Originaire du Creusot, issu d’une famille modeste et souffrant d’une maladie handicapante, rien ne le prédestinait à prendre un jour la direction générale du premier employeur dijonnais dans le domaine du numérique.
Ne vous êtes-vous jamais penchés sur la décoration des bureaux de vos collègues, de votre responsable ou de tout autre espace de travail qu’il vous arrive de traverser pour quelque raison que ce soit ? Cela peut en dire long sur votre interlocuteur. Dans celui de David Boussard trône une photo encadrée du stade Vélodrome. Un détail qui raconte finalement une histoire, celle d’une passion et d’un rêve trop vite stoppé. Si aujourd’hui notre homme trouve sa place dans le fauteuil du directeur général d’une entreprise dijonnaise qui emploie quelque 240 collaborateurs, rien ne le prédestinait à cette carrière.
Originaire de Saône-et-Loire, c’est dans le village de Toulon-sur-Arroux qu’il a grandi, après être né au Creusot. « Je suis issu d’un milieu assez modeste, puisque mon père était ouvrier et ma mère faisait les ménages, précise-t-il. Et parce que j’avais du mal à me projeter, je n’ai pas forcément fait des études très brillantes ». À l’époque, une passion l’anime, le football : « Rien de bien original au fond, un peu comme tous les garçons des années 1970, je rêvais de devenir sportif de haut niveau ». Toutefois, cette passion sera rapidement prise de court jusqu’à en être brisée à l’annonce, à l’âge de 17 ans, d’une maladie qui contraindra pour le restant de sa vie sa capacité physique et l’empêchera, de fait, de faire du sport. « J’ai dû finalement me remettre en question et je me suis vite rendu compte qu’il allait falloir que je fasse des études. » Le baccalauréat en poche, après trois ans de retard, il se retrouve à choisir entre des études dans la mécanique, la santé ou l’informatique. « Ces trois secteurs m’attiraient beaucoup, mais j’ai pris l’informatique pour pouvoir travailler dans un bureau et ainsi sécuriser mon état physique, mais aussi et surtout parce que dans les années 1990, l’informatique – on ne parlait pas encore du numérique – faisait briller les yeux ! C’était nouveau, et la littérature nous disait que c’était un secteur porteur et un métier d’avenir », développe David Boussard. Arrivé à Dijon, le jeune homme entame donc un diplôme universitaire de technologie (DUT) en informatique, pour finalement se rendre compte que le développement informatique n’était pas son truc. « Dans les projets, je me positionnais toujours comme la personne qui pilote plutôt que comme celle qui développe. Je préférais piloter et organiser plutôt que de développer. J’ai donc, après mon DUT, repris une filière plus classique. » Toujours à l’université de Bourgogne, l’étudiant enchaîne rapidement pour avoir en bout de course, un diplôme d’études approfondies, qui correspond aujourd’hui au Master 2, soit un bac+5. « Je me suis retrouvé sur le marché du travail sans vraiment comprendre ce qu’était l’informatique… entre ce que vous faites et apprenez à l’école et la réalité du terrain, il y a quand même un écart significatif ! ».
TOUJOURS OBSERVER SON SUPÉRIEUR
Sa carrière professionnelle démarre dans une start-up, en tant qu’ingénieur de développement. « Une chance, estime-t-il. J’ai beaucoup appris pendant ces deux années, du client à la réalité du terrain, en passant par le développement informatique… ». Deux ans plus tard, il a l’opportunité d’intégrer, en prestation de service, Arcelor – anciennement Usinor – à Gueugnon (en Saône-et- Loire), avant d’y être recruté en jeune cadre. « C’est à partir de là que j’ai vraiment pris conscience de ce que j’avais réellement envie de faire. » Chef de projet informatique, il y a ensuite évolué au sein de la structure pour prendre la responsabilité d’un service. « J’ai toujours pris pour habitude d’observer mon N+1, tout en me demandant si j’étais capable de faire ce qu’il faisait, comment je le ferais à sa place et qu’est-ce que je ferais différemment, avec toujours cette volonté de pouvoir un jour faire évoluer les choses. Quand on observe, on apprend beaucoup ! » Finalement, après quatre années à Gueugnon, la direction prend une décision stratégique et propose de muter le service à Dunkerque. « Ce qu’on me proposait, au-delà de la mutation qui ne me gênait pas plus que ça, revenait à faire le même travail mais sur un site différent. J’avais envie de faire autre chose », se souvient-il.
