Détecter les repreneurs de demain

Il y a dix ans la CCI du Doubs créait Visa Reprise un dispositif de détection et de labellisation de candidats à la reprise de PMI/PME. Les candidats présélectionnés intègrent un processus en deux temps composé de la réalisation d’un dossier d’intention, puis de sa présentation devant un comité de qualification. Crédit: CCI du Doubs.

Visa Reprise est né il y a dix ans à l’initiative de la CCI du Doubs, rejointe depuis par les CCI du Territoire de Belfort, du Jura et de Haute-Saône. Il s’agit d’un dispositif inédit de détection, labellisation et accompagnement de candidats à la reprise de PMI/PME de plus de dix salariés.

« L’objectif du dispositif Visa Reprise est de faire émerger les futurs dirigeants capables d’assurer la pérennité et le développement des nombreuses PME et PMI qui font la richesse de notre économie locale, mais aussi de maintenir les centres de décisions et les sièges sociaux sur nos territoires », dévoile Philippe Guerder, membre du bureau de la CCI du Doubs et l’un des fondateurs du dispositif Visa Reprise. En France, on estime que 750.000 emplois sont concernés, chaque année, par des opérations de reprise d’entreprise. Face à cet enjeu qui prend tout son sens au niveau territorial, la CCI du Doubs s’est intéressée plus particulièrement à ces transmissions qui échouent faute de repreneurs suffisamment bien préparés et pleinement conscients de ce que devenir chef d’entreprise implique. Car on ne s’improvise pas chef d’entreprise. C’est une aventure qui se prépare très en amont. Ainsi, en 2008, la CCI du Doubs a donné naissance au dispositif ante-reprise Visa Reprise. Une solution nouvelle, qui intervient en amont des dispositifs déjà existants et qui vise à constituer un panel de futurs dirigeants identifiés comme les plus aptes à la reprise, à les accompagner, à les challenger et à les labelliser. Ils sont ainsi mieux armés pour leur projet, tout en gagnant en légitimité au regard des différents acteurs et partenaires locaux de la transmission et de la reprise d’entreprise.

DU DOSSIER D’INTENTION À LA LABELLISATION

Dans le déroulé, tout commence par une première phase de détection. Les candidats recherchés le sont localement comme nationalement. La cible est définie autour de personnes motivées pour reprendre des PME/PMI de plus de dix salariés dans les secteurs d’activités de l’industrie, du bâtiment, du B to B en général, les activités du secteur grand public ne rentrent pas dans le champ d’application de ce dispositif. Les candidats retenus pour cette pré-sélection entrent alors dans un processus en deux temps : la mise en forme de leur projet, via un dossier d’intention, puis sa présentation devant un comité de qualification qui labellisera, ou pas, le futur repreneur. « Le dossier du postulant est un document très important, il permet aux membres du jury d’appréhender l’individu qui se cache derrière le potentiel repreneur. Il dit ce qu’il est, ce qu’il fait, et surtout pourquoi et comment il veut reprendre, si cela vient de loin, présente ses expériences, ses atouts, sa motivation, ses apports financiers (le ticket d’entrée est de l’ordre de 150.000 euros minimum, 25 à 30% de la valeur de l’entreprise reprise) et structure sa démarche… C’est un vrai révélateur », confie Pierre Lacanal, responsable du dispositif Visa Reprise au sein de la CCI du Doubs. Quand ce dossier est jugé suffisamment abouti, le candidat à la reprise d’entreprise est invité à se présenter devant un comité de qualification composé d’élus des quatre CCI franc-comtoises, de chefs d’entreprise et d’acteurs professionnels de la transmission/reprise (expert- comptables, banquiers, avocats d’affaire, notaires…). Il est auditionné pendant 40 minutes, immédiatement suivi d’une séquence de questions-réponses de même durée. « Parce qu’elle émane de chefs d’entreprise et de spécialistes, cette confrontation est sans concession, directe, cash et pragmatique…, affirme Pierre Lacanal. Parfois la pertinence du profil du candidat saute aux yeux, dans d’autres cas cela demande plus de délibérations… ».

Sur les dix années écoulées, le dispositif de la CCI du Doubs a reçu 460 candidats, 98 ont été présentés au comité de qualification (soit 21 %) et 58, soit environ 60 % ont obtenu la labellisation Visa Reprise. Quant aux “recalés” « ceux qui ne remplissent pas toutes les cases, mais qui ont un potentiel, on les invite à faire mûrir leur projet quelques mois avant de retenter leur chance en intégrant de nouveau le dispositif. Cela a été profitable à plusieurs d’entre eux ». Quid de l’après labellisation ? Les candidats reçus rentrent alors dans l’ultime phase du dispositif : celle de la promotion et du réseautage. Leurs dossiers sont diffusés aux 60 partenaires du dispositif, signataires de la convention de partenariat avec les CCI franc-comtoises. Les candidats voient ainsi se multiplier leurs chances d’approcher des dossiers de reprise, de les étudier, et d’enfin trouver l’entreprise la plus conforme à leurs vœux. Le clap de fin du suivi du candidat a lieu à la reprise effective d’une société, sachant que le temps moyen pour reprendre une entreprise se situe entre 18 et 24 mois : un véritable parcours du combattant.

Qui compose Visa Reprise ?

Visa Reprise est né à l’initiative de la Chambre de Commerce et d’Industrie du Doubs en 2008. Depuis 2015 un groupe de pilotage y exerce une gouvernance commune. Ses membres sont : les CCI du Doubs, du Territoire de Belfort, du Jura et de Haute-Saône, le Comité local de la Fédération Bancaire Française, le Conseil régional de l’Ordre des Experts Comptables Bourgogne-Franche-Comté, la Chambre interdépartementale des Notaires de Franche-Comté et l’Ordre des Avocats du Barreau de Besançon pour ce qui concerne les avocats d’affaires. La CCI du Doubs fédère et anime le dispositif. « Si à la naissance du dispositif, il a fallu faire nos preuves pour obtenir notre légitimité, aujourd’hui, avec à son bilan 45 reprises effectives,Visa Reprise est jugé précieux par le monde économique local. Il remplit une vraie mission de service public. Une reconnaissance et une crédibilité renforcées par l’intégration, en 2015, comme partenaires du dispositif, des banquiers et des experts-comptables », se plait à souligner Philippe Guerder, membre du bureau de la CCI du Doubs et l’un des fondateurs du dispositif Visa Reprise, qui espère, pour l’avenir, que Visa Reprise puisse essaimer et pourquoi pas faire école aux delà des territoires francs-comtois.