La filière textile auboise s’organise et rouvre les ateliers pour répondre à la pénurie dans le Grand Est.
La filière textile auboise est en première ligne dans la fabrication de masques de protection en tissu. Les ateliers de confection qui étaient fermés depuis le début de la crise ont même réouvert pour permettre cette production. C’est le cas de Lacoste où une trentaine de personnes, sur la base du volontariat, ont repris du service sur le site des Gayettes depuis le 23 mars pour fabriquer des masques en tissu lavables et réutilisables. Avec une production quotidienne de 700 masques, un premier objectif de 20 000 masques est fixé, en utilisant les matières premières disponibles. L’autre grand fleuron du textile aubois, Petit Bateau, est lui aussi sur le pont, toujours sur la base du volontariat. Une trentaine d’ouvrières confectionnent des masques dans les ateliers. « Nous allons aussi apporter des machines à celles qui voudraient travailler à domicile, toujours sur la base du volontariat », annonce Brice Rocher, patron du groupe Yves Rocher, dont Petit Bateau est une des filiales. Des entreprises textile de taille plus modeste comme Lafitte, fabricant d’articles de sport et de maillots de bain, où cinq ouvrières fabriquent 400 masques par jour. « Au total nous avons déjà cinq entreprises textile de confection qui fabriquent des masques de protection en tissu dans l’Aube sous couvert de l’ARS, l’agence régionale de santé », souligne Denis Arnoult, président de l’Union des industries textiles de Champagne-Ardenne. Au niveau du Grand Est, 14 entreprises textile se lancent dans la démarche avec un objectif de production de 150 000 à 200 000 masques en tissu par jour, dans le cadre d’une démarche partenariale avec l’ARS Grand Est et la préfecture de région.
APRÈS LA CRISE
« C’est un effort important car il a fallu remettre en route les ateliers et s’organiser pour travailler en respectant les consignes de protection mais nous ne pourrons pas mettre en place une production véritablement industrielle », regrette Denis Arnoult. Les conditions particulières de production mais aussi le nombre limité de salariés des ateliers de confection dans l’Aube peuvent l’expliquer.
« Une fois la crise passée, il faudra que nos gouvernants se posent la question de la nécessaire réindustrialisation et de notre dépendance économique », fait remarquer Denis Arnoult, qui rappelle au passage que la situation économique des entreprises textile auboises risque d’être compliquée dans les mois à venir. « J’espère seulement que les milliards d’euros promis iront bien jusqu’aux entreprises », conclut-il.
Bugis à l’écoute en matière d’innovation
Face à la grave pénurie de masques de protection, des entreprises textiles ont misé sur l’innovation et trouvé des solutions à court terme. La société auboise Bugis, spécialisée dans le tricotage et les tissus techniques a ainsi associé ses compétences à celles de Chanteclair ou encore de Saint-James. Et ce, afin de répondre à l’appel à projets du ministère des Armées, lancé dans le cadre de la lutte contre le Covid-19 par l’Agence de l’Innovation de Défense.
« Avec nos équipes, on a recherché dans nos archives de tissus une matière à la fois respirante – la maille répond parfaitement à ce critère-, et permettant la filtration. On a pu identifier deux matières répondant à ces deux objectifs, tels qu’ils étaient déclinés dans les cahiers des charges transmis par la DGA (Direction Générale de l’Armement) ou l’ARS (Agence Régionale de Santé) », explique Bruno Nahan, le PDG de Bugis.
DES MASQUES VALIDÉS
L’ entreprise a ensuite envoyé ces deux matières à ses clients, quant à eux spécialisés dans la confection, dont, localement, l’entreprise Chanteclair. Les deux sociétés ont noué un partenariat pour travailler sur un concept de masque réutilisable, résistant à de nombreux lavages à 90°C. Chanteclair a conçu et confectionné un prototype de masque qu’elle a déposé à la DGA pour homologation, avant d’en obtenir le feu vert la semaine dernière pour une utilisation médicale (le niveau de filtration n’étant pas le même qu’un masque FFP2). « Le partenariat avec la société Saint-James a permis de concevoir un autre masque, avec une autre maille de Bugis, là aussi en multicouche, avec un jersey sur la paroi extérieure. Sa production en série a également été validée », ajoute le chef d’entreprise.