Claude ParisDes mots aux actes

Ingénieur commercial, cet entrepreneur de 58 ans a retrouvé du sens dans sa vie professionnelle en développant deux activités de lavage automobile écologiques et solidaires.

Dans la vie, il y a deux manières de faire du greenwashing. Dans le premier cas, une entreprise verdit sa communication, en se faisant hypocritement passer pour écolo… Dans le second, on fait comme Claude Paris. À la tête de Sinéo Toulouse et de Cocoon Auto, cet entrepreneur de 58 ans a décidé, depuis plusieurs années, de laver plus vert. Plus précisément, son fonds de commerce, c’est le lavage des voitures à l’aide de produits nettoyants respectueux de l’environnement, et une organisation pensée pour limiter au maximum le gaspillage des ressources naturelles. Comme en témoigne sa plus récente société, Cocoon Auto, où « au lieu de nettoyer la voiture seulement au Kärcher, on l’utilise pour le prélavage, puis on fait passer le véhicule dans un tunnel de lavage de 20m de long » qui, assure Claude Paris, « offre une qualité de lavage qui n’a rien à voir avec celle du rouleau » d’un carwash ordinaire ! Certes, une telle méthode de lavage est des plus gourmandes: pas moins de 300 litres d’eau sont ainsi nécessaires, « sachant qu’on peut traiter jusqu’à 300 véhicules par jour! Ajoutez à cela que la législation interdit de rejeter l’eau sale, incluant les salissures et les produits de lavage, dans les eaux usées : normalement, ça part directement à la Garonne. Mais cela, quand on fait de l’écologie, ce n’est pas admissible ! C’est pourquoi dans sa station de lavage de Saint-Alban, au nord de Toulouse, « nous avons mis en place un grand bassin de phytoépuration de 200 m2 qui récupère les eaux sales, tout comme les eaux de pluie qui ruissellent du parking et du toit des locaux, poursuit l’entrepreneur. L’eau tombe sur un substrat de sable et de roseaux où se développent des bactéries, qui vont ensuite dégrader les matières en suspension ». Puis, « et c’est une première en France », l’eau est ensuite récupérée au lieu d’être jetée, pour être stockée dans une cuve de 15 000 litres afin d’être réutilisée en circuit fermé. « Le système est à ce point sur-dimensionné que l’eau est potable ! », promet même Claude Paris, certificat à l’appui. Mais ce n’est pas tout. Sur place, la station Cocoon Auto abrite également un tiers lieu, dont une salle qui peut accueillir une quarantaine de personnes ainsi qu’une douzaine d’autres dans une seconde salle en dessous, « dans un bâtiment biosourcé à ossature bois et peinture bio, que nous mettons à disposition de toutes les entreprises de l’Économie sociale et solidaire (ESS) pour qu’elles puissent y inviter leurs clients, et discuter avec nos salariés en insertion ». Car l’autre cheval de bataille de Claude Paris, c’est l’inclusion dans l’économie des personnes handicapées, sorties de prison ou victimes d’accidents de la vie – ce qu’il faisait déjà dans sa première entreprise, Sinéo Toulouse, dédiée cette fois au lavage (toujours écologique) des véhicules d’occasion des concessions automobiles. Des principes qui, reconnaît-il, ne sont pas toujours faciles à faire accepter aux clients de prime abord : « faire de l’écologie chez les concessionnaires, c’est vrai que ce n’est pas franchement leur culture ; tout comme l’insertion crée des peurs. Au sein de Sinéo Toulouse, on n’a jamais écouté ce genre de remarques ». Pour preuve, dans cette PME de 65 salariés installée au même endroit que Cocoon Auto, « 18 salariés sont en insertion comme préparateurs esthétiques – des personnes qui sortent de prison ou qui sont au chômage depuis longtemps, ou bien qui ont connu de graves difficultés personnelles » comme une perte de conjoint ou de logement. Tandis que chez Cocoon Auto, « ce sont plutôt des personnes handicapées qui sont chez nous en transition, pour les aider à trouver ou retrouver un emploi pendant deux ans, avant qu’elles cèdent leur place à d’autres. Ici, trois personnes sur cinq sont handicapées, dont deux sourdes. Et tous, ce sont des gens qui ont une motivation qu’on aimerait retrouver chez tous les salariés ! Sans oublier qu’ils mettent une ambiance extraordinaire dans la société… », s’enthousiasme Claude Paris.

