Thierry PajaudEngagement opportun

Après une carrière d’ingénieur notamment dans l’aéronautique et des postes à responsabilité, il trace sa route avec un engagement social et environnemental en tant que DG du groupe Envoi et président de l’association Planet’RSE.

Un bourgeois au grand cœur : c’est ainsi que pourrait se définir Thierry Pajaud. Ancien col blanc dans l’ingénierie aéronautique, celui qui court les clubs d’entreprises dont le Rotary club de Muret, est aujourd’hui un homme fermement engagé. Socialement et écologiquement à travers le Rotary, le groupe Envoi pour lequel il porte la casquette de DG et l’association Planet’RSE où il a récemment pris les fonctions de président.

Pour ce sexagénaire, amateur de rugby et motard chevronné, à l’agenda bien rempli, l’engagement passe inflexiblement à travers l’action sociale et la proximité. Il aurait pu choisir une autre voie, celle notamment de l’entrepreneuriat, mais il s’est laissé guider par une opportunité qui est devenue son cheval de bataille. « C’est bien beau de soutenir une cause lointaine en donnant de l’argent à une association, mais donner de son temps, c’est mieux. Par exemple, avec l’action que nous portons avec le Rotary Club au profit de la Banque alimentaire et ce grâce à mon impulsion, ou encore aider les gens à se réinsérer à travers le groupe Envoi. Être dans l’action, c’est comme ça que je me sens plus responsable vis- à-vis de mes concitoyens », affirme Thierry Pajaud.

S’il n’avait pas écouté les conseils d’un ami, il serait probablement passé à côté d’un poste taillé pour lui. « Ce proche me cernait bien mieux que je ne me connaissais moi-même, avoue-t-il. J’ai tout de suite épousé le projet Envoi qui me motive depuis quatre ans. Je suis comme un poisson dans l’eau. Ce qui m’intéresse, c’est d’être un tremplin, explique-t-il. C’est de courber mon échine pour que des gens puissent utiliser l’énergie de l’association afin de rebondir ». Le groupe, pionnier dans des missions d’insertion et du secteur adapté en Occitanie, a salarié plus d’un millier de personnes dans un parcours d’insertion en 23 ans. Avant que la pandémie ne coupe les ailes au monde économique, l’association comptait encore 130 collaborateurs dont une moitié d’emplois permanents qui encadraient les bénéficiaires à savoir des personnes en situation de handicap et en insertion. Si le DG évoque cependant « un retour à la normal à court terme », la difficulté reste de convaincre davantage d’entreprises partenaires, alors qu’elles sont assommées par les effets de la crise. « Il faut qu’elles nous fassent confiance, d’autant plus en cette période mouvementée », pointe-t-il. L’association, qui sert généralement de tremplin à 70 personnes par an, offre un réel accompagnement. « J’aime à dire que, dans un premier temps, nos encadrants ont un rôle “d’assistance sociale” pour aider les personnes en difficultés à combattre les freins à l’emploi tels que le logement, la mobilité, le surendettement, etc., à les insérer dans un projet professionnel avec des entreprises partenaires, puis dans un second temps un rôle de “conseiller Pôle emploi”. Vous imaginez d’ailleurs ma réaction la première fois qu’on m’a parlé de turnover positif pour les personnes en insertion, inimaginable pour moi, sourit-il. Et pour ce qui est de l’entreprise adaptée, le taux moyen de turnover en France est de 0,4 %. En clair, rien. Chez Envoi, nous atteignons plus de 15% ». L’accompagnement inclut un tutorat dispensé par des encadrants qualifiés mais pas de cours « car cela signifierait ramener les bénéficiaires à l’échec. Beaucoup d’entre eux, notamment les jeunes, ne parviennent pas à avoir une scolarité normale et n’ont pas d’aides, ils finissent donc par sortir des radars. Les ramener sur le bon chemin, c’est aussi ce qui me motive. »

Née en 1996 de la volonté de l’Aérospatiale, devenue Airbus France et de la Mairie de Toulouse, Envoi conserve un lien fort avec l’aéronautique puisque le constructeur reste très impliqué dans ce projet d’inclusion sociale, assurant plus de la moitié du volume d’affaires. Une autre partie des salariés en insertion est en charge de l’activité de relevé de compteurs électrique gaz et eau et de l’inspection de voirie. D’autres tâches sont également assurées telles que du support administratif ou encore du reconditionnement d’ordinateur,ou du conseil en infogérance. D’ailleurs, l’association cible le développement d’autres activités autour du numérique et de l’économie circulaire. « Nous souhaitons notamment augmenter notre capacité à revendre des ordinateurs reconditionnés, étendre notre activité au reconditionnement de téléphone portable, et favoriser davantage l’inclusion numérique, détaille le directeur général. Nous sommes les membres fondateurs de RhinOcc, le hub d’inclusion numérique en région, porté par La Mêlée et La Compagnie du Code. L’objectif est que nos salariés en insertion aident d’autres personnes en difficulté, provenant par exemple des maisons de quartier, à faire leur premier pas en informatique. » Histoire de boucler la boucle. Ainsi l’inclusion numérique et la RSE font partie des priorités de l’association et représentent des engagements chers au directeur. Depuis son arrivée à la tête d’Envoi en 2016, Thierry Pajaud continue le chantier de la responsabilité sociétale avec ferveur. Après avoir obtenu les certifications Iso 9001 et EN9100 pour pouvoir répondre à tous types d’appels d’offres, l’association, qui depuis 20 ans s’adapte aux attentes des donneurs d’ordres pour remplir des prestations à valeur ajoutée, sans toutefois entaché son rôle social, a obtenu ces six derniers mois, le label RSE 26000. Un accomplissement pour son DG qui poursuit cette utopie environnementale, sociale, économique et éthique au-delà de cette structure. En effet, depuis peu, il est le nouveau président de l’antenne toulousaine de l’association Planet’RSE, qui vient d’être refondée. Créée en 2016, l’association a pour ambition de sensibiliser les entreprises aux problématiques RSE, de les aider à grimper les premières marches et à évaluer leur performance globale autour de cinq axes : économique, social, sociétal, environnemental et gouvernance.

