Amélie LeclercqÉtoile du Nord

Spécialiste de la formation pour adulte, Amélie Leclercq dirige le grand cluster du numérique d’Occitanie, Digital113, résultat de la fusion des clusters régionaux DigitalPlace et FrenchSouth.Digital.

En même temps qu’elle fait visiter ses locaux installés dans le quartier Bordelongue, Amélie Leclercq met un point d’honneur à présenter toute son équipe. Manière de dire peut-être qu’on ne fait généralement rien seul. La jeune femme a pris la direction générale de DigitalPlace il y a trois ans, puis, en janvier de cette année, celle de Digital113. Le grand cluster du numérique d’Occitanie est né de la fusion au 1er janvier des clusters des ex-régions Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon, DigitalPlace et FrenchSouth.Digital.

Pour autant, Digital113 n’a rien d’une grosse machine. Dotée d’un budget de 1,2 M€, la structure, qui emploie 11 permanents, anime une communauté de 400 entreprises adhérentes qu’elle s’est donnée pour mission d’accompagner dans leur développement. Et pour ce faire, elle déploie une large panoplie de services et d’animations suivant cinq axes stratégiques qu’Amélie Leclercq se fait un plaisir de détailler par le menu : innovation et transformation, business et croissance, stratégie et financement, recrutement et diversité et international. Cette « bavarde » comme elle se qualifie elle-même n’est pas arrivée là par hasard. Amélie Leclercq côtoie en effet le monde du numérique depuis longtemps, même s’il n’avait rien pour l’attirer au départ, comme elle l’explique au détour d’une anecdote.

Née « dans l’océan Indien », sous le soleil de la Réunion, où son père, tout juste sorti de l’école supérieure de journalisme de Lille, venait d’intégrer la rédaction du quotidien local, la directrice générale de Digital113 a grandi à Arras, dans le Pas-de-Calais. Elle a fait la fac de médecine avant d’entrer en licence de biologie. En parallèle, explique-t-elle, « j’étais très active dans l’animation : je dirigeais des colonies de vacances, j’étais formatrice d’animateurs, ce qui me plaisait énormément. C’est pour cela qu’arrivée en licence de biologie, je me suis aperçue que, si j’étais passionnée par la chose scientifique, je ne me voyais pas en faire mon métier. » Elle arrête les cours, se rend au service d’orientation de la fac et passe des tests. Verdict : on lui propose de s’orienter vers la formation d’adulte ou l’informatique. « Je leur ai répondu : “l’informatique ? Certainement pas !” »

Elle se lance alors en alternance dans un nouveau cursus lié aux métiers de la formation continue, « avec, détaille-t-elle, de belles expériences en insertion socioprofessionnelle, en organisation du travail et au sein du service formation d’une grosse entreprise », chez Castorama France en l’occurrence. Elle se voit ainsi confier le montage et l’animation de formations, répond à des appels à projets, travaille avec différentes fédérations sur l’élaboration de futures formations métier… « J’ai eu une chance dingue car beaucoup de gens m’ont fait confiance ! » assure- t-elle. Elle boucle son parcours à l’IAE de Lille où elle obtient un master 2 en management par projet et effectue un stage de sept mois en conduite du changement dans un conseil général, « ce qui est aussi très formateur quant à l’inertie de ses structures », ajoute-t-elle avec une pointe d’ironie.

À l’issue de ces quatre ans d’études, elle finira par travailler dans la formation pour… les entreprises d’informatique. « Je me dis que l’histoire était écrite quelque part ! », s’amuse Amélie Leclercq. Si elle « adore le Nord », la jeune femme veut cependant prendre du champ, « bouger » afin de « s’ouvrir l’esprit ». Elle a plusieurs projets en tête: « le Québec, parce qu’ils sont plus avancés que nous pour tout ce qui est andragogie (science de l’éducation des adultes, NDLR), Londres pour la langue et Toulouse parce que c’était la seule ville de France qui me plaisait, à part Lille ! »

Adieu Shakespeare et la poutine : si elle n’a pas le même parfum d’exotisme, la Ville rose a d’autres attraits pour la jeune femme qui vient de rencontrer un Toulousain et y pose ses valises il y a 14 ans. Devenue conseillère formation pour les entreprises de la branche ingénierie informatique conseil, en Languedoc-Roussillon d’abord puis également en Haute-Garonne, elle côtoie très vite tout l’écosystème du numérique et construit son réseau.

