Louise BosserFemme tout terrain

Cofondatrice de l’agence audiovisuelle toulousaine Umber Studio, cette jeune femme de 27 ans a participé à l’expédition baptisée The FlipFlopi Project, une traversée du lac Victoria en vue de limiter l’usage du plastique unique.

Au destin des protagonistes de Desparate Housewives, elle préfère sans aucun doute celui des personnages de la série littéraire Les Désastreuses Aventures des orphelins Baudelaire de Lemony Snicket, son livre de chevet lorsqu’elle était enfant. Louise Bosser, 27 ans, a la fougue d’une jeunesse pleine d’espoir malgré ces temps assombris par la crise. Elle s’attelle à écrire l’avenir à l’encre verte, en tout cas à faire bouger les lignes à travers des actions de communication. Tandis que la majorité du monde se recroqueville sur elle-même, astreinte à ralentir sa course frénétique, la cofondatrice de l’agence de création audiovisuelle toulousaine Umber studio, son associé, Loic Forques aux manettes audiovisuelles et un ami caméraman, Elian Perrot fondateur du projet What’s up on earth, ont rejoint début mars l’expédition FlipFlopi Project. Ils ont navigué avec toute une équipe sur les rives du lac Victoria en Afrique pendant trois semaines, à bord d’un dhow, un bateau traditionnel kenyan de 10 mètres de long, symbolisant l’héritage africain. Il est le premier du genre : entièrement construit à partir de déchets plastiques. Sa coque multicolore est recouverte de « flip flop », signifiant « tong » en anglais, l’un des principaux déchets qui s’amoncellent sur les plages. L’objectif est de sensibiliser les communautés sur l’environnement, de dénoncer une pollution qui fait des ravages et de convaincre les décideurs à limiter l’usage du plastique unique, au côté également de l’explorateur et navigateur émérite Eric Loiseau, surnommé « Le Captain ».

« Le plastique à usage unique n’a aucun sens, c’est dangereux pour la santé et l’environnement », pointe-t-elle. Éveiller les consciences autour d’un carrefour d’enjeux environnementaux et économiques que constitue le lac Victoria, l’un des bassins les plus pollués au monde dont les rives sont bordées par le Kenya, l’Ouganda et la Tanzanie qui fait vivre 40 millions d’âmes, relève-t-il davantage d’une utopie ou d’un mouvement de fonds ? Si l’écologie, mot indissociable de cette période mouvementée, devient une notion à la mode, cette jeune femme ambitieuse et tout terrain a le sentiment, pour sa part, d’avoir distillé un message urgent. À peine de retour d’un autre monde, ses yeux pétillent de bonheur malgré une poignée de souvenirs affligeants. « Lorsque nous sommes allés à la rencontre des populations assez reculées en Ouganda pour les sensibiliser et exposer des solutions, une femme m’a demandé ce qu’était le plastique. Une aberration alors que son village était semblable à une décharge de plastique. Ce moment m’a particulièrement marquée. Encourager à la réutilisation du plastique, au clean-up, c’est un grand pas mais il existe un premier niveau d’information qu’il est essentiel d’inculquer. Le plastique est partout mais certains l’ignorent », souffle cette pédagogue dans l’âme. Elle jette un regard plein de tendresse face à la dure réalité : « Du Kenya, en passant par l’Ouganda jusqu’en Tanzanie, mon chemin a croisé des « wonderful people », prêts-à-penser à tout pour combattre la pollution plastique absolument omniprésente. Des conditions sanitaires et économiques désastreuses, des paysages balafrés et pourtant il existe de nombreuses initiatives innovantes et ingénieuses. Nous sommes aussi beaucoup soutenus par la jeune génération ». La jeunesse est ainsi une des cibles principales. « Suite à un partenariat avec l’agence les Kat Cent Coups, nous avons produit du contenus photo et vidéo à chacune de nos 23 escales le long des rives du lac. Eric Loiseau a, entre autres, animé les vidéos pédagogiques et les ateliers mis à disposition des 400 écoles françaises qui ont suivi notre expédition. Nous aimerions désormais animer des conférences auprès de ces établissements scolaires. »

La voix chargée d’émotions, elle est « heureuse » d’avoir bouclé cette mission. « L’objectif de mettre en avant des solutions concrètes est atteint. Je pense que nous avons frappé fort et le message a été entendu. Les initiateurs du FlipFlopi Project ont vraiment eu cette volonté commune de rencontrer les populations pour les sensibiliser, de rendre visibles des business qui fonctionnent sur le système de l’économie circulaire et de créer des connexions entre chaque pays, et d’avoir une influence vis-à-vis des politiques. Et de notre côté, nous avons pu capturer et transmettre des messages. » Louise Bosser en est absolument convaincue : l’audiovisuel est un levier majeur du changement positif. « J’ai souhaité mettre l’audiovisuel au cœur de ma démarche car c’est une clé pour influencer et communiquer sur des solutions en faveur de l’humain, de l’environnement et de l’innovation ».

