Des pommes, des poires et la mémoire

À Santenay, Stéphane Morel mise sur la conservation du patrimoine pommier bourguignon.

Lorsqu’on parle de patrimoine, on ne pense pas forcément aux pommes ou aux poires. C’est pourtant un patrimoine insoupçonné et oublié par la « normalisation » et l’industrialisation de la production que Stéphane Morel, ancien chef de culture en Charente-Maritime, remet à l’honneur à Santenay. On compte ainsi aujourd’hui 20.000 variétés de pommes – fruit originaire d’Asie – et dont la Chine est le principal producteur à l’échelle commerciale (43 millions de tonnes par an, soit 50 % de la production mondiale). Le fruit est devenu une véritable star de quasiment tous les jardins – qui n’ a pas un pommier ou un poirier chez soi ? – et presque chaque village a désormais sa pomme, sa prune ou sa poire. Reinette de Montbard, de Semur ou de Cuzy, belle fille de Bourgogne, Sainte-Germaine, ménagère de l’Auxois, Poire des moissons originaire de la vallée de la Vingeanne, transmettent chacune les spécificités de leur terroir. « Les vergers en Bourgogne ne sont pas nombreux. Quand je suis arrivé de Charente-Maritime, il m’a fallu trouver des terres pour cultiver les pommes. Mais la terre argilo-calcaire de Bourgogne est un terreau formidable qui donne des fruits goûteux. » Et à Santenay, ces oubliées des vergers ont retrouvé un passionné. En parallèle de son métier de producteur de pommes au sein du Verger des familles dont l’intégralité de la production est vendue directement du producteur au consommateur, Stéphane Morel s’est fait passeur d’une mémoire fruitière qui regroupe aujourd’hui 135 variétés issues des terres de Bourgogne :

« L’objectif est de faire connaître les goûts différents des fruits qui reflètent tous leur terroir d’origine, de les recenser et de les préserver. » Les préserver car un fruit ne vaut pas un autre fruit : « Les modes de culture diffèrent selon les variétés. Si nous voulons recommercialiser ces variétés non produites à l’échelle commerciale, ce serait un travail de longue haleine et qui demanderait beaucoup de technique. » Ce n’est donc pas demain que les pommes, poires ou mirabelles de Bourgogne intègreront la catégorie des Grands Crus fruitiers. Mais dans toute la région, il existe encore une multitude de ces fruits méconnus, non identifiés ou non répertoriés. Et dans cette quête, Stéphane Morel peut compter sur un allié de poids : les propriétaires d’arbres fruitiers : « Ce sont souvent les gens qui nous amènent des fruits qu’ils ont dans leur jardin, ou des fruits que nous trouvons et qui nous permettent de les recenser. »

L’illustration, une fois encore que la mémoire est toujours une affaire collective…