Promue en six ans manager de l’antenne Sud-Ouest du Fafiec qui couvre l’Aquitaine, le Limousin et Midi-Pyrénées (soit quelque 5 000 entreprises), elle est en relation avec les institutions, l’État et la Région et mène différentes opérations dans les filières. Elle pilote notamment avec la Direccte des Adec (actions de développement de l’emploi et des compétences), participe à l’élaboration avec la Région du contrat d’objectif territorial sur le numérique, puis à la création de la Grande École du Numérique…

C’est à ce moment-là que son CV passe dans les radars du groupe Berger-Levrault qui cherche son responsable formation et veut mettre en place son « école des développeurs ». « J’avais acquis un bon vernis, plaisante-t-elle, mais ne grattez pas, parce qu’en dessous, il n’y a rien : je ne suis pas capable de lire une ligne de code ! » Dans cet univers où les femmes sont trop rares – elles représentent 12 % des effectifs dans les métiers du numérique –, elle ne « parle pas tech ». Mais cela ne constitue pas vraiment un handicap. « Je comprends, parce que je suis curieuse, et surtout, je fais reformuler. Je pose des questions, jusqu’à ce que je comprenne ! »

Au bout de six mois chez l’éditeur de logiciels, le directeur général de DigitalPlace, alors sur le départ, lui offre le job sur un plateau. Cependant, le poste qu’on lui décrit « ne fait pas rêver » : beaucoup de tâches administratives, 70 heures de travail par semaine… La jeune femme décline. « Je venais d’arriver chez Berger-Levrault. Je ne suis pas une girouette », explique-t-elle désireuse de mener les projets qu’elle est en train de lancer.

Nouvel appel du pied un an plus tard : on l’invite à déposer sa candidature à la direction générale du cluster. Mais au cours de l’entretien, elle avoue quelques lacunes. « Je suis allée voir le président avec son offre d’emploi en lui expliquant : “vous voulez une personne qui sache faire ça, ça et ça. Moi, je ne sais pas le faire”. De fait, je ne sais pas mentir, je dis les choses clairement. Je pense que cela les a rassurés. Ils savaient précisé- ment à qui ils avaient à faire. Après je leur ai dit : “en revanche, si vous cherchez quelqu’un qui est curieux, bosseur,qui connaît bien les PME du territoire, là moi oui. Mais je ne suis pas bilingue. Je n’ai jamais fait de gestion. La compta, je ne sais même pas ce que ça veut dire”. Je crois que je ne me suis pas très bien vendue! En fait, j’étais bien aussi chez Berger-Levrault, donc c’était quitte ou double. »

Parvenue à la direction générale du cluster, Amélie Leclercq l’assure : « j’ai eu une chance inouïe. J’ai toujours rencontré des gens qui ont su m’accompagner,me faire confiance, me donner des responsabilités. » Une question de chance mais pas seulement : « j’ai eu plusieurs mentors dans ma vie, lorsque j’étais étudiante et dans ma vie professionnelle, des gens qui m’ont apporté des choses, de la bienveillance. C’est extrêmement structurant. »

Rigoureuse, la jeune femme une fois en poste s’est obligée à « sortir de sa zone de confort » pour « mon- ter en compétence » sur tous les champs qu’elle ne maîtrisait pas. « Maintenant, je sais lire un bilan et un compte de résultat, s’amuse-t- elle. Mais encore une fois, c’est parce que j’avais autour de moi des gens bienveillants qui voulaient que ça avance. Ça devrait toujours se passer comme ça dans le monde du travail. »

Lancée dans la belle aventure de la fusion, Amélie Leclercq est ravie de ne bosser « qu’avec des dirigeants qui ont envie. C’est aussi très stimulant pour les permanents du cluster. Ça nous donne envie de nous dépasser. » Le collectif, toujours.

Parcours

1978 Naissance à La Réunion
2004 Master 2 en management par projet à l’IAE de Lille
2005-2014 Rejoint le groupe Berger-Levrault au poste de responsable formation et BL Institut
2016 Devient directrice générale de DigitalPlace
2019 Prend la direction générale, l’animation et le développement économique de Digital113