Carlos GoncalvèsDidascalie du Darcy Comédie

La genèse du Darcy Comédie n’aura pas été un long fleuve tranquille mais le caractère persévérant de Carlos Goncalvès, associé au soutien financier de personnes qu’il a su entraîner dans son idée ont permis la concrétisation du projet. (Photo : Journal du Palais)

À 44 ans, ce jeune artiste a quitté Paris pour venir s’installer en province. Il a choisi Dijon pour y créer un café-théâtre à son image.

En ce jeudi 4 juillet se jouait Le monologue du Pénis au café-théâtre Le Darcy-Comédie, rue Devosges, à Dijon. Le spectacle affichait complet. Cent cinquante personnes sont venues découvrir ce lieu unique qui a ouvert ses portes en mars dernier. L’ambiance était festive. Un buffet de salades composées accompagnées d’un punch trônait au milieu de la cour extérieure. Les convives se servaient et discutaient joyeusement. Un homme, pourtant, s’affairait au four et au moulin. Carlos Goncalvès était sur tous les fronts : accueillir les invités, servir les cocktails, tout en pensant à son futur spectacle… 30 minutes plus tard, c’est lui qui était seul sur scène pour présenter la pièce qui l’a écrite en 2004 !

L’ENTREPRENEUR FOU

De nature très curieux, il a su très tôt qu’il n’aurait pas un parcours linéaire. Mais attention, il n’en est pas pour autant inconstant… Carlos Goncalvès mène toujours ses projets jusqu’au bout. À en croire les nombreuses péripéties qu’il a rencontrées pour créer ce lieu, il ne fait aucun doute que le jeune quadra s’accroche à ses rêves. Acte I : en 2016, un panneau apposé rue Devosges sur les portes d’un ancien garage automobile annonce l’ouverture prochaine du Darcy Comédie. Mais, durant l’été 2017, le nœud se noue : ses associés de l’époque se retirent de l’aventure pour des raisons personnelles. Entracte pour le projet du Darcy Comédie… Carlos Goncalvès ne baisse pas les bras et envisage une levée de fonds en sollicitant les particuliers. Le 25 octobre 2017, dans les colonnes d’un journal local, il lance un appel « aux gens de bonne volonté, qui ont envie de donner un coup de main »Acte II : Gilles Bordes, PDG du groupe local Elabor, entre en scène. Il lit l’article et se rend sur place pour rencontrer celui qui tient le rôle principal de l’histoire. Le feeling passe. Il est tout de suite séduit par l’homme, le projet et le lieu. Acte III : un dernier associé – que Carlos Goncalvès connaît bien – monte également sur les planches. Dirk Meylaerts, directeur de production de Lafayette Anticipations, fondation d’entreprise des Galeries Lafayette. L’investissement global des deux associés est de l’ordre de 150 000 euros (dont 100 000 euros d’emprunts) et, à terme, il devrait atteindre les 200 000 euros. Au-delà de ce soutien financier, Carlos Goncalvès a trouvé deux mentors qui le soutiennent dans son projet. « Dirk est un véritable coach. Il me fait poser les bonnes questions. Des personnes comme ça, ça te booste! », confie le comédien. Courant 2018, c’est le dénouement. Le projet est relancé et les travaux reprennent. Mars 2019 : l’heure de la reconnaissance. Le Darcy Comédie ouvre ses portes avec une belle tête d’affiche : Anthony Joubert, qui fait salle comble. La veille de l’ouverture, l’entrepreneur fou posait les portes, réglait les problèmes de plomberie, finissait le parquet avec ses amis…

