Christophe ThomazoExplorateur de la biodiversité

Aujourd’hui maître de conférence en géochimie à l’université de Bourgogne, Christophe Thomazo s’est spécialisé dans l’analyse de roches sédimentaires produites par les êtres vivants. Avide de voyages, lorsqu’il n’est pas dans son laboratoire, le nouveau membre de l’Institut universitaire de France part prélever des roches sur d’autres continents.

Dijonnais d’adoption, ce parisien est arrivé à l’université de Bourgogne il y a tout juste dix ans pour enseigner et poursuivre ses recherches. Maître de conférence en géochimie, il intègrera, au 1er octobre, l’Institut universitaire français, une reconnaissance et un atout pour l’université de Bourgogne puisqu’il est le seul enseignant-chercheur de la région à avoir été élu cette année.

Passionné et curieux pourraient être les deux principaux adjectifs pour décrire Christophe Thomazo. Fraîchement élu à l’Institut universitaire de France, c’est le sourire aux lèvres et avec une réelle volonté de parler de son métier qu’il nous a reçu dans son bureau, à quelques mètres de son laboratoire de biogéosciences, sur le campus dijonnais de l’université de Bourgogne. Originaire de Fontainebleau, en région parisienne, Christophe Thomazo a découvert les sciences très jeune. « Mon père était architecte et ma mère infirmière, mais ce qui m’a poussé à travailler dans les sciences, c’est davantage une certaine curiosité de comprendre ce qu’il y a autour de nous et aussi un intérêt pour les voyages, confie-t-il. Les sciences naturelles m’ont toujours attiré. Enfant, j’étais fasciné par les reportages de Cousteau et la diversité des organismes vivants, ainsi que leurs interactions avec leur environnement, m’ont toujours intéressé. On trouve des organismes dans une gamme d’environnement colossale… Aujourd’hui, on retrouve des bactéries jusqu’à 10 kilomètres sous le plancher océanique, je trouve ça fantastique ! ».

DE PROF DE SVT À PROF DE FAC

C’est donc très naturellement qu’il a quitté Fontainebleau pour rejoindre Paris pour entamer des études universitaires dans la biologie et la géologie. « J’ai commencé avec des études généralistes dans les Sciences de la vie et de la terre (SVT ), jusqu’à la maîtrise (équivalent du master 1 dans la nouvelle nomenclature induite par la réforme LMD, Ndlr), et j’ai ensuite préparé l’agrégation de SVT. » L’agrégation en poche pour enseigner en lycée, une première rencontre a remis en question ses plans de carrière. « J’avais eu l’occasion de réaliser quelques stages dans des laboratoires de recherche et un de mes encadrants m’a proposé de rester en me disant que je pouvais garder le bénéfice de l’agrégation pendant un an. » Il intègre ainsi l’Institut de physique du globe, à Paris, pour en sortir diplômé d’un DEA (équivalent du master 2) en géochimie. « L’idée était d’étudier chimiquement des roches et le fonctionnement du système “Terre”, et le sujet qu’on me proposait était l’étude des roches fabriquées par des êtres vivants. L’objectif était d’essayer de comprendre quels organismes vivants fabriquaient ces roches, avec quels genres de réaction chimique, pour pouvoir en déduire certains paramètres de la Terre à cette époque, comme la température et le pH de l’eau, par exemple. On conservait donc une composante biologie assez forte », détaille Christophe Thomazo. Son DEA en poche, les salles de cours du lycée s’éloignent encore lorsqu’on lui annonce qu’il peut se faire financer une thèse. « L’objet de cette dernière était d’avoir une image assez complète de la biosphère d’une époque géologique ancienne, qu’on appelle l’Archéen (il y a trois milliards d’années), et de comprendre comment l’oxygène est petit à petit apparu dans l’atmosphère, explique-t-il. J’ai eu l’occasion de réaliser plusieurs séjours à l’étranger, dont un de trois mois aux États-Unis, à l’université du Maryland à Washington, pour apprendre des techniques analytiques un peu compliquées pour tracer l’oxygène dans l’atmosphère à partir d’un caillou, et un autre de quatre mois en Australie pour y prélever des échantillons ». Après avoir obtenu son doctorat, s’est à nouveau posée la question de savoir s’il rejoignait l’éducation nationale et finalement, son parcours étant semé de rencontres, il a accepté un contrat de deux ans en Allemagne pour étudier des roches en provenance du Zimbabwe. « Pendant ces deux années, j’ai présenté les concours pour devenir maître de conférence dans plusieurs universités et j’ai fini par décrocher un poste à l’université de Bourgogne, sur le campus de Dijon. »

