EPSI, le radariste français en plein dans la cible

Frédéric Chaumeil, directeur d’EPSI.

Basée à Beauzelle, la jeune pousse implantée sur le secteur de la surveillance des sites sensibles élargit son marché.

Dans le secteur de la  surveillance de sites sensibles par radar à onde continue, un marché trusté par les Américains, les Israéliens et les Chinois, la France ne compte qu’un seul opérateur, dont les bureaux d’étude se trouvent en Occitanie. Fondée en 2019 par une poignée de collaborateurs de Rockwell Collins France (passé il y a deux ans dans le giron d’UTC), la société EPSI développe, fabrique et commercialise en effet des systèmes de détection d’intrusion basée sur cette technologie. Le fruit d’une dizaine d’années d’expérience acquise chez le sous-traitant aéronautique blagnacais. « Nous travaillions depuis 2009 sur cette technologie de radar à onde continue, détaille Frédéric Chaumeil, directeur général d’EPSI. En 2015, nous avons industrialisé un premier produit pour le ministère des Armées et à l’issue de ce lancement, nous avons commencé à séduire d’autres clients dans le domaine de la protection de sites stratégiques. Pour autant, ce marché n’était pas en ligne avec la stratégie de Rockwell Collins France qui n’a pas souhaité la poursuivre. Nous avons alors proposé au groupe un essaimage via la création d’une nouvelle structure afin d’intégrer la production, une partie des équipes d’ingénieurs et les contrats déjà initiés avec le ministère des Armées et EDF. » Et pour pouvoir conserver les habilitations indispensables pour adresser le segment de marché des opérateurs d’importance vitale (OIV), la jeune pousse fait le choix de s’adosser à ITNI, une structure « qui ne travaille que pour le ministère des Armées », et dont EPSI devient une division indépendante. Le spin off, qui a installé à Beauzelle son bureau d’étude, dispose d’une usine de production à Limoges. « Nos cartes électroniques sont fabriquées à Nantes ou à Toulouse chez nos partenaires, ce qui fait que nos produits sont 100 % français, ajoute Frédéric Chaumeil. Ce n’est pas indispensable pour adresser ces marchés. Mais sur le plan de la souveraineté, pour le ministère des Armées ou EDF, le fait d’avoir un radariste 100 % français est devenu d’un intérêt majeur. Cela nous permet du reste, sur notre site de Limoges, de traiter des demandes particulières qui ne figurent pas au catalogue. Et pour l’équipe, c’est un élément de fierté, car nous ne sommes pas nombreux dans le monde a maîtriser cette technologie. » EPSI, qui a ainsi pu décrocher le label French Fab, a vu son effectif fortement croître en un an, passant de six à 16 salariés aujourd’hui et une vingtaine d’ici la fin de l’année.

DÉMOCRATISATION

La société a élargi la liste des OIV parmi ses clients avec l’arrivée de RTE, et mène également « des tests sur toute la filière nucléaire ». Mais elle vise désormais d’autres marchés. « Nous pensions, à l’origine, ne cibler que ces sites sensibles, ajoute le directeur. Mais nous avons très vite été contactés par des collectivités territoriales, en vue de la protection de sites touristiques, industriels ou atypiques comme les cimetières ou des zones d’activité. Nous avons aussi été sollicités pour surveiller des stocks de véhicules, des parkings automobiles, des fermes solaires. Nous avons également développé des solutions nomades de nos radars pour un usage saisonnier dans le domaine agricole, pour surveiller des truffières, des vignes, des parcs à huîtres, etc. » C’est la multiplication de ces cas d’usages sur des surfaces beaucoup plus restreintes qui a conduit EPSI à élargir sa gamme de produits en développant, à côté de ses solutions phares que sont les radars PSR (Perimeter Surveillance Radar) 850, 500 et 200 (qui permettent de détecter un piéton à 850, 500 et 200 mètres), le PSR-SR, qu’elle lance aujourd’hui. Un lancement prévu initialement en fin d’année et accéléré « grâce » ou à cause du confinement. Il assure la détection d’intrusions sur des distances inférieures à 120 mètres pour un piéton et 150 mètres pour un véhicule.

« Certes, notre technologie a un coût, mais elle permet de faire baisser la facture globale de sécurisation des sites, détaille Frédéric Chaumeil. Avec une seule antenne, on remplace plusieurs caméras et toutes les infrastructures associées. En outre, nos détections étant extrêmement fiables, cela permet, en évitant de faire se déplacer des gardiens sur le site, de baisser aussi les coûts d’intervention. »

De fait, la solution développée par EPSI est capable, grâce aux algorithmes intelligents développés en interne, de « discriminer la cible » et ainsi de réduire le taux de fausses alarmes. Les clients d’EPSI peuvent du reste choisir, parmi les informations qui remontent à l’unité de traitement, celles qui les intéressent. « Nous avons aujourd’hui des étages de décisions de plus en plus complexes dans nos algorithmes de traite- ment. C’est ce qui fait notre force et notre avance sur le marché », assure Frédéric Chaumeil.

En fin d’année, un nouveau radar de plus courte portée encore devrait compléter la gamme d’EPSI pour couvrir tous les besoins du marché BtoB, voire à brève échéance celui du particulier pour, par exemple, la surveillance de piscine. « Cette technologie intéresse de plus en plus de monde, confirme-t-il. Nous négocions aujourd’hui de gros volumes avec de gros faiseurs, alors que jusqu’à présent nous travaillions site par site. Nous devrions faire des annonces à l’automne. Et puis, du fait que nous adressons désormais le marché industriel, nos volumes vont également croître ce qui fait que nous intéressons de nouveaux acteurs y compris des distributeurs, spécialistes de la sécurité, qui souhaitent nouer des accords pour commercialiser nos produits sur le territoire national voire européen. »

S’il lorgne au-delà des frontières de l’Hexagone, le dirigeant ne veut cependant pas brûler les étapes. « Nous avons déjà eu des opportunités de développement en Allemagne, Italie, Espagne et en Scandinavie, affirme-t-il. Mais nous voulons d’abord asseoir notre position sur la France. Nous avons certes un challenge commercial à relever mais nous avons surtout un challenge technique, celui de démontrer l’efficacité de notre technologie sur le marché de la protection de site. »

L’entreprise, qui a réalisé près d’1 M€ de chiffre d’affaires la première année, espère doubler voir tripler ce montant dès l’an prochain.