CRISE DE LA QUARANTAINE

L’homme semble d’autant plus sûr de ses choix – même malgré la crise du coronavirus, qui l’a obligé à mettre la majorité de ses salariés en chômage partiel – qu’ils lui semblent s’accorder parfaitement avec ses convictions. Celles qui l’ont saisi lorsque, la quarantaine venue et ses enfants partis « croquer la vie », celui qui était alors commercial dans l’informatique s’est retrouvé soudain « vide de sens. Pendant plusieurs années, je me suis demandé ce que j’allais faire des 40 prochaines années qu’il me restait à vivre. Aussi, j’ai fait beaucoup de développement personnel pour apprendre à mieux me connaître, comprendre ce qui me faisait avancer… Et c’est là que sont apparus les deux mots qui me portent aujourd’hui, à savoir l’écologie et le social ». Mais, reconnaît-il, encore faut-il savoir comment les appliquer avec succès dans sa vie professionnelle ! Pendant quatre ans, l’homme se « teste » en apportant son aide aux Restos du Cœur ; quand il ne part pas un mois en Égypte, au Caire, auprès des chiffonniers de Sœur Emmanuelle. « Une expérience extraordinaire, dont je suis revenu en me disant que c’était bien ce que je voulais faire, car cela donne l’impression que l’on est vraiment utile. Dans ce monde-là, on est au plus près du ressenti des gens, de l’émotion… et de ce qui, pour moi, sonne le plus juste. Pour autant, je ne dis pas que tout le monde doit faire la même chose. Chacun doit trouver ce qui le rend le plus heureux, ce qui lui donne la pêche le matin ! »

Un jour, Claude Paris découvre une annonce de l’entreprise Sinéo, « qui cherchait des personnes pour créer des entreprises de nettoyage écologique qui fassent aussi de l’insertion par l’économie. Je me suis donc renseigné sur eux, et dès le lendemain, j’étais à Lille au siège de Sinéo pour discuter du modèle ». Aussitôt dit, aussitôt fait : lui qui alors « ne connaissait rien au nettoyage automobile ni à l’insertion » rachète Sinéo Toulouse pour un euro en 2010. Une entreprise de lavage pour concessionnaires qui à l’époque « avait des problèmes, elle perdait 60 K€ par an pour 150 K€ de chiffre d’affaires. Mais je me suis laissé emporter par l’activité, on a eu deux ans un peu difficiles… et après, en faisant beaucoup de commerce », Claude Paris réussit à redresser la barre : « aujourd’hui, on est 65 salariés pour un résultat de 100 K€, ce qui est plutôt correct ». Fort de ce succès, il crée sept ans plus tard, fin 2017, Cocoon Auto, en investissant 1,2 M€. Sans pour autant avoir abandonné son activité de gérant et d’agent commercial d’Essentiel, une agence spécialisée dans la vente de matériel informatique aux grands comptes comme des acteurs publics, dont Toulouse Métropole – son métier d’origine, comme il dit.

Car dans une première vie, Claude Paris ne se destinait pas vraiment à l’ESS. Né et élevé à Dijon, celui-ci a découvert le monde de l’entreprise grâce à la bijouterie de ses beaux-parents, où il travaille comme coursier, puis comme vendeur au rayon horlogerie et enfin comme gestionnaire. Titulaire alors d’un DUT en électronique option informatique, il se laisse initier par son beau-père aux subtilités du marketing et de la relation client ; puis ce sera l’école de commerce, où il se forme à la comptabilité et à la gestion. À la trentaine, avec un troisième enfant en route, Claude Paris et sa femme décident alors de quitter Dijon pour Toulouse, où il travaillera comme ingénieur commercial. « Par la suite, j’ai développé une approche du commerce un peu décalée, basée sur la confiance et les accords gagnant-gagnant plutôt que la vente à tout prix, voire parfois un peu forcée ou poussée par les volumes. Ce n’est jamais l’argent qui m’a fait avancer, c’est plutôt les relations personnelles », affirme-t-il. Des principes hérités de l’éducation de ses parents catholiques qui accueillaient volontiers chez eux « des gens venus d’Afrique ou d’Amérique du Sud ». Quant à ses propres enfants, Claude Paris leur a dit : « réalisez-vous, faites ce que vous avez envie de faire. Je ne les ai jamais forcés à faire quoi que ce soit. Et c’est réussi, puisque j’ai une fille qui travaille dans l’humanitaire, un fils qui est paysagiste et qui vit sous une yourte en Haute-Garonne, et un autre qui est architecte et chef d’entreprise après avoir eu une scolarité calamiteuse ! » Preuve que chez un homme, l’écologie et la solidarité sont, comme dans le reste de la société aujourd’hui, des plantes longues à pousser, mais qui une fois écloses, restent bien enracinées. « De toute façon, aujourd’hui, on n’a plus le choix ! », conclut-il.

Parcours

1962 Naissance à Dijon
1982 Après avoir obtenu son DUT en électronique option informatique, il commence à travailler dans la bijouterie de ses beaux-parents, où il restera six ans
1992 Arrivée à Toulouse en tant qu'ingénieur commercial
2010 Rachète Sinéo Toulouse
2017 Crée Cocoon Auto