L’oreille tendue vers des projets hors du commun, elle a ainsi travaillé de concert avec trois Kenyans du projet FlipFlopi soutenu notamment par l’ONU et l’Agence française de développement. « Nous avions pris connaissance de cette initiative il y a deux ans via notre entourage. Nous les avons contactés et nous sommes tombés à pic, car ils avaient besoin d’une équipe pour médiatiser l’expédition. Lors de ces trois semaines exceptionnelles, nous avons en grande partie vécu sur le bateau qui était le point d’orgue du projet. Le matin était consacré au temps de navigation, l’après-midi aux rencontres avec les politiques et les communautés, et le soir, soit nous campions soit nous restions sur le bateau et continuions à travailler ». Un travail de longue haleine aussi en amont et de son propre aveu « pas toujours évident surtout pour définir le business model et la stratégie de communication particulière à la dimension internationale. Ce projet a demandé beaucoup d’aller et retour avec l’équipe africaine. Ce fut un vrai challenge pour arriver jusqu’au bout, d’autant plus compte tenu des conséquences de la crise. Nous devions être une des seules expéditions au monde à être maintenue à ce moment-là ! Mais nous étions particulièrement soutenus par nos partenaires ». Un projet qui a cependant été financé de leur côté en fonds propres et grâce à la plateforme GoFundMe à hauteur de 3000 €. Si la crise a alors ralenti les autres activités de la jeune agence audiovisuelle, née juste avant la pandémie, elle a eu au moins pour avantage « de donner plus de temps à consacrer à ce projet. À la base, mon associé et moi visions un projet de grande envergure par an, mais nous allons sûrement revoir notre objectif à la baisse car c’est un sacré boulot ! », souligne-t-elle.

Le monde dans sa complexité est devenu le terrain de jeu de Louise Bosser. Cette « épicurieuse », mot valise qui lui conviendrait à merveille, tisse aujourd’hui sa toile à travers le globe. Née à Montpellier d’une mère psychologue et d’un père militaire dans l’armée de terre, la cadette de la famille a été bercée par les déménagements successifs. Mais contrairement à d’autres enfants de gradés, il n’y avait pas de destinations exotiques dans les pérégrinations familiales, seulement un tour de France. « Je n’avais que très peu d’encrages, mis à part les maisons de mes grands-parents, les points de ralliement constants tout au long de mon enfance. Justement, je pense que ce qui m’a aidé le plus, était d’être animée par le fait de “changer de vie” tous les deux ans. Petite, je voyais ça presque comme un pouvoir magique ! », sourit-elle. Trimbalée donc, mais pas chamboulée. Au contraire, une facilité d’adaptation s’est très vite dessinée et est aujourd’hui gravée dans la peau de cette Castraise et Bretonne d’origine. « J’ai toujours suivi le même processus d’analyse et d’observation pour m’adapter et m’intégrer et c’est quelque chose que je retrouve maintenant dans mon métier. C’est un élément avec lequel je suis comme un poisson dans l’eau ».

En 2008, elle débarque avec ses parents à Toulouse, un écrin de briques rouges « et une culture conviviale », qu’elle retrouvera plus tard pour ses études en management à TBS puis à l’IAE, « un moyen intéressant pour voir comment fonctionne une entreprise ». Néanmoins, elle lorgne déjà au-dessus des frontières, avec une envie de voyager chevillée au corps. « Très jeune, je me suis intéressée aux différentes cultures, aux sociétés, et c’est ce qui m’a permis d’avoir une ouverture sur l’expédition et les projets éthiques. Pour autant, petite, je ne voyageais pas au long court car nous avions trop la tête dans les cartons ». Avec ses premiers deniers gagnés, la jeune femme indépendante se frotte au monde avec souvent comme seul compagnon son sac à dos, « choisissant des destinations aux antipodes, le Mexique, le Maroc, l’Indonésie, etc., afin de mieux saisir les contrastes ». Pourtant à l’époque, le voyage n’est qu’une pastille enchantée agrémentant son quotidien bien rempli au sein des ressources humaines du groupe Thales. « Une expérience incroyable ! Je me suis plongée dans un environnement stratégique, politique et humain. J’ai participé à la gestion de 500 personnes, contribué à faire le match entre le business et les collaborateurs, aidé les équipes à s’accomplir, etc. Cela m’a beaucoup intéressée et humainement, nombre de profils m’ont inspiré ». Puis, un nouveau chapitre s’ouvre avec l’entrepreneuriat. Frondeuse depuis son plus jeune âge, elle n’aime guère à l’époque qu’on lui dicte ce qu’elle doit faire, préférant de loin l’autonomie. Un trait de caractère que la jeune femme n’a indéniablement pas perdu en chemin. « Gérer un projet de A à Z, c’est qui me fait lever le matin ». Prochain départ en août : la première étape Toulouse-Casablanca d’une expédition consacrée aux engins à propulsion électrique qui a pour ambition de retracer le projet de la ligne aéropostale.

Parcours

1994 Naissance à Montpellier
2008 Arrivée sur Toulouse
2017 Diplômée d’un master management. Premier stage chez Thales
2018-2019 Devient responsable des ressources humaines au sein du groupe Thales
2019 Cofonde l’agence de production audiovisuelle Umber Studio à Toulouse
2021 Mars : suit l’expédition baptisée The FlipFlopi Project, pendant trois semaines : traversée du lac Victoria à bord d’un dhow, un bateau traditionnel kenyan entièrement fabriqué à partir de déchets plastiques pour sensibiliser les populations et les politiques à l’usage de ce matériau