Nadine BarbottinFemme de conviction

À la tête de l’association ASEI depuis 2014, elle a consacré la majorité de sa vie au bénévolat. En parallèle, passionnée par la gastronomie, bloggeuse reconnue et consultante culinaire, elle gère depuis deux ans Mamscook Event.

C’est la première femme à avoir accédé à la présidence, en 2014, de l’association ASEI qui accompagne chaque année plus de 10 000 personnes fragilisées ou en situation de handicap. Une aventure humaine qui a bien failli rester vaine pour cette passionnée de bénévolat. « Lorsque Jean Bousquet, l’ancien président, m’a proposé lors d’un dîner entre amis de rejoindre l’association car il avait besoin de féminiser son conseil, je lui ai répondu que s’il voulait une potiche, il pouvait se rendre à la jardinerie du village, s’en acheter une et la mettre sur la table », se remémore Nadine Barbottin, une féministe pas comme les autres qui plaide la différence entre hommes et femmes. « C’est parce que nous sommes différents que c’est important de mélanger les deux dans un même milieu ». Quinqua dynamique, le verbe haut et l’ardeur du politiquement « incorrect », elle est fortement habitée par les valeurs humanistes. Un an et demi après cette anecdote, elle rejoint l’association reconnue d’utilité publique et découvre le monde médico-social et le sanitaire. « Ma première préoccupation en tant qu’administratrice était de savoir si je pouvais être utile, car intégrer une association uniquement parce qu’elle a un bel écho n’a aucun intérêt, explique-t-elle. Mais je me suis prise au jeu. Dans ce milieu, j’ai retrouvé des valeurs auxquelles je suis profondément attachée telle que la non-discrimination, le respect d’autrui, le respect de la différence et la solidarité envers l’autre ».

Toulousaine de cœur depuis plus de deux décennies, elle n’était jusque-là jamais restée aussi longtemps dans une région. Petite, elle passe ses vacances entre le bassin minier du Nord Pas de Calais et les bords de mer choyée par des grands-parents espagnol et flamand, et vendéens. C’est grâce à certain melting-pot régional et familial qu’elle prend conscience ainsi très jeune de « la différence qui constitue l’autre, et qu’on peut être heureux n’importe où, sans forcément être dans le doré et le beau ». Une vision de la vie qui ne la quittera pas.

Cette diplômée en droit public et international qui, rêvait de soigner les autres, fait le choix, à peine un pied dans la vie active, de se marier et d’avoir quatre enfants. « C’était une vraie volonté de prendre du temps pour m’occuper de ma famille et de permettre à mon mari d’évoluer professionnellement, un choix que nous avons fait à deux, souligne-t-elle. Cependant, c’est difficile pour une femme, car elle est vite perçue comme une personne qui ne fait rien. J’ai essayé de travailler comme salariée mais je n’y trouvais pas mon équilibre. En tant que mère d’une famille nombreuse et d’enfants précoces, j’avais coutume de dire que j’étais chef d’une micro-entreprise. De plus, cela m’a laissé du temps pour m’investir dans la vie associative pour laquelle j’ai eu une véritable révélation ».

Un choix de vie assumé agrémenté de plusieurs déménagements. Elle nourrit ainsi sa curiosité et celle de ses enfants au creuset de cultures régionales marquées. C’est en Bourgogne, que cette femme de conviction entre dans le milieu associatif, éveillant ainsi son goût pour l’engagement. « J’ai activement participé à une association qui militait en faveur des écoles en zone rurale. Depuis, je suis convaincue que la société civile peut faire bouger les lignes. Le monde politique se perd parfois dans des messages qui manquent de sens et de lisibilité, alors que la société civile est en prise directe avec la vie. Il n’y a dès lors pas de filtre pour trouver des solutions concrètes et c’est par là qu’on peut changer les paradigmes de la société », précise-t-elle. Poursuivant ses pérégrinations, elle prend à bras- le-corps son sens du service « allant toujours au bout des choses ». Elle rejoint une association d’enfants précoces puis une autre association en charge d’enfants dyslexiques ainsi qu’une structure dans le milieu théâtral, jonglant ainsi successivement entre différentes missions. Posant ses valises avec sa famille dans la région de Nougaro, elle s’investit pleinement au sein de l’Association des parents d’élèves de l’enseignement libre pendant une dizaine d’années, par conviction et motivation personnelle. « Mes enfants ont quitté le public pour rejoindre le Caousou et cela leur a réussi. C’était donc naturel pour moi de donner du temps à une école où mes enfants étaient heureux », souligne la mère de famille. Prenant son rôle à cœur, elle devient présidente de l’Apel du Caousou, puis présidente régionale de l’association avant d’être élue au bureau national qui représente plus de 900 000 adhérents en France, se rendant ainsi toutes les semaines dans la capitale. De là, elle crée en parallèle le réseau École et monde professionnel, pour lequel, elle traverse aussi régulièrement l’Hexagone. « L’objectif était de faire connaître le monde de l’entreprise aux adolescents, et créer du lien pour que les entreprises s’ouvrent au milieu scolaire. Aujourd’hui, c’est devenu courant mais il y a 15 ans, c’était novateur ». Si elle a aujourd’hui passé le flambeau, elle continue de représenter les parents de l’enseignement libre, exerçant actuellement un troisième mandat au conseil économique, social et environnemental régional (Ceser).

