Une distribution de dividendes excessive conduisant au dépôt de bilan constitue une faute de gestion du dirigeant entraînant sa condamnation au comblement de passif, même si la distribution de dividende relève de l’assemblée générale.
Lors d’une liquidation judiciaire, le dirigeant de la société peut être condamné à supporter tout ou partie de l’insuffisance d’actif en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance (code de commerce, article L 651-2).
La jurisprudence de la Cour de cassation distingue, ce qui relève de la responsabilité du dirigeant de la société, de ce qui incombe à l’assemblée générale des associés ou actionnaires. Ainsi, l’insuffisance des fonds propres ou l’absence de recapitalisation, ont été considérées comme des fautes imputables, non au dirigeant, mais à l’assemblée générale, seule compétente. Dans cette affaire portée devant la Cour de cassation, la question se posait de savoir si une distribution de dividendes ayant dégradé la situation financière de la société pouvait entraîner la condamnation en comblement de passif du dirigeant. La société placée en liquidation judiciaire avait distribué des dividendes à hauteur de 1,5 M€, malgré une baisse du chiffre d’affaires et des bénéfices, la présence de créances douteuses et la perspective d’un mauvais procès. L’opération avait eu pour conséquence de priver la société de la majeure partie de ses réserves et de l’empêcher d’inscrire les provisions nécessaires. Le défaut de paiement de la dette issue du litige et des honoraires d’avocat, avait contraint au dépôt de bilan.
Le liquidateur demandait en conséquence que le gérant soit condamné à combler l’insuffisance d’actif à hauteur de 745 K€. Le gérant faisait valoir que la distribution des dividendes n’était pas de sa compétence, mais relevait des pouvoirs de l’assemblée générale des associés. La Cour de cassation a déjà jugé qu’un dirigeant ne pouvait échapper à sa responsabilité en faisant valoir que la distribution de dividendes relève du pouvoir de l’assemblée générale.
En effet, si la décision de distribuer des dividendes relève bien de l’assemblée générale (code de commerce, article L. 232-12), cette assemblée est cependant convoquée par le gérant, pour l’approbation des comptes qu’il présente et la constatation de sommes distribuables aux associés. Il se trouve que dans notre affaire, le gérant était aussi le représentant légal d’une autre société, laquelle société était l’associé unique de la société en liquidation. La Cour de cassation a jugé que le gérant avait provoqué la décision de distribution de dividendes, en sa qualité de gérant de la société, puis l’avait approuvée en assemblée générale en qualité de représentant légal de l’associé unique personne morale. Il avait ainsi commis une faute de gestion engageant sa responsabilité de gérant en application de l’article L. 651-2 du code de commerce.
Cass. ch. com. 8 avril 2021 n° 19-23 669