L’Apec vient de publier ses derniers chiffres concernant le recrutement des cadres en Grand Est, un an après la crise sanitaire. Il apparait que les résultats sont plus encourageants qu’ils ne le laissaient présager, avec une baisse de 22% des recrutements sur l’année 2020 (alors que plus de 30% de baisse étaient envisagés) soit 9 660 cadres embauchés. Pour l’année 2021, les prévisions sont optimistes avec une reprise en moyenne de + 4% des embauches.
Si aucune crise ne se ressemble, il n’en reste pas moins que celle de l’année 2020 aura été violente à de nombreux niveaux. Néanmoins, comparée à la dernière que le pays a connu en 2008, avec celle des « subprimes », le choc a été moins rude qu’attendu, en raison notamment du fort soutien accordé par l’État aux entreprises. C’est pourquoi, si les perspectives d’embauches des cadres en 2020 laissaient craindre une chute brutale, elle aura été au final, plutôt contenue. Ainsi, avec 9 660 recrutements réalisés en Grand Est, l’année a accusé un recul de -22% par rapport à 2019.
Sans la crise, les prévisions 2020 tablaient pour la première fois depuis quatre ans sur une stagnation, avec un peu plus de 12 200 recrutements prévus. Ce recul est de 3 points supérieur au niveau national (avec -19% d’embauches) qui s’explique par le fort tissu industriel du Grand Est, secteur plus impacté durant la Pandémie avec la production et les exports à l’arrêt. En Grand Est, 26% des cadres du secteur privé travaillent pour une entreprise du secteur industriel contre 18% au global en France. À titre de comparaison, l’Occitanie a été la région la plus touchée avec -29% d’embauches, son tissu économique étant fortement porté sur l’industrie aéronautique quand la Bretagne n’a accusé que -0,5% de recrutements, son économie étant dirigée vers l’agroalimentaire et l’informatique.
Dans le détail, sur l’année, la période qui a connu la plus forte chute d’offres d’emploi, est sans surprise celle du premier confinement (17 mars au 11 mai) avec une baisse de 58% des offres sur Apec.fr « sachant que le site de l’Apec concentre à lui seul 50% de l’embauche des cadres », souligne Bruno Lestingui, Consultant Relations Entreprises pour la Champagne Ardenne. La reprise des offres s’est amorcée tout doucement au fil des mois, pour redevenir positive en décembre avec +4% par rapport à 2019, soit un signe « d’optimisme des entreprises à la fin de l’année ». « Les entreprises ont en réalité suspendu leurs recrutements, mais avec du stock. Elles ont attendu de voir l’amélioration de la conjoncture pour remettre des offres sur le marché, qui avaient été plus suspendues que supprimées. » Néanmoins, contrairement aux autres années, les jeunes diplômés éprouvent plus de difficultés à être embauchés. « Aujourd’hui, 69% des jeunes diplômés trouvent un emploi ans les 6 mois après leur diplôme contre 85% en 2019 », relève Bruno Lestingui. L’Apec Champagne Ardenne a ainsi mis en place des dispositifs avec l’URCA pour aider les jeunes de la région, à travers des ateliers, à se distinguer auprès des recruteurs.
Il faut dire que la seule ville de Reims ne capte que 9% des besoins cadres de la région, contre 27% pour Strasbourg et 13% pour Nancy. « Les zones d’emploi de Strasbourg et Nancy concentrent 40% des offres de cadres publiées sur l’Apec.fr », note le Consultant Relations Entreprises.
Malgré la crise, 1 150 nouveaux postes ont été créés durant l’année 2020 soit 1 100 de moins qu’en 2019. D’ailleurs, compte tenu de cette situation, le regard des cadres sur la mobilité et le fait de changer d’employeur s’est nettement modifié. « Les cadres sont aussi très mobiles, plus qu’avant, car ils privilégient le bien-être dans une entreprise qui va répondre à leurs critères », observait Bruno Lestingui il y a un an.
Force est de constater que la tendance a complètement changé : « Aujourd’hui, pour 7 cadres sur 10, changer d’entreprise est plus vécu comme un risque que comme une opportunité. »
PROGRESSION DE 4% EN MOYENNE DES RECRUTEMENTS POUR 2021 PAR RAPPORT À 2020
En ce qui concerne les perspectives 2021, l’Apec part tout de même sur une progression de 8% des recrutements à l’échelle nationale. « Si on constatait une belle progression entre 2016 et 2019 avec 218 800 recrutements en 2016 et 281 300 en 2019, 2020 accuse un recul de 19% avec 228 700 embauches. » Pour 2021, les prévisions sont de 247 000 recrutements de cadres, en progression donc par rapport à l’année précédente mais tout de même en recul de 12% par rapport à l’avant crise.
Même tendance dans le Grand Est, les prévisions de 2021 oscillent entre +2% et +7% des recrutements, soit une moyenne de +4% avec 10 090 embauches prévues (contre 9 660 en 2020, soit 22% de moins qu’en 2019). Toutefois, comme les années précédentes, ces recrutements sont portés par l’est du Grand Est puisque la majorité des recrutements de 2021 concerneraient le territoire alsacien qui capte à lui seul 55% des recrutements prévus de la région. La Champagne-Ardenne représentant 19% des besoins en cadres du Grand Est avec 1 880 recrutements prévus.
Dans le Grand Est, 61% des recrutements prévus le sont dans le domaine des services, 21% dans l’industrie, 10% dans le commerce et 8% dans la construction. Par fonction cette fois-ci, 20% le sont dans l’étude et la Recherche & Développement (1⁄4 des postes de R&D en France sont concentrés sur Strasbourg), 19% dans le commercial et marketing, 15% dans la production industrielle, 11% dans l’exploitation tertiaire et 9% dans l’informatique. « Ces tendances s’expliquent par le fait que l’Alsace est très en pointe dans le secteur pharmaceutique, la Champagne-Ardenne sur celui de l’agroalimentaire et la Lorraine dans la métallurgie. »
LE TÉLÉTRAVAIL, LEVIER D’ATTRACTIVITÉ
Au-delà des chiffres, au niveau de la conjoncture globale, le télétravail est l’élément qui ressort le plus des réflexions dues à la Pandémie. « 75% des salariés souhaitent aujourd’hui pouvoir bénéficier d’au moins un jour de télétravail et 53% de 2 à 3 jours. » Le télétravail est ainsi devenu « un levier d’attractivité de l’entreprise », explique Bruno Lestingui. Toutefois, il oblige à revoir le mode de management des entreprises (faire confiance, déléguer, faire preuve d’agilité) et sa mise en place est facilitée dans les entreprises au-delà de 250 salariés, « les plus petites structures ayant plus de réticence mais aussi de difficultés » dans sa mise en œuvre.
Pour autant, si le télétravail a démontré « son efficacité et même une hausse de la qualité de productivité des salariés » sur le long terme, il peut aussi créer « une baisse de la cohésion d’équipe et de la créativité ». Enfin, à plus long terme, Bruno Lestingui souligne l’arrivée prochaine sur le marché du travail de la « génération Z », « génération connectée » pour qui l’outil informatique est une évidence et fait partie du quotidien.