En regardant le marché du travail, David Boussard découvre ainsi CPage, une jeune entreprise qui soufflait sa troisième bougie. « J’ai rencontré le directeur de l’époque Gille Léger qui m’a expliqué qu’ils avaient un projet de réécriture de leur offre, me donnant la possibilité de mettre à la poubelle l’ancienne offre et de repartir d’une feuille blanche. C’était la première fois que je voyais cela. J’ai finalement intégré la structure comme directeur de projet pour réaliser ce fantastique challenge… Sans savoir que ça représenterait, en bout de course, 70.000 jours hommes de développement. »
JUSQU’À LA DIRECTION GÉNÉRALE
Au départ de Gilles Léger, Hugues Dufey a souhaité revoir les modèles d’organisation en insufflant une dynamique différente. David Boussard évolue ainsi à la direction des études de CPage. « À cette époque, il y avait un directeur technique qui était devenu directeur adjoint. Lors de son départ à la retraite, je suis allé voir Hugues Dufey et lui ai fait part de mon souhait de prendre la direction adjointe. Il m’a alors dit que ce poste ne serait finalement pas ouvert mais bien supprimé de la structure parce qu’il n’en avait pas besoin. Je lui ai soutenu que j’allais lui prouver le contraire en montant tout un dossier pour lui expliquer en quoi un directeur a besoin d’un adjoint et en quoi je serai incontournable dans cette fonction. » Naturellement, après dix ans à évoluer dans la structure le directeur général lui a fait confiance et l’a nommé adjoint. « J’ai finalement commencé à observer Hugues Dufey. Dès le début, je me suis dit qu’une structure n’était pas dirigée par un seul homme mais bien par une équipe de direction, une équipe managériale et l’ensemble des collaborateurs. J’ai ainsi monté le comité de direction comme si demain, je prenais la direction de CPage », confie David Boussard. Loin de lui l’idée d’en devenir directeur général, « entre faire de la gestion de projet et diriger une entreprise, il y a quand même un gap ». Finalement, au départ du directeur général, David Boussard a tenté sa chance et a fait part de sa candidature au cabinet de consultants. « Hugues m’avait dit que je ne pourrais pas être directeur, malgré mes compétences, je n’avais pas les diplômes nécessaires. En déposant ma candidature, j’ai pris un risque important parce qu’après 14 ans de boîte, si je n’obtenais pas le poste, j’étais obligé de démissionner. J’ai été rapidement refroidi puisque dès les premiers entretiens, les consultants m’ont dit que malgré toutes mes qualités, j’avais un défaut majeur : j’étais déjà dans la structure. » Après avoir passé toutes les étapes de sélection, le jury final lui a malgré tout accordé sa confiance. « Quand j’ai pris la direction de CPage, il était temps de transformer la structure pour qu’elle prenne son envol. J’ai ainsi voulu changer l’organisation pour qu’elle soit plus ouverte vers nos adhérents, vers l’innovation et vers l’écoute, le tout en étant accompagné par des consultants, avec le comité de direction en soutien. » Étant plus ingénieur que financier, David Boussard a fait le pari de s’entourer d’un directeur des affaires commerciales. « Je maîtrise ainsi les enjeux et la stratégie industrielle et lui les enjeux financiers. »
Aujourd’hui, CPage prévoit, malgré la crise sanitaire de recruter 40 nouveaux collaborateurs pour « consolider nos acquis et continuer notre croissance ».