Cette hyperactive rejoint l’ASEI, basée à Ramonville. « À l’époque, j’ai assommé le directeur général de questions, sourit-elle. J’ai vu à travers cette association le moyen de faire comprendre que le handicap n’est qu’une différence, comme bien d’autres. La différence doit être acceptée, mais on vit dans une société très stéréotypée. C’est hallucinant ! Il faut arrêter de mettre les gens dans des cases », pointe la présidente qui est, aujourd’hui, à la tête d’un petit royaume : 3 400 salariés, 107 établissements sanitaires et médico-sociaux pour enfants et adultes, implantés dans huit départements, trois régions et comptant 200 sites dispatchés entre l’Occitanie, La Nouvelle-Aquitaine et le bassin de l’Ile-de-France. Le conseil d’administration est composé, entre autres, d’un collège de représentants des personnes accompagnées et de leurs familles, ce qui permet de porter des innovations, et d’un collège des représentants du personnel, « c’est nécessaire à la bonne gouvernance de l’asso ».

Nadine Barbottin ne cache pas sa fierté de développer la vie associative, de faire de la place aux familles, de travailler en intelligence collective pour permettre à ce milieu d’aller de l’avant. « Ce n’est pas parce que nous ne sommes pas dans le milieu ordinaire que nous sommes dans un milieu fermé. Bien au contraire. Nous collaborons, par exemple, avec la médecine de ville, les associations culturelles, sociales, sportives, etc. Nous avons à cœur d’avoir cette ouverture vers l’extérieur pour accompagner au mieux les personnes handicapées et leur permettre de s’épanouir à leur rythme », explique la présidente.

À son arrivée, celle-ci comprend très vite la complexité de l’association sur le terrain et s’attache à changer les habitudes pour que l’on parle désormais de personnes accompagnées et non plus d’usagers. « C’était innovant à l’époque, mais ce n’était pas seulement une question de sémantique. Le but était de laisser la parole aux personnes en situation de handicap et de renforcer le triptyque entre personnes accompagnées, entourage et personnel ».

Aujourd’hui, la dirigeante veut laisser une trace, « contribuer à faire respecter la différence. La respecter ce n’est pas la gommer, c’est la prendre en tant que telle, explique-t-elle. On entend beaucoup parler d’inclusion dans le milieu ordinaire, c’est devenu le maître mot. Cependant, il faut se préoccuper des personnes, de leurs désirs et de leurs possibilités, sachant aussi que les familles n’ont pas toutes les mêmes moyens. C’est une démarche globale. À l’ASEI, plus de 50 % des enfants évoluent en milieu scolaire ordinaire, mais on les accompagne au travers des classes intégrées, individuellement. Je milite d’ailleurs pour le droit à l’essai des personnes accompagnées, c’est-à-dire leur donner la possibilité de revenir dans les établissements protégés après une expérience plus classique, s’ils ne trouvent pas leur équilibre. Aujourd’hui, il n’existe aucune loi pour ça ».

La présidente n’a pas peur de contrer les idées reçues. « Avec la crise sanitaire, nous avons dû renvoyer chez eux certains jeunes, dont les familles sont sur le point d’imploser. Comme quoi, le besoin d’accompagnement est bien réel ! »

Être à la tête de l’association n’était pour elle pas une fin en soi, mais elle assume ce rôle avec militantisme. « Un président est là pour apporter un souffle, une vision, donner du sens. Si un jour ça s’étiole, je partirai ».

En attendant, elle assouvit une autre passion : la cuisine. Son blog, désormais reconnu, est né il y a sept ans. « J’en avais assez d’écrire des recettes sur des bouts de papiers pour mes amis alors j’ai décidé de me lancer, motivée par l’idée de transmettre, le goût du bien manger, du consommer local et de saison. ». La bloggeuse, qui réunit aujourd’hui une forte communauté et anime des émissions à la radio et sur le petit écran, a créé il y a deux ans Mamscook Event. « En tant que consultante culinaire, j’anime des ateliers et des soirées team building pour des entreprises, en lien avec le terroir ou un produit pour transmettre son histoire, ses origines, etc. L’objectif est de remettre du sens dans nos assiettes et de défendre le travail des hommes et des femmes. Le sens, c’est ce qui m’anime, ici ou à l’ASEI », conclut cette amatrice d’histoire qui concocte un livre truffé d’anecdotes artistiques et gastronomiques.

Parcours

1964 Naissance dans le Nord
1987 Master en droit international
1995 Installation dans la région toulousaine
2000-2013 Rejoint l’Association de parents d'élèves de l'enseignement libre (Apel)
2014 Prend la présidence de l’ASEI