Frédérique PenillaFrançaise langue étrangère

Frédérique Penilla a grandi en Afrique et vécu sur presque tous les continents. Diplômée d’une université britannique et australienne, titulaire d’une agrégation d’anglais et d’un doctorat en sciences du langage et didactique des langues, elle a ensuite accumulé une expérience de plus de dix ans à l’étranger, avant de diriger, aujourd’hui, le Centre de linguistique appliquée (CLA) de Besançon.

Frédérique Penilla est depuis septembre 2016, la directrice du Centre de linguistique appliquée CLA de l’université de Franche-Comté à Besançon. Un établissement qui a fêté ses 60 ans en 2018 et qui est considéré aujourd’hui comme le plus grand centre universitaire pour le Français langue étrangère (FLE) et l’un des centres d’enseignement des langues les plus réputés au monde. Il accueille chaque année plus de 4.000 étudiants et stagiaires, en provenance des cinq continents. Centre universitaire, il se différencie des autres sites privés d’apprentissage des langues par son approche scientifique de l’enseignement. Toujours pionnier dans son approche et dans ses méthodes : utilisation pour la première fois de la vidéo et des techniques audiovisuelles, expérimentation autour de la gestuelle pour la compréhension et l’intercompréhension, prise en compte des aspects non verbaux en didactique des langues, développement de l’enseignement sur objectifs professionnels… le CLA est identifié comme centre expert en ingénierie des formations en langues. Il est sollicité par des universités du monde entier, mais aussi par le corps diplomatique et consulaire, et les entreprises. S’adaptant sans cesse aux évolutions de l’enseignement du français à l’étranger, ainsi que de neuf autres langues, il est un espace vivant pour le dialogue des langues et des cultures. Cette imbrication entre langue et culture, à la base des recherches du CLA en didactique, cette idée que l’une construit l’autre et réciproquement, est, en quelque sorte, la glaise génitrice du parcours personnel et professionnel de Frédérique Pénilla. Vers l’âge de 11 ans, un changement de cadre de vie radical la confronte pour la première fois aux questions d’altérité. Son père travaillant comme coopérant à l’étranger est envoyé en Afrique au début des années
1980. La famille restera ainsi au Gabon un peu plus de sept ans.
Pour la jeune fille originaire de Chambéry, le dépaysement est total. Il fait naître en elle un bouillonnant mélange de crainte, d’étonnement de questionnement et d’envoûtement. « Paysage, météo, musique, comportement, langues, valeurs, manière d’appréhender l’autre, d’envisager la vie… : tout était radicalement différent de ce que j’avais connu jusqu’ici. J’étais à la fois choquée et subjuguée », se souvient Frédérique Pénilla. Un bouleversement qui s’inscrit dans la durée, pour la jeune fille, jusqu’à l’obtention de son baccalauréat. « J’ai commencé au lycée d’État (l’équivalent du collège en France) dans des classes de 45 élèves comptant une dizaine de Français. Beaucoup de langues coexistaient : le Français, mais aussi tout un ensemble de langues tribales… ». Le retour en France est vécu comme une nouvelle arrivée en terres inconnues par Frédérique Penilla. « EnAfrique, mes seuls liens avec la France étaient le Centre culturel français où je me rendais pour consulter les journaux nationaux qui arrivaient ici avec 15 jours de retard et la radio RFI. Ces maigres attaches, par les images qu’elles faisaient vivre en moi, me donnaient à constater à quel point j’étais Française. Et pourtant, le regard porté sur moi par mes compatriotes, l’image qu’ils me renvoyèrent fut celle d’une expatriée, d’une personne débarquant de la lune. Manière de se tenir, de marcher, de se nourrir… J’ai dû tout réapprendre : ce fut un second choc culturel, un rapprochement qui paradoxalement m’avait rendu étrangère à mon pays ». En 1989, elle débute des études de commerce « plus par intérêt pour les aspects liés aux sciences humaines et autres études des comportements, que pour les composantes économiques de cet enseignement ». Une formation qu’elle achève en 1992 par une année Erasmus en Angleterre, à l’université de Bradford. « Sur place, j’ai pris conscience que l’anglais qui m’avait été enseigné à l’école ne correspondait en rien à l’expérience que je vivais. Bradford est une ville multiculturelle du nord de l’Angleterre où l’accent des habitants est très prononcé et où les Pakistanais, les indiens sont très nombreux, apportant eux aussi leurs lots de sonorités linguistiques spécifiques. Je ne comprenais rien à ce qui se disait ».

