Formations et maintien de la production : l’Enil relève le défi

Face au confinement, comme tous les établissements scolaires, l’École nationale d’industrie laitière (Enil) de Mamirolle et l’Enilbio de Poligny, ont maintenu leurs activités pédagogiques auprès de leurs apprenants, grâce notamment aux cours à distance. Toutefois, de part la composante éminemment professionnelle de leurs formations, le challenge à relever fut d’une toute autre dimension.

«La première particularité de l’ENIL réside dans nos équipements professionnels qui permettent une pratique régulière des différents métiers liés à l’industrie laitière et à la gestion de l’eau et qui favorise ainsi l’insertion professionnelle (rappelons que nous avons un taux de poursuites d’études et d’insertion de 96 %). Il n’a donc pas été facile pour nous de nous adapter, raconte Nicolas Orieux, directeur adjoint de l’Enil de Mamirolle. Une grande partie du personnel a été mise en travail à distance et pour les personnels ne pouvant en bénéficier, des mesures spécifiques ont été prises. Même les enseignants en Éducation physique et sportive (EPS) ont réussi à maintenir l’activité physique pour nos apprenants grâce notamment au projet “De la terre à la lune” (voir encardé), qui sera désormais dupliqué sur de nombreux lycées agricoles sur tout le territoire français ». Côté formations en entreprises, si la majeure partie a été annulée, certaines, notamment à l’international, pour être maintenue, ont eu recours au système des visio-conférences. « Les apprentis, qui représente une grande part de nos effectifs ont pu, pour certains, à partir du 16 mars, poursuivre leur travail en fruitières, précise Richard Révy, directeur des ateliers technologiques de l’Enil de Mamirolle. D’autres ont été placés au chômage partiel, comme tout ou partie des employés des entreprises accueillantes. Dans tous les cas, les coordonnateurs (profs principaux) des classes suivent leurs apprentis pour garder le lien mais aussi s’assurer qu’ils aient bien chacun un statut pendant cette période (chômage partiel…) ».

Par ailleurs, depuis de nombreuses années, le réseau des Enil a développé des modules de formation à distance baptisés Webalim. Cette plateforme qui peut être mobilisés par les entreprises et particuliers qui souhaitent se former autour de la transformation fromagère ou alimentaire, ou de la qualité sanitaire des aliments par exemple, compte plus de 80 modules en français et plus de 30 en anglais.

L’ innovation face à l’inédit de la situation fut également au rendez-vous avec la mise en place, le samedi 18 avril, des premières portes ouvertes virtuelles sur la chaîne YouTube Enil Enilbio. Une initiative qui a rencontrée un vif succès. Une autre originalité de l’Enil est son atelier de production fromagère. « Le lait continue d’arriver et nous continuons de produire. La restauration collective est l’un de nos principaux clients et nous avons d’abord pensé remplacer la production de yaourts par des fromages à plus longue conservation, toutefois, depuis le 1er avril, l’interprofession du Comté pour s’adapter à cette période a demandé à l’ensemble des producteurs de baisser leur production de 8% sur la période d’avril à juin. Nous avons aussi adapté le fonctionnement des équipes, ajoute Richard Révy. Par ailleurs, le magasin de l’ENIL reste ouvert. Vous pouvez venir vous y fournir en produits locaux. Nous avons mis en place un système pour croiser le moins de monde possible. Vous pouvez également commander et retirer sur place vos produits ». Pendant cette crise, la solidarité reste, à bien des niveaux, le maître-mot de l’établissement : entraide entre élèves, don de 12.000 yaourts au CHRU de Besançon, don de leurs stocks de masques et gants nitriles et latex à l’Agence régionale de santé (ARS) BFC.

Témoignages

Bruno Volle, enseignant-coordonnateur pour le BTSA Analyses agricoles, biologiques et biotechnologiques (Anabiotec)

