Fraudes et travail illégal : La Capeb s’en mêle

En 2018, 700 actions de contrôle ont été conduites dont 600 à titre préventif en Champagne-Ardenne. (Crédit : Urssaf)

Dans la guerre qui l’oppose au travail illégal et à la fraude au travail détaché, la Capeb Grand Est sort une arme qu’elle souhaite fatale : une application digitale de signalement.

Alors que les 14 000 entreprises du BTP du Grand Est emploient plus de 85 000 salariés pour un chiffre d’affaires de 9,99 milliards d’euros annuel, le secteur d’activité se dit de plus en plus menacé par une concurrence sauvage : celle liée aux fraudes au détachement de salariés et au recours au travail illégal. Des pratiques qui mettent en péril la pérennité des entreprises locales, de l’emploi mais aussi du système social français.

« La lutte contre cette concurrence sauvage qui s’affranchit ou détourne en toute impunité des règles que la France et l’Europe ont fixées est une priorité absolue pour la Capebet tout particulièrement sur le Grand Est. Nos entreprises sont favorables à la libre concurrence et à l’ouverture de nouveaux marchés mais à condition que cela contribue à dynamiser l’emploi du territoire et que ces nouvelles formes de fraudes aux détachements ne s’accompagnent pas de conditions de travail et d’hébergement indignes pour les collaborateurs concernés », explique Maurice Karotsch, président de la Capeb Grand Est. Lancée à l’occasion de la Foire de Châlons où se tenait un conseil d’administration de la Capeb en présence de son président national Patrick Liébus, l’application disponible sur www.signalementbtp.fr se veut un outil d’accompagnement dans la lutte contre le travail illégal et les fraudes au détachement rapide, disponible 24h/24 et anonyme. Le tout dans un souci d’encourager « un acte citoyen numérique » selon le slogan de la Capeb.

Pour ses représentants cependant, conscients que le travail détaché n’est pas illégal, il ne s’agit pas de mettre en place une forme quelconque de protectionnisme : « Nos entreprises sont favorables à la libre concurrence et à l’ouverture de nouveaux marchés », souligne Maurice Karotsch. « Mais à condition que cela contribue à dynamiser l’emploi du territoire et que de nouvelles formes de fraudes aux détachements ne s’accompagnent pas de conditions de travail et d’hébergement indignes pour les collaborateurs concernés ». Autrement dit que les mêmes règles s’appliquent à tous dans le respect de la loi. « Il s’agit pour nous de garantir aux entreprises une concurrence sociale loyale ».

Pour cela les entreprises du BTP misent sur des informations de proximité, en provenance de leurs confrères. Sans pour autant faire appel à la délation, soulignent les dirigeants de la Capeb.

AVEC LE CONCOURS DE L’URSSAF

Pour mettre en œuvre son application dans le respect de la loi, la CAPEB Grand Est a bénéficié de l’appui et des conseils des services de la DIRECCTE Grand Est et de l’Urssaf. Ces deux structures engagées dans le contrôle et la lutte contre le travail illégal mais aussi dans les procédures de recouvrement, se montrent évidemment intéressées par une telle démarche de la part des entreprises du BTP.

« Nous sommes engagés depuis plus de 25 ans dans le lutte contre le travail illégal et nous prêtons toujours la plus grande attention à l’ensemble des signalements », précise Stéphane Hézard, directeur des Ardennes, directeur Contrôle à l’Urssaf. La lutte contre le faux détachement fait quant à elle partie des prérogatives plus récentes de l’Urssaf mais n’en reste pas moins une fraude de plus en plus répandue, notamment dans le secteur du BTP, de la restauration et du transport.

« Notre application n’est pas destinée à encourager la délation », précise Patrick Liébus, président national de la Capeb. « Il s’agit plutôt de montrer à certains qu’ils posent des problèmes à eux-mêmes et qu’ils mettent notre pays en difficulté en menaçant notre système social qui repose sur les cotisation des entreprises. Notre système de retraite par exemple repose sur des mesures nécessaires et pour pouvoir bénéficier de cette retraite il faut que chacun paie le juste montant de cotisations. N’oublions pas que si nous n’avions pas un amortisseur social tel que l’UNEDIC, nous serions face à des situations bien plus dramatiques ». Selon lui, « il faut des sanctions à la hauteur : il y va de l’économie sociale de notre pays ». Des sanctions, l’URSSAF en prononce régulièrement. En 2018, au niveau national, 50 749 actions de lutte contre le travail dissimulé ont été engagées. Plus de 88% des actions ciblées débouchent sur un redressement. Le réseau des Urssaf est parvenu à récupérer 130 millions d’euros en 2018, suite à des opérations de contrôle liées à la fraude au détachement, contre 40 millions d’euros l’année précédente. Hervé Noël, président de la FRTP (Fédération Régionale des Travaux Publics) rappelle toutefois que « dans les entreprises adhérents à la Fédération, le taux est de 0% de fraude au détachement et on trouve rarement des sous-traitants en cascade ». Il plaide en revanche pour une plus grande responsabilisation des maîtres d’œuvres et des maîtres d’ouvrages. « Il faut les sensibiliser à la nature des entreprises qui répondent aux marchés publics pour prendre le marché et faire appel à des travailleurs détachés. On sait très bien qu’ils ne viennent pas pour travailler 35 heures et ils travaillent souvent sans casque, sans baudrier et sans chaussures de sécurité ».

En 2018, 700 actions de contrôle ont été conduites dont 600 à titre préventif en Champagne-Ardenne et les actions ciblées, menées d’initiative ou avec l’aide des partenaires (Gendarmerie, Police, Services du Travail…) ont donné lieu en 2018 à un peu plus de 4 millions d’euros de redressement.

L’Urssaf Champagne Ardenne déclare d’ailleurs consacrer 20% du temps de contrôle à la lutte contre le travail dissimulé.

DES DÉPARTEMENTS DIVERSEMENT IMPACTÉS PAR LE TRAVAIL DÉTACHÉ

Au 30 juin 2019, dans le Grand Est le travail détaché représente 6 093 déclarations dans le BTP, pour un total de 32 961 déclarations, tous secteurs d’activités confondus. Dans le BTP, la majorité des déclarations émanent du Luxembourg (3 569) devant l’Allemagne (1 245) et le Portugal. Tous secteurs d’activités confondus, l’Allemagne arrive en tête des déclarations (17 676), devant le Luxembourg (7 675), le Portugal (1 176) et la Belgique (1 168). Au niveau du BTP, la Moselle est le Département le plus concerné par ces déclarations (3 287 sur 6 093), devant le Bas-Rhin (1 059) et très loin devant la Marne (172 déclarations), les Ardennes (84), l’Aube (87) et la Haute-Marne. Au 30 juin 2019, les inspecteurs du travail sont intervenus 36 fois dans la Marne, 53 fois dans les Ardennes, 16 fois en Haute-Marne à 85 reprises dans l’Aube, pour un total de 1 670 interventions dans le Grand Est.