Valérie Vincent-PetitElle redonne vie aux fauteuils

Valérie Vincent-Petit pose ici dans un des espaces de son show-room. (Photo : Nadine Champenois)

Après être retournée sur les bancs de l’école pour devenir tapissier-décorateur, l’Auboise est aujourd’hui maître artisan d’art.

«J’aime ce que je fais, j’adore les tissus, les matières, redonner vie aux fauteuils, car tout fauteuil a une histoire », explique Valérie Vincent-Petit. Mais avant de pouvoir exercer le métier de tapissier-décorateur, elle a pourtant dû se battre pour passer les obstacles d’un véritable parcours de combattante. Sa ténacité lui a également valu de se voir décerner en 2019 le diplôme de maître-artisan d’art.

Valérie Vincent-Petit a toujours cultivé son goût pour la couture et les travaux manuels. C’est ainsi qu’elle avait choisi, à l’âge de quinze ans, de suivre la filière stylisme-modélisme, en section du brevet technique du lycée des Lombards, à Troyes. Malheureusement, à quelques mois de passer l’examen de fin d’études, un besoin d’autonomie décide Valérie à tout arrêter. «J’ai commencé à travailler dans un magasin de meubles, à Troyes. Pendant un an, je me suis occupée des factures clients et j’ai fait un peu de commercial. J’ai ensuite travaillé dans l’industrie, chez Kindy », relate l’Au- boise. Son père travaillant alors comme technicien régleur chez Agofroy, à Aix-en-Othe, elle y avait en effet été embauchée au service échantillonnage, à un poste qu’elle avait beaucoup apprécié, et y était restée pendant près de deux ans.

Suite à la rencontre avec son premier mari, elle part à Sens, dans l’Yonne, où elle travaille dans une blanchisserie. Après la fermeture de celle-ci, Valérie Vincent-Petit devient responsable d’une résidence, via une agence immobilière, jusqu’en 1990. Ses deux premiers enfants, Anaïs et Alexis, naîtront en 1987 et 1992. Après s’être séparée de son mari, elle se rapproche de sa famille en retournant dans le Pays d’Othe pour se ressourcer. Elle y rencontre son deuxième mari.

En 1999, suite à la naissance de son troisième enfant, Kellian, elle prend un congé parental et travaille également chez un fleuriste, tout en réalisant des rideaux pour des clients envoyés par Mondial Textile.

LE DÉCLIC

« Des amis voyaient que je faisais plein de choses. Un jour, ils m’ont apporté un fauteuil en me demandant de le réparer. J’ai commencé à le démonter, mais j’ai pensé que je n’y arriverais jamais. Cela a été le déclic qui m’a décidée à prendre des cours », explique la passionnée.

Après s’être heurtée à des refus, notamment auprès de l’ANPE, l’Agence Nationale Pour l’Emploi, elle finira par réussir à entrer au lycée des métiers de l’ameublement de Saint-Quentin, dans l’Aisne. « J’ai eu une aide du Conseil régional et j’ai financé une partie de la formation », observe-t-elle.

RETOUR À L’ÉCOLE, EN INTERNAT

« Dans l’internat, j’étais avec quatre autres adultes… Le fait de retourner à l’école et de cohabiter avec les autres élèves n’a pas été simple. Mais c’était un challenge », se souvient l’ancienne élève. Au programme, dessin d’art, histoire de l’art, étude des styles, technologie et enseignement général : avec un rythme soutenu de huit heures de cours par jour, les adultes feront en un an ce que les autres élèves font en deux ans. « Mes enfants allaient tous à l’école… Le week-end, je gérais toute l’organisation de la semaine, aidée par ma belle-mère », souligne-t-elle.

Avec en poche son CAP de tapisserie d’ameublement, c’est en 2002 qu’elle se met à chercher du travail. « Cela n’a pas été évident. J’ai fait un remplacement de quatre mois chez Déco Cavuscens, un grand tapissier à Troyes, en tant que polyvalente en décoration-tapisserie. C’était vraiment bien », fait valoir Valérie Vincent-Petit.

Elle travaillera ensuite chez un tapissier à Brienne : « Je m’occupais de tout ». Son implication permettra même à cette entreprise de reprendre des couleurs. Elle ne sera hélas pas gardée.

CRÉATION D’ENTREPRISE

« J’ai créé l’Atelier de Valérie le 1er octobre 2004, à Saint-Benoist-sur-Vanne, dans le Pays d’Othe, avant de déménager en décembre 2005, rue des Bas-Trévois, à Troyes, dans un petit local de 70 m2. Trois ans plus tard, je me suis installée dans l’agglomération troyenne, à Saint-Julien-les-Villas, avenue des Sapins, où je suis restée 9 ans », explique la dynamique artisan auboise. Après un stage à la chambre de métiers, elle devient même maître d’apprentissage.

Mais alors qu’un équilibre semble s’être installé dans la vie de la chef d’entreprise, la maladie va tout faire basculer. « Je me suis battue », se souvient-elle. Dès le début de cette période de lutte, elle décide de prendre une stagiaire pour que l’atelier ne reste pas fermé. Et le 1er septembre 2012, elle accueille une première apprentie, Marie, qui, depuis, a créé son entreprise à Marseille. « J’ai pu compter sur elle pendant deux ans », raconte Valérie, reconnaissante. Suivront deux autres apprenties, Marjorie, en 2014 – qui s’est lancée ensuite avec une amie dans les environs de Strasbourg – puis Tyfenn, titulaire du BAC pro avec mention bien, en 2019. Élue en 2017 pour son deuxième mandat à la Chambre de métiers, Valérie Vincent-Petit a également été élue, pendant six ans de la CPME, la confédération des PME, membre du bureau, présidente départementale et vice-présidente régionale de la commission des Métiers d’art.

SEPT INONDATIONS

Installée depuis trois ans à Pont- Sainte-Marie, elle a dû encore faire preuve de pugnacité, face aux dégâts des eaux, cette fois : « J’ai tenu bon malgré sept inondations…». Aujourd’hui, Valérie Vincent-Petit s’épanouit pleinement dans le métier qu’elle a choisi. Outre la réfection de fauteuils et de canapés – traditionnelle, semi- traditionnelle et moderne -, elle s’est fait une spécialité de tout ce qui touche à la décoration, patines de meubles, conseils et vente de papier peint compris. « On coordonne dessus de lit, rideaux, jetés de lit, stores bateaux, plissés, à lamelles, californiens ou en bois », ajoute-t-elle. Comme en témoigne son diplôme de maître artisan d’art, encadré et accroché au mur, c’est grâce à un travail bien fait et un service de qualité que l’entrepreneure auboise a su tirer son épingle du jeu. Elle ne se lasse pas de recevoir les compliments de ses clients, qui ne manquent pas de lui adresser des petits mots de remerciements : « Ce métier crée des liens. J’en connais certains depuis quinze ans. Ils font un peu partie de notre vie ». Le bouche-à-oreille ayant fait son œuvre, elle travaille notamment avec une architecte, une décoratrice et un menuisier.

Parcours

1964 Naissance à Troyes, le 23 mars.
2002 CAP de tapissier d'ameublement, à Saint-Quentin, dans l'Aisne.
2004 Création de l'Atelier de Valérie.
2012 Accueille sa première apprentie.
2019 Diplôme de maître artisan d'art.