Un challenge qui paraît désormais plus plausible au vu des tourments actuels. « L’idée est d’être en plus étroite collaboration avec le Medef, le CJD, les clubs d’entreprises pour diffuser cette bonne parole sur un terreau différent. Il y a trois ans, pour certaines structures, la RSE s’apparentait davantage à du greenwashing mais aujourd’hui, il s’agit véritablement d’une prise de conscience », pointe le passionné. L’association, qui est par ailleurs implantée à Nantes ne délivre « ni un label, ni un audit mais repose sur une évaluation entre pairs ». Les premières démarreront en fin d’année sur la base de 51 critères pour brosser un portrait global de l’empreinte environnementale et fixer des objectifs de développement durable. Les entreprises doivent avant tout saisir l’intégralité de la démarche. « Elles sont encore peu nombreuses à identifier notamment leurs parties prenantes. L’équilibre d’une entreprise est pourtant lié à cet ensemble. Les chefs d’entreprise pensent souvent business mais la réflexion doit aussi porter sur ce qu’il y a autour. En fait, le but est de déterminer le rôle de l’entreprise car tout est piloté par cette question : À quoi je sers ? ». Et cette démarche, dont le moteur doit être « l’envie » doit aller au-delà de l’affichage RSE et répon- dre à d’autres enjeux, notamment celui de la conservation des talents. Quid des difficultés pour adopter cette démarche ? « C’est souvent la gouvernance qui pêche et je le répète l’identification des parties prenantes. Et c’est aussi choisir là où l’on veut avoir le plus d’impact.» Thierry Pajaud pousse la démarche dans les moindres détails comme le choix des goodies offerts en fin d’année, fabriqués par des entreprises adaptées. Il tient à garder le cap sur l’impact local et la proximité. Loin peut-être de ce qu’il faisait avant.

Né en région parisienne et issu d’une famille de commerçants, détestant cette vie « 100% boulot » que ses parents lui infligeaient, celui qui rêvait de réparer des ordinateurs a obtenu, après une scolarité difficile, un diplôme d’ingénieur à Brest. Il pose alors ses valises dans laVille rose avec sa femme et commence sa carrière en réalisant des programmes des calculateurs embarqués dans le secteur automobile. L’expérience tourne court, le jeune homme n’adoptant pas l’esprit du grand groupe. Il intègre alors la PME Toutelectric, spécialiste de la distribution de fournitures électriques, pour laquelle il élabore un catalogue « produits » puis analyse des besoins pour différents clients tels Airbus, EADS T&S, Eurocopter, etc. Mais au bout de neuf ans, frustré de « n’être qu’un support et de ne pas élaborer un système », il accepte une mission chez Transiciel devenue Sogeti, d’abord en tant qu’expert informatique où il réalise l’étude des interfaces de calculateurs en temps réel de simulateurs de vol dédiés aux nouveaux aéronefs, puis devient responsable technique d’agence. L’aventure prendra fin, Thierry Pajaud fuyant encore une fois l’univers des grands groupes. Il rejoint alors Sogeclair, une entreprise à taille humaine, dans laquelle il s’épanouira pendant 15 ans. Il boucle un projet d’ingénieur, à savoir fabriquer des simulateurs de vols mêlant « électronique, mécanique, informatique », le développe et prend du galon pour piloter la structure d’électronique embarquée. Puis les deux dernières années, malgré un remue-ménage au sein de l’entreprise, il accède au poste de directeur opérationnel de la filiale allemande en vue de redresser l’activité. Un pied chaque semaine entre l’Allemagne et la France, des objectifs qui ne sont pas les siens, des missions en France qui s’étiolent, finissent ainsi par entamer le divorce avec l’entreprise.

La soixantaine juste sonnée, ce père de famille qui, en parallèle de sa vie active, a traversé des turbulences personnelles en silence, a aujourd’hui trouvé sa « planche de salut ». Un engagement professionnel qui résonne aussi comme un engagement personnel.

Parcours

1960 Naissance en région parisienne
1984 Diplômé de l’école nationale d’ingénieurs de Brest (ENIB)
1988 Intègre Toutelectric en tant que responsable produit
1998 Devient expert en informatique chez AUSY
1999 Intègre Transiciel (racheté par Sogeclair) en tant que responsable technique d’agence et devient directeur des activités « fabrication de simulateurs », puis directeur opérationnel de la filiale allemande
2016 Devient directeur général du groupe Envoi
2020 Nommé président de l’association Planet’RSE