Laetitia NoblesseFrom Japan with Love

Elle est la créatrice du Manga-T, un manga café dijonnais dont elle a enrichi avec succès le concept autour des notions de qualité et d’authenticité. Son invite : partager un voyage au cœur de sa passion, la culture japonaise. Elle vient d’accompagner l’ouverture de deux franchisés et ne compte pas s’arrêter là.

Tombée en amour, comme disent les Québécois. C’est littéralement ce qui est arrivé à Laetitia Noblesse et il aura suffi d’un premier périple au Japon pour éprouver au retour un tel mal du pays que sa vie en a été toute chamboulée. Si, à 40 ans très bien portés, elle aime toujours les oreilles de chat, « très kawaii » (comprenez « trop mignonnes »), cela ne diminue en rien sa détermination et ses capacités de chef d’entreprise. Elle a ouvert en 2015 à Dijon son premier salon de thé, Manga-T, en mettant sa patte personnelle (de chat ?) pour adapter le modèle japonais du manga café, en faire une réussite commerciale et vous faire voyager au Japon comme si vous y étiez. Elle vient d’accompagner l’ouverture en franchise, en novembre dernier, d’un deuxième Manga-T à Metz, d’un troisième à Annecy pour le mois prochain, « et peut-être d’un quatrième courant 2019 dans le centre de la France ». Et elle se verrait bien afficher sur sa « carte du tendre » (carte d’un pays imaginaire) un Manga-T à chaque coin de l’hexagone, pour que chaque passionné « puisse alimenter sa passion pour le Japon ».

CLUB DOROTHÉE

Laetitia Noblesse fait partie de cette génération fan du « Club Dorothée », un programme télévisé lancé en 1987. C’est là qu’elle découvre les valeurs de la culture japonaise à travers ses dessins animés : « Le respect des anciens, la solidarité, l’amitié, les coutumes du pays, les cérémonies, le respect de la nature. » Quelques années plus tard, en Lettres modernes à l’université de Dijon, elle dévore les livres et se met aux mangas. Dans son salon de thé, une grande partie de l’espace est d’ailleurs consacrée à la mangathèque. Ici, pas de vente de livres mais pas moins de 5.000 ouvrages en lecture libre moyennant quelques euros, lové dans des coussins posés à même le sol. Elle bifurque alors vers la profession de commerciale, qu’elle exercera en magasin puis en entreprise pendant 15 ans. Une expérience qui a fait d’elle, pour les banques et partenaires locaux, un bon profil de porteur de projet. « S’adresser à des dirigeants d’entreprise, cela donne une assurance lorsqu’on le devient soi-même, reconnaît-elle, j’avais vraiment besoin de travailler pour acquérir cette maturité-là ». Dès son entrée dans la vie active, sa fascination pour le Japon s’étend à la langue et à la cuisine. Elle fréquente les réseaux dijonnais et devient une assidue du festival du manga Dijon Saiten. Elle crée des bijoux en papier origami, le washi, et des bracelets en chirimen, un tissu traditionnel japonais, pour porter sur elle « un petit bout de Japon ». Autant de « petits cailloux » de jardin japonais pour construire pas à pas son projet. Jusqu’au grand saut. En 2013, elle part pour la première fois au Japon avec son compagnon, lui aussi amoureux du pays. Auberges traditionnelles, Mont Fuji, sources d’eaux chaudes, mais aussi Tokyo et sa pop culture, les deux versants, tradition et modernité, d’un même yen. Le coup de foudre est tel que lorsqu’elle revient, rien n’est plus comme avant,

la tête ici et le cœur là-bas : « J’adorais mon travail mais je n’arrivais plus à me projeter.» Un bilan de compétence fera alors ressurgir sur le devant de la scène le projet enfoui de manga café.

