Emploi des cadres : un marché 2021 encore incertain

Dans son dernier baromètre, l’APEC révèle les intentions de recrutement et de mobilité des cadres au cours du premier trimestre 2021. Si les intentions restent limitées, certains secteurs tirent tout de même leur épingle du jeu. Quant à la confiance et la mobilité des cadres, elle évolue avec les pratiques managériales, notamment l’instauration du télétravail.

Sans surprise, le marché du travail et plus spécifiquement celui des cadres a été fortement impacté par la crise sanitaire et économique. En situation de plein emploi en mars 2020, le marché s’est soudainement arrêté. Ainsi, au niveau national, 4 entreprises sur 10 ont annulé ou reporté un recrutement prévu en 2020. Dans le détail, cela a concerné une TPE sur deux et près d’une entreprise de services « à forte valeur ajoutée » sur 2. « Avec une chute de 29 % par rapport à 2019, les offres d’emploi cadres sont en net recul. Même si cette baisse s’est réduite au 4e trimestre, au sortir du deuxième confinement avec -17 % au dernier trimestre 2020 contre -50% au 2e trimestre 2020 (par rapport à la même période en 2019) », indique l’étude sur l’emploi des cadres.

CHUTE DES OFFRES DANS LE GRAND EST DE -21% EN 2020

Dans le Grand Est, en 2020, 20 199 offres cadres ont été diffusées sur le site apec.fr, soit 21 % de moins qu’en 2019. Le volume d’offres a chuté lors du premier confinement (- 58 % en avril 2020 par rapport à avril 2019) mais se rapproche de celui de 2019 en fin d’année : -2% au dernier trimestre. « On s’attendait à une telle baisse lors du premier confinement », livre Jacques Triponel, délégué régional APEC Grand Est. « Il y a eu un véritable coup de frein sur les offres mais qui a été ponctuel car au dernier trimestre nous n’avons constaté que 2% de baisse par rapport à la même période en 2019. » Un constat plutôt partagé par Éric Bohn, fondateur et gérant du cabinet de recrutement Euroconsulting dont le siège est à Reims. « Jusqu’au 15 mars, on était en plein emploi, avec entre 20 et 30 missions ouvertes », indique celui qui possède également des agences à Paris, Lyon, Bordeaux, Nancy, mais aussi une filiale à Barcelone. « Mais du 15 mars au 15 mai, tout était à l’arrêt. Néanmoins, nos clients n’ont pas annulé les missions, ils les ont reportées, ce qui a mécaniquement entrainé une baisse du chiffre d’affaires. Nous avons ensuite constaté un rebond d’activité fin juin et nous avons fait de très bons mois de novembre et décembre. »

DES TPE PLUS FORTEMENT TOUCHÉES

Pour 52 % des entreprises, et plus particulièrement 55 % des TPE (contre 36 % des ETI et grandes entreprises), l’année 2020 s’est achevée sur un trimestre jugé plus décevant que le précédent et ce, même si le deuxième confinement s’est avéré moins « brutal » (seules 11 % ont totalement interrompu leur activité contre 24 % lors du premier épisode). Ce début d’année est ainsi marqué par l’incertitude des entreprises. « En décembre dernier, seules 45 % d’entre elles déclaraient être en mesure d’anticiper leur niveau d’activité pour le 1er trimestre », précise l’étude de l’APEC. Les TPE-PME sont les plus nombreuses en proportion à ne pas pouvoir anticiper l’évolution de leur activité à très court terme.

DES RECRUTEMENTS PRIVILÉGIANT LES CADRES EXPÉRIMENTÉS

Dans une étude menée juste avant la crise du Covid-19, en 2020, plus de 12 000 recrutements de cadres étaient attendus dans la région Grand Est, dont plus du quart dans l’industrie. La Marne était le département le plus optimiste avec 18 % d’entreprises prévoyant d’augmenter leur effectif cadre en 2020.

