Et si le Covid-19 nous permettait de repenser la vieillesse ?

La crise sanitaire liée au Covid-19 nous interroge sur la manière dont notre société perçoit la vieillesse. À partir de quel âge, est-on considéré comme « vieux » ? Quels sont les bio-marqueurs du vieillissement et l’âge chronologique reflète-t-il vraiment l’âge biologique ? Le programme Inspire, initié par l’université Toulouse III – Paul Sabatier et ses partenaires – le Gérontopôle du CHU de Toulouse, l’Inserm et le CNRS –, étudie les mécanismes du vieillissement et permet d’appréhender ces différentes questions. Interview du professeur Bruno Vellas, directeur du Gérontopôle du CHU de Toulouse et du professeur Louis Casteilla, directeur du STROMALab.

Depuis la nuit des temps, nous utilisons notre âge chronologique. Cet âge civil explore le temps que nous avons passé sur Terre mais pas vraiment notre âge biologique, physiologique. Or, c’est cet âge biologique qui est le plus important car il est le facteur principal des pathologies liées à l’avance en âge : cancer, maladies cardiovasculaires, maladies inflammatoires chroniques, dégénératives… C’est le domaine des gérosciences. Le programme Inspire vise à mettre à la disposition des chercheurs académiques et industriels, une plateforme de ressources en gérosciences à partir de cohortes humaines et animales. Son objectif est de mieux connaître les mécanismes du vieillissement, d’identifier les marqueurs de notre âge biologique et ainsi mieux lutter contre les maladies liées à l’avance en âge, la perte de fonctions et, à terme, permettre un vieillissement en santé et prévenir la dépendance.

Nous savons que la mortalité suite au Covid-19 est plus importante chez les personnes âgées mais d’un point de vue biologique, à partir de quel âge est-on « vieux » ?

Le Covid-19 est d’autant plus sévère que l’on avance en âge. La problématique des comorbidités, qui montre que les risques ne sont pas les mêmes selon le phénotype des individus, illustre parfaitement qu’en fonction de notre évolution, de notre exposition à des maladies et de la mise en place de déséquilibres physiologiques, notre organisme ne répond pas de la même manière à une agression ultérieure.

On est ici au cœur du domaine des gérosciences et de l’âge biologique qui devrait nous permettre de comprendre pourquoi : vieillissement du système immunitaire ? Inflammation chronique qui accompagne le vieillissement et qui s’accélère en réponse au Covid-19 ? Interaction nutrition métabolisme, immunité face à une infection ?

Le professeur Felipé Sierra, responsable du département « biologie du vieillissement » au National institute on aging, division du National institute of health à Washington, doit d’ailleurs rejoindre nos équipes à partir de fin juin pour travailler justement sur ce domaine.

Le projet Inspire vise à promouvoir le vieillissement en bonne santé, c’est-à-dire rester en bonne santé et autonome le plus longtemps possible. Quels sont les critères à étudier pour juger de la santé et de l’autonomie d’une personne ?

Pour l’Organisation mondiale de la santé (OMS), vieillir en bonne santé, c’est garder ses fonctions pour continuer à faire ce qui est important pour chacun d’entre nous. L’OMS a pu identifier ainsi cinq capacités intrinsèques essentielles au maintien de l’autonomie : la mobilité, la mémoire, l’humeur, l’état nutritionnel et le sensoriel (vue et audition).

Le programme ICOPE de soins intégrés pour les seniors se développe dans toute l’Occitanie dans le cadre d’Inspire, en lien avec l’OMS. Une application ICOPEMonitor est dès maintenant disponible sur votre téléphone portable pour qu’un professionnel de santé ou le senior lui-même puisse mesurer ses fonctions dans le cadre d’une action de prévention participative ; ce qui est extrêmement important dans cette période de confinement.

Le projet Inspire a démarré il y a bientôt un an. Pouvez-vous nous dire ce qui a déjà été mis en place ?

Tout avance vite, l’université Toulouse III – Paul Sabatier, l’Inserm et le CHU ont uni leurs forces dans ce projet de grande ampleur. La cohorte de recherche translationnelle a bien avancé avec déjà plus de 250 personnes. La cohorte Inspire-ICOPE commence en ce moment avec l’application ICOPEMonitor : 128 sujets ont été inclus en 48 heures La cohorte animale devrait se mettre en place très rapidement.

Des programmes de recherche spécifiques sont déjà en cours dans plusieurs laboratoires participant au projet, au Centre de physiopathologie Toulouse Purpan (CPTP), à l’Institut des maladies métaboliques et cardiovasculaires (I2MC), au STROMALab*, au LEASP (Laboratoire d’épidémiologie et analyses en santé publique), pour n’en citer que quelques-uns. Des personnalités internationales dans le domaine comme les professeurs Felipé Sierra et James Kirkland vont rejoindre notre projet en tant que professeurs invités. Des partenariats industriels ont été mis en place. Le site web d’Inspire avec tous ces éléments sera disponible dans le courant du mois de mai 2020.

*L’objectif du STROMALab est de comprendre certains des mécanismes sous-jacents de la régénération des tissus et des organes pour améliorer et/ou rétablir les capacités de régénération chez le mammifère adulte.