L’usine Dolce Gusto de la marque Nescafé, située à Challerange dans les Ardennes, possède une histoire centenaire. Alimentant le marché mondial des dosettes de lait déshydraté de la marque, elle s’apprête à faire un investissement de 4,5 millions d’euros afin d’améliorer son outil de production et répondre à de nouvelles innovations de la marque.
Qui se douterait que le lait des pâturages ardennais se retrouve aux quatre coins de la planète dans les dosettes de café Dolce Gusto de la marque Nestlé ? C’est pourtant bien au cœur de la communauté de communes de l’Argonne ardennaise, à Challerange, que se situe l’usine centenaire Dolce Gusto qui produit le lait déshydraté pour les dosettes de café. « L’usine était à la base une laiterie familiale, construite en 1890 », confie Tony Do Rio, directeur du site. « La laiterie Coiffier fabriquait du beurre et du fromage en partenariat avec les éleveurs locaux. » Et si les équipements ont évolué avec le temps, le bâtiment d’accueil typiquement en briques et ancien logement patronal, date lui, toujours de cette époque. Après la Première Guerre mondiale, en 1927, l’usine se développe avec le rachat par Maggi, spécialisé dans l’alimentaire déshydraté, pour alimenter le marché parisien. Nestlé rachète Maggi en 1948 et devient propriétaire de l’usine. « À partir de 1958 et la construction d’une unité de condenserie, le lait est transformé sur place en lait concentré, destiné pour l’essentiel à l’exportation », précise Tony Do Rio. Une tour de séchage est ensuite construite en 1976, pour la production de lait en poudre, celle-là même que l’on aperçoit de loin sur les routes ardennaises. Mais c’est en 2008 qu’elle sera floquée du logo Dolce Gusto, après l’avènement des dosettes de café et leur inondation du marché mondial.
95 MILLIONS DE LITRES DE LAIT FRAIS PAR AN
L’usine, comme à sa création, se fournit à « 95% chez les éleveurs locaux dans une rayon de 100 kilomètres, grâce au partenariat avec trois coopératives laitières locales. » Ce qui représente plus de 200 éleveurs. Les contrats passés avec les coopératives laitière le sont d’ailleurs sur 3 à 6 ans, « afin d’assurer une pérennité de la filière de laquelle nous dépendons ». Les prix de rémunération des éleveurs sont eux, négociés au siège de Nestlé par un acheteur en central d’achat qui gère les contrats. Tony Do Rio insiste pour sa part sur la qualité du lait utilisé, « c’est pour cela que le business reste en France. Le lait est de très bonne qualité ». Ce lait frais local est d’ailleurs aussi utilisé pour la fabrication de lait infantile de la marque Guigoz, dans l’usine de Boué, dans l’Aisne.
Avec une production de 7 900 tonnes de lait déshydraté en 2009, l’usine a considérablement accru sa production pour la porter à plus du double en 10 ans. « Aujourd’hui, l’usine consomme 95 millions de litres de lait frais par an. Réduit en poudre, cela correspond à plus de 21 000 tonnes de lait déshydraté. On fabrique la poudre, mais pas les dosettes », précise Tony Do Rio, celles-ci étant élaborées dans d’autres usines de conditionnement, en Angleterre, Allemagne ou Espagne.
PARTENARIAT AVEC STARBUCKS DEPUIS 2019
La production de l’usine a en effet sérieusement accéléré depuis que Dolce Gusto a conclu un partenariat avec l’enseigne américaine bien connue Starbucks. « Depuis 2019, Nestlé a conclu un partenariat avec Starbucks. Nous sommes les seuls à fournir leur lait comme matière première pour les dosettes, faites sur le même modèle que les Dolce Gusto. » L’avantage pour le géant américain du café de s’adosser à Dolce Gusto est de bénéficier de l’ensemble de sa supply chain en Europe, sans faire d’investissements colossaux.
C’est pourquoi, même si l’année 2020 a été marquée par le Covid, pour l’usine de Challerange elle a correspondu à une augmentation de 12% des volumes de production (dont 150% pour Starbucks spécifiquement). « La marque a beaucoup communiqué sur le coffee shop à la maison durant le confinement. Et c’est vrai que l’on a constaté un véritable engouement pour les machines à café Dolce Gusto de la part des consommateurs », relève celui qui travaille depuis 16 ans pour le groupe Nestlé. Aujourd’hui, en termes de volume de production, Starbucks représente « 15 à 20% de la production de lait déshydraté, avec un potentiel de croissance très élevé ».
Ce retour au café à la maison, combiné au partenariat avec le géant américain à la sirène, a fait de l’année 2020 « une très bonne année en matière économique ». L’usine qui dispose d’ailleurs de protocoles de sécurité extrêmement stricts avec ses employés, comme la majorité des industries de l’agroalimentaire (même si elle a renforcé des mesures comme la distanciation entre les salariés) n’a « pas arrêté de tourner une seule journée », précise le directeur insistant aussi sur le fait que l’entreprise « nourrit tout un écosystème local auquel les salariés sont très attachés. »
LES POSTES DE MAINTENANCE EN TENSION
L’usine compte en effet 106 salariés dont la plupart sont locaux. « En 2008, le site comptait 68 salariés. En treize ans, les effectifs ont sensiblement évolué », souligne Tony Do Rio. Néanmoins, l’entreprise peine toujours à embaucher sur certains postes, notamment dans le domaine de la maintenance. « Nous avons des difficultés à trouver des électromécaniciens par exemple. Mais c’est un métier en tension dans toute la France, sur les 18 sites de Nestlé, c’est le même problème. » C’est pourquoi Dolce Gusto travaille en étroite collaboration avec Pôle Emploi mais aussi l’UIMM de Charleville-Mézières ou encore le CESI de Reims. « Nous accueillons à l’heure actuelle six alternants dans des domaines assez diversifiés, allant de postes en production, maintenance, environnement, qualité jusqu’aux RH. »
L’usine qui tourne 24h/24 va encore accroitre sa capacité de production en investissant 4,5 millions d’euros dans l’adaptation de sa ligne de séchage. « Tous les ans, nous consommons quelques millions de litres de lait supplémentaires, nous devons adapter notre outil de production à cette évolution. » La ligne de séchage va ainsi nécessiter la construction d’un nouveau bâtiment, « qui prendra la même forme que la tour déjà existante », explique le directeur. « Ce projet servira à fabriquer une recette très innovante, brevetée », annonce-t-il, sans en dévoiler plus… Cet investissement se fera sur fonds propres, Nestlé n’ayant pas fait appel à l’État, ni sur le dispositif de chômage partiel, ni sur ses nouveaux investissements. Il faut dire que le groupe suisse présent en France depuis 1868 pèse plus de 4,5 milliards de chiffre d’affaires, grâce à ses 22 sites industriels et ses 200 millions d’euros d’investissements industriels…