En visite officielle dans la Marne, le président de la République a multiplié les rencontres avec les acteurs locaux : citoyens, élus, agriculteurs, viticulteurs et représentants de l’État dans le département et en région. Séquence proximité.
Emmanuel Macron voulait sans doute axer son déplacement dans la Marne sous le signe de la proximité. Avec les élus locaux, certains représentants professionnels, les représentants de l’État dans le département, mais aussi avec les habitants de la Capitale du Champagne. Le plus difficile étant sans doute de tenir les horaires établis dans le programme initial.
Dans la foulée d’une visite mémorielle à Dormans, le président de la République s’est rendu au restaurant étoilé sparnacien Les Berceaux, où il a participé à un déjeuner en compagnie de quelques élus et représentants des filières agricole et viticole. L’occasion pour les professionnels d’évoquer les questions des ZNT (zones non traitées) ou de l’hébergement des saisonniers. Le temps d’une pause sous la forme d’un mini-bain de foule improvisé dans le bas de l’Avenue de Champagne, Emmanuel Macron répondait aux interpellations d’une centaine d’habitants et de quelques délégués syndicaux de Maisons de Champagne avant de rejoindre les salons de l’Hôtel de Ville où l’attendaient les élus du Conseil municipal pour une séquence d’échanges.
Après une incise sous forme d’un rendez-vous avec la presse dédié à son plan d’urgence pour l’hôpital public (voir article), Emmanuel Macron a rejoint le maire d’Epernay, Franck Leroy et les élus du Conseil municipal réunis pour le recevoir. Un événement exceptionnel pour la ville qui n’avait plus accueilli de président de la République depuis le Général de Gaulle en 1963.
CONFIANCE MUTUELLE ENTRE ÉTAT ET COLLECTIVITÉS
L’élu a rappelé « la nécessité de construire enfin une véritable relation de partenariat entre l’État et les collectivités territoriales. Depuis les lois de Décentralisation des années 80, État et collectivités entretiennent une relation complexe qui repose davantage sur la méfiance que sur la confiance ». Avec parfois l’impression pour les collectivités « que l’État les considérait comme une variable d’ajustement budgétaire, pour le redressement des comptes publics, dont il portait, en fait, la responsabilité de la détérioration ».
Requérant une plus grande stabilité des règles du jeu dans les relations entre collectivités et État, Franck Leroy, qui est aussi président des maires de la Marne, a plaidé pour les collectivités qui, selon lui, « disposent d’une forme d’agilité que l’État ne peut avoir. Les élus ont une relation directe avec les acteurs de terrain qui permet de comprendre les attentes, de rechercher des solutions nouvelles et de faire évoluer le service public. Il faut que l’État nous fasse confiance, définisse le cadre de l’action publique et libère les énergies locales ».
Le maire d’Epernay n’a pas manqué de rappeler son souhait de voir l’État faire évoluer les notions de décentralisation et de déconcentration de ses services. « Il faut que l’État déconcentre son administration, délègue davantage de pouvoirs à ses représentants territoriaux avec lesquels nous parlons le même langage. Il est aussi plus
que nécessaire de revivifier l’esprit de la décentralisation. Un esprit qui allie le sens des responsabilités et le partage clair des compétences, le tout dans un climat de respect réciproque ».
Un an tout pile après le début du mouvement des Gilets jaunes, la séquence organisée dans une ville moyenne de 25 000 habitants ne devait évidemment rien au hasard dans le message du Chef de l’État aux territoires et à leurs élus. Emmanuel Macron s’est d’emblée déclaré sensible à « la revitalisation des villes moyennes » et attentif à leur sort : « Ce qui se joue dans nos villes est très structurant ».
DÉCENTRALISATION ET DÉCONCENTRATION
Réagissant ensuite aux propos du maire d’Epernay, l’invité d’un jour s’est davantage déclaré convaincu par la déconcentration. « Moins d’administration centrale mais plus d’administration sur le terrain », a- t-il promis, annonçant une vague de déconcentration nouvelle, qui devait être actée par le Comité interministériel de la transformation publique le 15 novembre.
Conscient que l’État a depuis de nombreuses années fait porter ses économies sur ses administrations au niveau local, le Président s’est déclaré favorable à un changement de paradigme, avec en toile de fond un retour à la proximité et un retour des services publics sur les territoires. En matière d’aménagement du territoire, le président se déclare en tout cas favorable à des logiques partenariales et de responsabilisation des acteurs.
« Nous devons réussir à réimpulser une logique d’aménagement de notre territoire, de la décision et de nos propres forces administratives sur le terrain de manière plus équilibrée. La déconcentration est pour moi une logique d’aménagement, d’organisation du travail de l’État et, pour les élus, cela permet d’avoir un partenaire de jeu qui est beaucoup plus responsabilisé. Cela recrée une culture de la responsabilité au local qui est beaucoup plus forte. Beaucoup des sujets que nous traitons nécessitent d’ailleurs plus de déconcentration parfois que de décentralisation. Sur la décentralisation, je suis ouvert. Ces dernières années, on a aimé la décentralisation des compétences, mais on a peu fait la décentralisation des responsabilités. On a aussi décentralisé les compétences sans donner les moyens qui vont avec, comme par exemple avec le RSA, pour lequel le Département est un payeur aveugle ».
LE STATUT DE L’ÉLU
Interpellé par l’élu d’opposition radical-socialiste Jean-Paul Angers sur le statut de l’élu et les difficultés rencontrées par ces derniers pour exercer leur mandat sereinement, en complément de leur activité professionnelle, le Président a laissé à Sébastien Lecornu, ministre auprès des collectivités, le soin d’expliquer les projets gouvernementaux en la matière via le projet de loi pour l’engagement : « Nous avons aujourd’hui 35 000 communes, 600 000 élus locaux et parmi eux seulement 200 000 qui sont indemnisés et une loi républicaine de 1884 qui rappelle que l’élu n’est ni un salarié ni un agent de la mairie mais son élu. C’est une spécificité française. La question de la formation au sens large est importante. Nous allons faire une grande réforme de la formation et ce sont les plus grosses collectivités qui vont payer pour les plus petites, ce qui semble plein de bon sens. Un véritable compte individuel de formation d’élu sera fongible avec celui de salarié. La VAE des élus est aussi un gros sujet et il y a un vrai travail à faire avec les universités ». Balayant l’idée de faire de l’élu un salarié protégé, le ministre préfère réfléchir à faire inscrire dans le droit du travail les discriminations envers les élus locaux. « Nous allons faire un pas en avant en terme de solidarité nationale, puisque l’État prendra en charge les frais d’accompagnement pour les élus des petites communes, de moins de 3500 habitants », souligne-t-il. Les indemnités et la protection juridique de tous les élus seront elles aussi revues, au même titre que les droits de l’opposition.
Franck Leroy l’avait rappelé lors de son accueil à Emmanuel Macron, la visite du Général de Gaulle à Epernay en 1963 avait duré 45 minutes. La visite présidentielle de 2019 aura été singulièrement plus longue et plus constructive, si l’on en juge par les nombreux échanges réalisés tout au long de la journée auprès des habitants des élus, de certains professionnels et des représentants de l’État en région.