Festivals : la culture reprend (enfin) ses droits

Les organisateurs de la Magnifique Society ont prévu d’installer 600 tables sur une terrasse géante au pied de la grande scène (photo d’archives).

Dans deux styles différents, les festivals rémois des Flâneries musicales et de la Magnifique Society se tiendront avec des formats inédits en juin, malgré les contraintes sanitaires.

Présidente des Flâneries musicales de Reims, Claire Taittinger se réjouit de pouvoir enfin proposer une programmation musicale aux mélomanes rémois.

S’il n’a pas pu se tenir normalement à l’été 2020, le festival avait proposé une semaine de concerts en septembre, entre deux confinements, avec un certain succès. De quoi regonfler le moral des permanents et des bénévoles des Flâneries qui se sont remis au travail, immédiatement après cette semaine, pour préparer l’édition 2021. « Nous avons décidé de programmer les Flâneries comme si elles allaient se tenir, avec plusieurs artistes déjà prévus en 2020 et qui étaient toujours disponibles en 2021 ».

Au fur et à mesure de l’avancement du calendrier, et face aux incertitudes, les organisateurs ont néanmoins choisi de renoncer à l’emblématique concert pique-nique. Les jauges à 5 000 personnes assises et l’interdiction de pique-niquer ont eu raison de son édition 2021. « Le concert pique-nique doit avoir une âme. Il nous était impossible de l’imaginer dans ces conditions », souligne Claire Taittinger.

Les organisateurs ont donc décidé de concentrer le festival sur trois semaines, du 17 juin au 9 juillet, pendant lesquelles 43 concerts sont proposés. Si dans un premier temps la jauge était limitée à 35%, l’équipe a obtenu des services préfectoraux de pouvoir les étendre à 65% pour les premières dates. « Une très bonne nouvelle », souligne la présidente. « Nous avions notamment des concerts complets pour lesquels nous avons pu remettre des places en vente. À partir du 1er juillet, nous pourrons assurer des jauges à 100% ». Une bonne nouvelle pour les mélomanes mais aussi pour les organisateurs qui vont pouvoir tabler sur une légère hausse des recettes. En effet, la billetterie est habituellement un poste de recettes conséquent des Flâneries, à hauteur de 250 000 euros. Avec la baisse des jauges, elle s’annonce forcément en baisse et les organisateurs tablent sur une diminution de plus de 50% de ce poste du budget.

Le premier contributeur du festival rémois est la Ville de Reims. Celle-ci verse cette année 910 000 euros, soit 140 000 euros de moins qu’en 2020. En 2021, les Flâneries disposent d’un budget de 1,544 M€, soit 250 000 euros de moins que le prévisionnel de l’année dernière. Quant au mécénat, le deuxième poste de ressources du festival, il est lui aussi en baisse de près de 50%, à 250 000 euros en numéraire. « Nos grands mécènes nous ont bien suivi, c’est formidable, mais nous n’avons pas cette année les 104 mécènes que nous avions lors des précédentes éditions », précise Claire Taittinger. « De nombreux mécènes ont souffert de la crise sanitaire ».

L’équipe des permanents, renforcée par de nombreux professionnels et bénévoles au cours du festival, s’est donc pliée en quatre pour préparer une programmation et des conditions d’organisations optimales. « Tout le monde fait un effort, les artistes aussi. Nous avons de notre côté engagé spécialement une référente Covid pour s’assurer que tout se déroulera dans le respect des règles sanitaires ».

UNE MAGNIFIQUE INÉDITE

Pour La Magnifique Society, cette édition est celle de toutes les audaces. Tout d’abord parce que, organisé en plein air, l’événement est limité à une jauge de 5 000 personnes… assises. Un challenge difficile pour un festival de musiques actuelles, préparé depuis de longs mois par les équipes de la Cartonnerie. « Le projet est soutenu par la Ville de Reims. Au début de l’année, n’ayant pas de visibilité sur la faisabilité, le maire de Reims Arnaud Robinet a souhaité que nous réfléchissions à plusieurs scénarii », rappelle Robin Godard, responsable partenariats et mécénats du festival.

Les dernières annonces gouvernementales ont donc incité les organisateurs à se diriger vers un dispositif inédit et qu’ils espèrent unique. « Nous allons déployer une terrasse géante sur laquelle seront disposées des tables et des chaises, face à la scène. Nous prévoyons environ 600 tables que les spectateurs pourront réserver à l’avance par packs de deux à six personnes, soit une jauge totale de 3 200 places ». Une fois assis, les spectateurs pourront suivre les concerts sans masque et commander boissons et nourriture via des applications en click & collect auprès des bars et foodtrucks présents sur le site. « Tout a été pensé, dès l’entrée du festival, où sera demandé un pass sanitaire, puis dans les cheminements et pour la restauration pour éviter les attroupements », souligne Robin Godard. Une telle organisation a forcément nécessité une logistique hors-norme, aux contraintes plus élevées que lors des éditions précédentes. Pour cela, les organisateurs de la Magnifique on pu s’appuyer sur leurs partenaires. « L’événement est co-construit entre notre équipe et les partenaires, notamment au niveau technique et logistique ». Pour Robin Godard, qui a depuis longtemps « pris le pouls des partenaires privés du festival », qu’ils soient contributeurs financiers ou intervenants en appui technique, il fallait également s’assurer que l’événement puisse être économiquement viable.

Si le budget est de 1 100 000 € cette année, soit sensiblement la moitié d’une édition classique (autour de 2 millions), l’apport des mécènes et partenaires privés du festival représente entre 25 et 30% de ce montant. Une baisse qui s’explique par le passage d’un format de trois scènes à deux scènes, engendrant mécaniquement moins d’artistes. En revanche, le poste des dépenses liées à l’accueil du public n’ont pas baissé au prorata de cette jauge réduite en raison des contraintes sanitaires qui exigent autant de personnes et de dispositifs d’accueil.

Division du budget de la manifestation par deux, densité artistique réduite, programmation quasiment 100% française (en raison de la quarantaine notamment pour les artistes étrangers), spectacles adaptés à la jauge, mesures sanitaires renforcées… les choix ont été nombreux, parfois imposés par la situation sanitaire, mais toujours assumés par les organisateurs, qui ont tout mis en œuvre pour maintenir le festival cette année. D’ailleurs, sur les quelque 2 800 festivals de musiques actuelles habituellement organisés en France chaque année, seuls 300 se tiendront en 2021.

« Dès le début de l’année, nous avons expliqué notre démarche à nos partenaires, qui ont progressivement répondu présents. Nous avons même réussi à enregistrer une dizaine de partenaires nouveaux, ce qui est très positif au vu de la situation économique du moment », précise le responsable.

Au niveau du public aussi, l’écho est favorable, avec les Pass 2 scènes qui ont pratiquement tous été écoulés en quelques jours, la billetterie proposant toujours quelques packs pour la scène principale.

De quoi assurer festival, même en format assis, au moins aussi magnifique que ses éditions précédentes.

Claire Taittinger, présidente des Flâneries.