TROUVER DES TRACES DE VIES PASSÉES DANS LES ROCHES

« J’avais quelques liens avec les équipes de sédimentologues et à ce moment-là, ils venaient de recruter plusieurs géochimistes pour monter un laboratoire de géochimie zoo-topique, explique Christophe Thomazo. Aujourd’hui, nous travaillons activement sur des sédiments qui viennent d’Afrique du Sud, qui ont aux alentours de 3,2 milliards d’années et dont on pense que ce sont des sédiments qui montrent les premiers sols colonisés par des organismes. Je suis aussi beaucoup impliqué dans des recherches au Mexique sur des environnements actuels comme des lacs de cratères de volcans ». La découverte dont il est le plus fier ? « Dans la littérature ancienne, on a toujours proposé qu’il y ait peu d’oxygène avant au moins la fin du précambrien, avant 2,4 milliards d’années. Et finalement, on a réussi à démontrer que 400 millions d’années avant cela, il y avait déjà pas mal d’oxygène dans l’atmosphère et dans les océans. » En parallèle, l’universitaire supervise des thèses, occupe différentes casquettes administratives, et donne des cours en licence et en master, dont le master 2 Sédimentologie, paléontologie, géo-chimie et géo-ressources (SP2G) qu’il dirige.

Enfin, Christophe Thomazo a été dernièrement nommé membre junior de l’Institut universitaire de France (IUF) pour une durée de cinq ans à compter du 1er octobre. Une reconnaissance pour lui, son laboratoire et l’université de Bourgogne. En effet, s’il est le seul enseignant-chercheur de l’université de Bourgogne nommé cette année, il rejoint les 20 autres déjà membres de l’IUF. Au total, l’université de Bourgogne Franche- Comté compte 35 membres. « Entrer à l’IUF signifie surtout avoir plus de temps pour faire de la recherche, souligne-t-il. Cela nous permet de dégager deux-tiers de notre temps d’enseignement et aussi d’avoir des financements récurrents pendant cinq ans (15.000 euros par an, Ndlr). C’est aussi très positif pour le laboratoire puisque dans la catégorie junior, en géologie, nous ne sommes que deux membres pour l’ensemble des universités françaises ». Enfin, les membres de l’IUF doivent contribuer au rayonnement scientifique local, national et international. « L’idée étant de pouvoir mettre à profit une partie du temps gagné pour essayer de remporter de gros projets comme les projets européens de l’European research Council. »

S’il ne devait y avoir qu’une question à laquelle Christophe Thomazo aimerait un jour réussir à répondre, ce serait : « sommes-nous capables de résoudre toutes les conditions aux limites qu’il faut pour que la vie apparaisse sur Terre ? Et du coup, sont-elles uniques ou pas ? Finalement, est-ce que cela aurait pu se passer d’une autre manière et est-ce que cela peut émerger ailleurs que sur Terre ? ».

Parcours

1981 Naissance, le 14 novembre à Fontainebleau (Seine-et-Marne).
1999 Christophe Thomazo commence son cursus universitaire.
2004 Il obtient son agrégation pour enseigner les Sciences de la vie et de la Terre.
2008 Christophe Thomazo soutient sa thèse et devient ainsi docteur.
2010 Il intègre l’université de Bourgogne, en tant que maître de conférence.
2018 Dix ans après avoir soutenu sa thèse, il obtient son habilitation à diriger des recherches.
2020 Christophe Thomazo est nommé membre junior de l’Institut universitaire de France.