VOYAGE EN TROIS PARTIES

Ouvert depuis 2015, le Manga-T a repris les codes des manga cafés tokyoïtes et les a adaptés pour créer un concept original et rentable : « Comme au Japon il y a une partie mangathèque, mais c’est surtout la partie salon de thé, ses boissons et pâtisseries authentiques et exclusives, qui fait la réussite de Manga-T. » Ici, tout est fait pour créer une expérience la plus proche possible de l’original. Avec des productions maison comme le Kuro Goma, une boisson à base de sésame noir, de miel et de lait de soja « qui n’existe pas en France et qu’il est impossible d’importer ». Il est proposé à la carte, tout comme le Black Soy Drink, une infusion à base de haricots de soja noirs torréfiés. On peut les accompagner d’un authentique Taïyaki, une spécialité boulangère dont la recette a été mise au point avec Kumiko, une Japonaise qui donne des cours de cuisine à Dijon. Ses clients l’ont bien compris qui viennent chercher passage Darcy ce bout de Japon en pays bourguignon. « Quand ils reviennent du Japon, ils ont l’impression de retrouver des moments qu’ils ont partagés là-bas. » Une troisième partie de l’espace est dédiée à la vente de produits importés : bonbons, gâteaux, snacks salés à l’effigie des héros de dessins animés. Sa clientèle ? « 60 % d’hommeset40 %de femmes, la moitié entre 20 et 30 ans, mais aussi des mamies, venues pour les thés japonais, assises à côté de jeunes qui parlent Pokémon. » Autre ingrédient indissociable du concept : le positionnement de Manga-T au cœur de la communauté des passionnés du Japon, vaste et très vivante à Dijon. Sa fondatrice l’entretient via les réseaux sociaux – 6.800 abonnés Facebook, près d’un millier sur Instagram – en relayant l’actualité locale et parisienne relative au Japon, mais aussi en nouant des liens étroits avec les acteurs qui gravitent autour de cette « planète ». Les cinémas, pour les avant-premières des dessins animés, des établissements scolaires heureux de faire connaître les valeurs positives des mangas, les librairies de Dijon. Enfin et surtout, l’échange intense avec les associations culturelles qui organisent sur place deux fois par mois des soirées japonaises. Essayage de kimonos avec photo près du (faux mais beau) cerisier du Japon, soirée conte avec lecture en Japonais, soirée Maid café.

CONCEPT EN FRANCHISE

Parmi ses clients passionnés, deux Messins. Arrivés jusqu’à elle comme prestataires avant de devenir des clients fidèles, n’hésitant pas à venir de Metz une fois par mois pour passer du temps au Manga-T. Ce sont eux qui serviront de déclencheur à la création de la franchise sous licence de marque et deviendront les premiers licenciés. « En 2016, j’ai transformé Manga-T en franchise, puis signé en 2017 le contrat de licence pour Metz. » Ce qu’elle met dans la corbeille ? « J’apporte un accompagnement et la recette du Manga-T, avec ses trois espaces bibliothèque, salon de thé et vente de produits. Mes franchisés ont quelques obligations comme celles d’avoir dans le point de vente une cloison et des toilettes japonaises, mais je leur laisse aussi beaucoup de latitude pour apporter leurs idées. » Condition à remplir : vérifier que le tissu culturel à coloration japonaise soit assez important pour représenter autant de prescripteurs et de partenaires potentiels. À peine ouvert Metz, c’est Annecy qui s’invite. Pour 2019, l’objectif de Laetitia Noblesse est d’activer le développement de la franchise. Sa devise : construire pierre par pierre avec humilité, « en ayant conscience qu’il y a encore beaucoup de travail ». Une politique des petits pas, le Kaizen, on ne peut plus japonaise.

Parcours

1978 Naissance le 24 juin à Amiens
2013 Premier voyage au Japon.
2015 Ouverture du Manga-T à Dijon.
2016 Création du réseau de franchise en licence de marque.
2018 Ouverture du 1er franchisé à Metz.
2019 Ouverture du 2e franchisé à Annecy. Intensification du déploiement de la franchise.