DIDACTIQUE AU PAYS DES KANGOUROUS

De retour en France, licence en poche, elle cherche des opportunités d’enseigner l’anglais. En 1993, malgré son absence de diplôme adéquat, mais au vu de sa déjà très large production de publications en anglais et de la caution offerte par la faculté de lettres de Chambéry qui se déclare prête à l’inscrire en master, un lycée public l’engage comme enseignante.

« J’ai tenu ce poste pendant trois ans en me sentant en permanence dans la peau d’un imposteur ». Biberonnée à l’exil et consciente de son besoin criant de s’améliorer en didactique de l’anglais, l’enseignante quitte une nouvelle fois l’hexagone pour l’Australie, pays où cette question est, à l’époque déjà, une vraie discipline de recherche. Sur place, elle reprend tout depuis le début jusqu’au doctorat « ce fut pour moi, une révélation sur ce que l’apprentissage d’une langue impliquait réellement, mais aussi une étape nécessaire de légitimation ». Foulant à nouveau le sol national au début des années 2000, elle obtient le Capes, l’Agrégation et un doctorat de didactique des langues à l’université de Grenoble, puis un poste de chargée de recherche à l’École normale supérieure de Lyon… Globetrotteuse invétérée, on retrouve, de 2006 à 2011, notre linguiste à Séoul en Corée du Sud, comme attachée de coopération à l’ambassade de France, puis jusqu’en 2015 à Rabat. Sur ces deux missions, elle a développé la coopération éducative, linguistique et universitaire en FLE. Elle s’est également investie dans des projets de e-learning, dans des programmes de formation de formateurs, et dans le domaine de la certification en langues. « J’ai toujours aimé être dans le partage, animer, coordonner des choses, évoluer dans de grosses structures comme au Maroc où je travaillais avec l’institut français qui compte 13 établissements, 1.000 professeurs et 92.000 inscriptions par an. C’est notamment toute cette énergie et mon réseau international que j’ai voulu mettre à profit en acceptant le poste de directrice du CLA de Besançon ». Un poste qu’elle occupe depuis un peu plus de deux ans, succédant à Anne-Emmanuelle Grossi, qui a conservé ses fonctions à la tête de la Direction des relations internationales et de la francophonie (DRIF) et qui est également vice-présidente chargée des relations internationales. « À mon arrivée au CLA, j’ai axé mes interventions dans trois directions principales : un apport de plus de cohérence dans les services, l’offre et l’image de l’établissement ; une professionnalisation avec la mise en place d’outils de supports, de procédures, et un renforcement du lien avec la cité au sens large (organisations culturelles, institutionnelles, les entreprises et tous les acteurs de la dynamique territoriale). Par ailleurs, en tant que présidente de l’Association des directeurs des centres universitaires d’études françaises pour étrangers (ADCUEFE) et membre du bureau de Campus France, je m’efforce de donner au CLA une plus grande visibilité dans les réseaux universitaires internationaux et d’ambassades. Aujourd’hui, le CLA recrute à nouveau des enseignants chercheurs et participe pleinement à la politique d’attractivité de l’université et de la région. Nous œuvrons à adapter de plus en plus nos services aux demandes des clients, à offrir des prestations sur-mesure pour répondre aux standards d’excellence attendus par une population estudiantine internationale très diverse, dans un monde des études universitaires de plus en plus concurrentiel. Par ailleurs, la didactique des langues a beaucoup progressé en 20 ans. Elle est appelée à se développer en lien avec la sociologie, la psychologie et la neurologie. Le CLA en tant que centre de recherche peut contribuer à une connaissance plus profonde de ces mécanismes afin de toujours mieux enseigner les langues. Ce qui reste notre vocation première ».

Parcours

1969 Naissance, le 12 juillet à Chambéry (38)
1980-1988 Vit au Gabon
1995 Arrive en Australie et reprend ses études en langues jusqu’au doctorat
2010 Décroche un doctorat en didactique à l’université de Grenoble
2006 à 2015 Est attachée de coopération pour le ministère des Affaires étrangères auprès des ambassades de France au Maroc et en Corée.
2016 Devient directrice du CLA de Besançon