« Si on ne peut pas qualifier d’innovation pédagogique l’intégration des outils de formation à distance, il n’en demeure pas moins que cette rupture par rapport aux pratiques individuelles a demandé, à tous, une adaptation, un investissement certain et une relative prise de risque, car cela impliquait de sortir de sa zone de confort. Je réalise ainsi les séances d’enseignement par le biais de visioconférences. Les documents sont transmis au préalable aux étudiants via une plateforme de stockage de données à laquelle ceux-ci ont accès. Ces supports dématérialisés font la part belle aux éléments visuels, audiovisuels, voire interactifs, émaillés d’applications. En l’absence d’un auditoire physiquement présent, avec lequelles interactions tiennent autant de ce qui est prononcé que du langage non-verbal (froncement de sourcil, ou une moue d’incompréhension), il est plus difficile d’interagir avec un écran d’ordinateur. La conduite comme la préparation d’une séance suppose donc une capacité de projection plus approfondie dans l’approche et la transmission du contenu ou la production et le choix des supports. Les étudiants de BTS se sont mobilisés et l’assiduité est au rendez-vous. Les questions sont soumises oralement ou par écrit via le “chat”. Cependant, même si ces outils informatiques sont largement implantés dans les foyers français et dans les générations actuelles d’étudiants, nous devons composer avec une inégalité de moyens. La solidarité entre étudiants et la disponibilité des enseignants prend ici toute sa dimension, pour permettre à tous de poursuivre leur formation dans les meilleures conditions. Quatre de nos étudiants en mobilité d’étude à Waterford (Irlande) ou en stage à Prague disposent d’un emploi du temps différent. Les premiers suivent leurs cours à distance comme en France. Les seconds poursuivent leur stage en laboratoire.

Par ailleurs, bon nombre de nos anciens étudiants alimentent les services du CHRU de Besançon assurant aujourd’hui les analyses pour la détection du virus et le suivi de l’évolution de ces malades ».


Richard Revy, directeur des ateliers technologiques, Enil de Mamirolle

« Nous n’avons plus d’élèves dans les ateliers pour la fabrication. Nous travaillons donc, avec le personnel de l’établissement et en effectif réduit : quatre personnes de moins sur neuf au total. Dans ce cadre inédit, même la direction prête main forte aux ateliers ! Les commandes ont beaucoup chuté ; ceci est lié au fait que nous travaillons avec la restauration collective scolaire. Nous avons orienté nos fabrications sur des produits avec des durées d’affinage plus long, et nous ajustons au plus réel pour tout ce qui concerne les commandes. La production est en flux tendu. Beaucoup de choses se sont arrêtées, et surtout les approvisionnements en élément qui gravitent autour de la fabrication. J’ai l’exemple des plaques vertes pour fabriquer le Comté qui ont parfois manqué. Aujourd’hui, la majorité de nos commandes concerne les grandes surfaces, les magasins de coopérative, les magasins locaux et également des petites commandes. Nous avons également mis en place un système de distribution porte à porte. Dans la commune d’une collègue, le Maire a fait passer un message aux habitants en expliquant qu’une personne de l’Enil pouvait prendre des commandes et ramener des produits fromagers (crème, beurre, yaourt, fromages) pour les besoins de consommation courante. Cette personne, masquée et gantée, apporte les produits aux habitants. Elle leur envoie à l’avance le montant et eux placent le chèque. Elle dépose la commande, prend le chèque et s’en va ».


Projet sportif « De la Terre à la Lune »

Les trois Enil de l’Est de la France : l’EnilV de La Roche-sur-Foron (74), l’Enilbio de Poligny (39) et l’Enil de Mamirolle (25) ont mis en place le projet “de la Terre à la Lune”. « Celui-ci permet de faire collaborer les élèves et le personnel des établissements pour “atteindre la Lune” en valorisant leurs activités physiques, tout en respectant scrupuleusement les règles de confinement, explique Jean-François Droz-Vincent, enseignant d’EPS sur les Enil de Poligny et Mamirolle. Nous prenons en compte toutes les activités physiques provoquant sudation et essoufflement (marche jusqu’à un kilomètre de son domicile, course sur tapis, vélo d’appartement…), et utilisons les équivalences suivantes : 15 minutes = deux kilomètres ; 30 minutes = cinq kilomètres ; 45 minutes = huit kilomètres et une heure = 12 kilomètres ». Tous les membres du foyer sont invités à participer au projet pour créer une émulation au sein de la famille. Sur les trois établissements, ce sont environ 140 élèves ou personnels qui contribuent à l’ascension de la fusée vers la Lune ; soit entre 10 et 15 % de l’effectif total. « Sachant que ce projet à tendance à s’étendre vers d’autres établissements agricoles de France peut-être arriverons-nous à atteindre la Lune … et même revenir… », espère l’enseignant.