Les études faites durant l’année ont confirmé cette tendance dans les secteurs de l’industrie et de l’agroalimentaire. « Dans le Grand Est, nous avons une présence non-négligeable des offres industrielles, de manière historique. L’année dernière, 25% de nos offres cadres concernaient ce secteur, les autres années, on est même sur 30% », souligne Jacques Triponel. « Globalement, les offres d’emplois ont moins décliné sur l’année car elles sont moins tertiarisées. Celles dans les services accusent en revanche une forte baisse. »

11% DES ENTREPRISES PRÉVOIENT DE RECRUTER AU 1ER TRIMESTRE 2021

Ainsi, au 1er trimestre 2021, au niveau national, les intentions de recrutement demeurent mesurées. 11 % des entreprises prévoient de recruter des cadres au 1er trimestre 2021, soit nettement moins qu’un an plus tôt (chute de 60% à 41% pour les entreprises de 100 salariés et plus). Les entreprises les moins à même de se projeter fin 2020 étaient les TPE (41 %), les entreprises de l’industrie (37 %) et celles du commerce (29 %).

C’est pourquoi, le 1er trimestre 2021 bénéficie d’une faible visibilité, même si on peut noter une véritable différence de confiance entre les TPE et les grandes entreprises, plus optimistes en décembre qu’en septembre 2020 sur l’évolution de leur carnet de commande (+ 10 pts). « Il faut étudier le phénomène de manière sectoriel, car les données diffèrent selon que l’on soit dans l’industrie ou le secteur des CHR », précise Jacques Triponel.

Un constat partagé par Éric Bohn dont la clientèle est notamment constituée d’industriels locaux (packaging, ferroviaire), de Maisons de champagne mais aussi de coopératives agricoles et vinicoles. « Les entreprises qui ont de vrais besoins et recherchent des profils spécifiques conservent leur volonté de recrutement. Reporter la charge de travail sur les autres, ça ne marche pas. »

« Les grandes entreprises sont celles qui ont le plus de réserves et donc une plus forte capacité à gérer les crises », rebondit le délégué territorial APEC Grand Est.

TÉLÉTRAVAIL ET MOBILITÉ

Dans un contexte de crise sanitaire, la mobilité géographique séduit 1 cadre sur 3, qui dans ce contexte, aspire à une qualité de vie meilleure. « Avec la crise sanitaire, un élément-clé est venu intervenir dans les entretiens de recrutement, c’est le télétravail », livre Éric Bohn. « Aujourd’hui, les entreprises mettent en place de nouvelles organisations, avec un nouveau mode de management. 2 jours en télétravail, 3 jours en entreprise par exemple. Ce qui augmente aussi le spectre de recherche des candidats, qui ne sont plus obligés d’habiter sur le lieu de leur travail. Cette donnée est notamment importante pour ceux qui travaillent en région parisienne. Avec le confinement, la qualité de vie est redevenue une donnée importante, surtout pour les jeunes cadres. » À moyen terme, ceux-ci restent les plus enclins à changer d’entreprise, ils sont 43 % à l’envisager dans les 12 mois (+7 points septembre contre décembre 2020). En outre, si la crise a pu perturber les projets des cadres à court terme, pour près de 6 sur 10, elle a également été l’occasion de s’interroger sur leurs priorités professionnelles, précise l’étude de l’APEC. Au niveau des secteurs impactés, ceux qui le sont positivement sont ceux qui touchent à la logistique par exemple. « Amazon explose ses commandes et construit plusieurs sites en France. Ils ont lancé des offres pour la recherche de 3 000 collaborateurs cadres », indique le fondateur d’Euroconsulting.

Pour autant, l’année 2021 est encore floue concernant les volontés de recrutement des cadres. « Alors que l’on fait nos enquêtes en novembre-décembre pour l’année suivante, fin 2020, nous ne sommes pas arrivés à dégager des tendances tellement les entreprises sont encore dans l’expectative. Nous arriverons à dégager des grandes tendances plutôt fin premier trimestre 2021 », livre Jacques Triponel.