LES PUCES DU DARCY

Revenons sur le décor : l’ancien garage Renault de la rue Devosges est devenu un véritable lieu de vie. Au milieu d’objets insolites et de meubles de récup’, s’articulent une jolie cour avec des tables pour se restaurer en plats bio et vegans, un espace bar et tout au fond, en poussant les portes anti-feux, on découvre la nouvelle salle de spectacle cosy de ce café-théâtre. Le lieu peut accueillir 150 personnes, « une dimension humaine pour profiter au mieux de la gestuelle des comédiens ». L’ambiance brocante fait tout le charme du lieu. « Toute la décoration, c’est uniquement de la récupération », avoue l’artiste. Grâce à l’application « Adopte un objet », le comédien a arpenté les rues de Paris avec un camion pour trouver tout ce dont il avait besoin. Quelques trouvailles proviennent également de brocanteurs ou donateurs dijonnais tels que les garde-corps qui servaient à une usine d’Auxonne et le bar qui appartenait à un Italien, vendeur d’olives sur le marché de Dijon. Au plafond, les luminaires ne sont autres que les instruments du célèbre groupe nivernais les Tambours du Bronx qui ont trouvé une deuxième vie sans leurs pieds d’origine… Derrière ce lieu insolite, se cache toute la personnalité haute en couleur de Carlos Goncalvès. D’origine portugaise, l’artiste a grandi à Angoulême. Serait-ce parce que coule en lui le sang des bâtisseurs qu’il commence sa carrière dans l’ébénisterie? Ce qui est sûr c’est que le jeune homme aime travailler les matières nobles. « Ce que j’apprécie, c’est le luxe des objets anciens qui peuvent se réparer », avoue-t-il. À 19 ans, il rêvait déjà de pouvoir ouvrir sa propre brocante. Avec le Darcy Comédie, cet autre rêve pourra bientôt se réaliser grâce à un espace vintage-brocante avec de nombreux « objets de curiosité », comme les nomme Carlos Goncalvès. « Cela s’appellera les Puces du Darcy ! » annonce-t-il fièrement. Également passionné de pierres, telles que les quartz qui viennent du Portugal, l’artiste en a même exposées quelques-unes en vitrine dans la salle de spectacle, entre un poisson lune gonflé à bloc et le nez d’un requin-scie. Côté programmation, à la fois régionale et nationale, elle promet d’être éclectique avec du théâtre de boulevard, du café-théâtre, du one-man show, des cabarets et même quelques spectacles d’effeuillage…

Mais surtout des têtes d’affiches comme Anthony Joubert qui revient en septembre. Le nouveau programme de la rentrée débutera fin août avec Mathieu Denis, La Revanche de l’Hippocampe, puis Spectacles de l’école de l’humour avec l’association La Banane de Dijon, Julien Strelzyk dans Santé, Les Emmerdeurs de Jean-Marc Magnoni et Jérôme Paquatte ; Fabien de Forest, pour un spectacle d’hypnose et mentalisme ainsi que Et Elles vécurent heureuses de Manu de Arriba, Anne de Kinkelin et Vanessa Fery. Sans oublier Les monologues du pénis. Pour la petite histoire, le comédien est entré un peu par hasard au cours Florent en 1999 « pour suivre une fille dont j’étais très amoureux », avoue-t-il. Finalement il y prendra goût et sortira parmi les meilleurs de sa promotion. À l’époque, il est assistant d’Arnaud Viard, acteur et réalisateur mais aussi fils d’Henri Viard, chirurgien connu à Dijon. Arnaud Viard est également son professeur de cinéma. Il est venu inaugurer le Darcy Comédie. La salle de spectacle porte son nom. Il est le parrain du café-théâtre. En 2004, Carlos Goncalvès se lance dans l’écriture des Monologues du pénis, en réponse à la pièce Les Monologues du vagin qu’il avait vu trois fois dans trois mises en scène différentes et qu’il avait adorée. Le comédien commence à jouer sa pièce avec Arnaud Ducret dans le plus vieux café-théâtre de Paris Le Bec fin. Les deux comédiens sont repérés et invités à se produire au festival d’Avignon. Sans un sou en poche, ils partent dans le sud. « J’ai dû vendre ma voiture pour louer une salle ! », confie le comédien. C’est un succès. Le spectacle fait salle comble tous les soirs. Le début d’une aventure qui durera dix ans, avec des représentations en France, en Belgique, en Suisse. Jusqu’à cette envie de s’installer en province. Dijon a été l’heureuse élue.

UN LIEU DE CRÉATION

Mais le Darcy Comédie ce n’est pas que des spectacles : « Je souhaite que ce soit également un lieu de création», précise Carlos Goncalvès. À partir de septembre, il y aura des ateliers de bricolage en lien avec l’espace brocante-vintage, des cours de théâtre dispensés par Emmanuel Colin et Marie Lou Soares, deux professeurs dijonnais, le lundi soir, pour les adultes et le mercredi après-midi pour les plus jeunes, de 15 à 25 ans. Des stages de cinéma seront également proposés par Salim Torki. « Tous nos élèves passeront par l’écriture ! », assure l’artiste entrepreneur. Par ailleurs, la compagnie du Darcy Comédie est en train de se constituer avec des professionnels locaux et devrait prochainement se produire sur scène. Vive- ment les futures créations 100 % dijonnaises !

Parcours

1973 Naissance le 25 mars à Angoulème (Charente).
1996 Études d'architecture intérieure au lycée des métiers du bâtiment de Felletin, dans la Creuse.
1999 Inscription au cours Florent à Paris.
2004 Écriture des Monologues du pénis.
2006 Premier spectacle produit au festival d'Avignon.
2019 Ouverture du Darcy Comédie à Dijon, le 15 mars.