. En quelques épisodes, le figurant devient star, et entame une carrière. Aujourd’hui « le seul comédien des sitcoms à continuer à travailler », Gérard Vivès analyse : « À la fin des années 1980, les culturistes étaient vus comme des gros bras sans cerveau. Le personnage de Gérard a véritablement changé la vision de ce sport. Il fallait du culot pour jouer un culturiste efféminé ». Le rôle à la limite de la caricature aurait pu le desservir, il va au contraire prendre une direction inattendue : Gérard va devenir une icône gay. Encore un concours de circonstance : « Il n’y avait pas de militantisme. J’en serais incapable, je ne conçois pas ce débat sur la sexualité. Chacun fait ce qu’il veut et personne n’a à en juger ».

Les filles d’à côté dure 348 épisodes. Le figurant Vivès devient la star de la série. Après ça, les tournages s’enchaînent, pour la télévision (Le juste Prix, le Bigdil, Danse avec les stars…) – « Les gens populaires, ils les gardent pour devenir animateur » – et il ouvre durant 20 ans sa salle de sport. Si la série fut une bonne école de comédie, elle lui a aussi donné le goût des rôles à contre-emploi :

« Gérard dans la série est un vrai gentil. Un naïf. J’aime ces rôles. Pourquoi tout le monde veut jouer les méchants ? Parce que c’est plus facile que de jouer les gentils. Dans Rain Man, le plus dur n’est pas le rôle de Dustin Hoffman, c’est celui de Tom Cruise. Il faut être un sacré acteur pour faire exister un personnage à côté d’Hoffman. Dans Irréversible, on a salué Bellucci pour la scène du viol. Mais la véritable performance, c’est celle de Jo Priesta qui joue le violeur et qui doit, ensuite montrer le film à ses mômes ». Si jouer le « Gérard de la série » comme il l’appelle désormais « ne serait plus possible aujourd’hui où tout est devenu tiède », Vivès aimerait « Qu’un Black Panthers soit interprété par un Blanc ».

CHEZ GÉRARD

Trente ans plus tard, son compte Insta totalise 28.000 abonnés de tous âges et loin de l’agacer, il aime qu’on lui parle de cette époque là : « J’adore quand des gens de 40 ans me disent que j’ai bercé leur jeunesse. Je suis une célébrité sortez-moi de là ! – téléréalité grâce à laquelle il a remporté 138.000 euros reversés à l’association pour le don de moelle osseuse Sapaudia – a marqué un vrai tournant. Aujourd’hui ce sont des ados qui font des selfies avec moi dans le parc ». Et le comédien est enfin capable de dire ce qu’il veut : « jouer au théâtre ». Pour l’heure le chef d’entreprise a pour projet d’installer un bar dans la salle principale qui donne sur le parc, des barbecues et braseros pour que tout le monde viennent y pique-niquer. S’il affirme que « les gens ne viennent pas pour me voir », ses voisins ne disent plus que l’on va à la Vernée, mais « Chez Gérard »… 30 ans ont passé mais il reste le mec d’à côté.