Les orientations budgétaires 2021 du Conseil Départemental de la Marne dupliquent, à quelques nuances près, le budget 2020 : des recettes aléatoires et une baisse des capacités d’investissement que majorité et opposition interprètent comme un signal d’alerte pour l’avenir.
En prélude au débat sur les orientations budgétaires de 2021, le Président du Conseil départemental de la Marne pointe une incertitude sur les recettes et parallèlement une tension forte sur les dépenses, un discours décidément commun aux collectivités territoriales, et désormais amplifié par les conséquences de la crise Covid. D’où cette attention portée au projet de loi de finances de l’Etat, porteur, plus que jamais, des espoirs et des craintes des budgets de ces collectivités. À croire que la décentralisation est encore loin d’être financière.
En bref, le Département n’attend pas grand-chose des ressources fiscales sans pouvoir de taux et dépendantes du contexte économique (TVA, CVAE ou DMTO) ou des dotations globalement figées. De plus, le Département n’attend pas de recettes supplémentaires d’une fraction de TVA en remplacement de la taxe foncière sur les propriétés bâties.
LA MODÉRATION FISCALE DE LA MARNE
Au cœur de la présentation des orientations budgétaires, le Conseil départemental exhume les archives 2019 de la Délégation Générale aux Collectivités Locales qui fait de la Marne un Département fiscalement modéré, une histoire qui remonte à quelques décennies. C’est parce qu’il taxe moins que le Département est moins doté par l’Etat.
Il en est ainsi, comparativement à la moyenne nationale des Départements, pour les recettes de fonctionnement ou pour les recettes d’investissement inférieures, toutes les deux de 30%. Des ratios qui jouent sur l’épargne brute, deux fois moins importante qu’en moyenne nationale dans la Marne et qui aboutissent à un endettement bien moins important que celui supporté par les départements de même niveau ou en moyenne nationale.
Quand l’annuité de la dette coûte 64 € par habitant en moyenne nationale, elle plafonne à 34 € dans la Marne. Pour le stock de la dette, il pèse 271 € dans la Marne et 499 € en moyenne nationale. Pour autant et sur ses compétences, le Département de la Marne affiche des ratios d’investissement supérieurs à ceux de la moyenne nationale : 82 € contre 62 € pour les dépenses liées à la voirie et 35 € contre 31 € pour les collèges.
UN BUDGET POUR MAINTENIR LES INVESTISSEMENTS
Les orientations budgétaires 2021 sont construites sur deux bases : essayer de maintenir les recettes de fonctionnement et donner la priorité des dépenses à l’investissement, consacré aux collèges, à la voirie et au partenariat avec les collectivités du département et les autres établissements publics.
Entre 2020 et 2021, les recettes de fonctionnement devraient passer de 458,3 à 460,9 M€, soit une très légère progression de 0,6%. Pour les principales, ces recettes vont provenir d’une fraction de TVA (106,1 M€), de la Dotation Globale de Fonctionnement (53,9 M€), des Droits de Mutation à Titre Onéreux (76 M€), de la compensation des Allocations Individuelles de Santé (60 M€), Cotisation sur la Valeur Ajoutée des Entreprises (35,3 M€) et de fonds de péréquation entre Département (13 M€).
73% DES DÉPENSES POUR LA SOLIDARITÉ DÉPARTEMENTALE
Le poids des solidarités (RSA, personnes âgées et handicapés, enfance et famille…) ne cesse d’augmenter dans les dépenses du Département, passant de 71 à 73 %, du BP 2020 aux OB 2021. La solidarité départementale dépasse les 323 M€, soit une progression annuelle de 4 %, largement portée par l’augmentation du Revenu de Solidarité Active (+12,7 %), de 91 à près de 103 M€.
Les autres postes de dépenses se maintiennent : 29 M€ pour l’éducation, 25 M€ pour les infrastructures, 17 M€ pour le SDIS (Incendie, sécurité), 2,5 M€ pour le tourisme ou encore 2,4 M€ pour Vatry, dont 1,5 M€ au titre de la subvention annuelle.
DES DÉPENSES D’INVESTISSEMENT EN LÉGÈRE BAISSE
De 89,3 M€ au BP 2020, les orientations 2021 des dépenses d’investissement sont de 85,4 M€, soit une baisse de 4,4% qui concerne surtout les infrastructures (de 21,6 à 18,5 M€). Parmi les principaux chapitres de ces investissements : l’Education (21 M€) les partenariats avec les collectivités marnaises (12,9 M€), les moyens généraux (24,4 M€), des travaux sur Vatry (3,8 M€) ou encore l’enseignement supérieur (1,2 M€).
Le maintien de l’effort d’investissement, tenant compte des recettes d’investissement relativement faibles (13,7 M€) et d’une épargne brute limitée (17,7 M€) et qui devrait perdre 54 % en deux ans, avec un solde de l’exercice à 1 M€, contre 26 M€ en 2019, passe par un nouvel emprunt estimé à 54 M€, contre 49,8 M€ au BP 2020. L’encours de la dette était de 159,2 M€ au 1er janvier 2020, il passe à 148 M€ à fin 2020, soit une baisse de 7 % dans l’année.
MAJORITÉ ET OPPOSITION : HARO SUR LE GOUVERNEMENT
De session en session, dans une Assemblée par forcément politisée, les conseillers départementaux ne lâchent pas la cible gouvernementale, à commencer par le Président qui s’en prend aux expertises technocratiques de la Direction Générale aux Collectivités Locales : « Ils ne comprennent pas les attentes des citoyens », tout en répétant « Il ne faut pas subir » ou en en jugeant le mauvais chemin d’une recentralisation rampante.
Pour Christian Bruyen, pas forcément opposé aux expérimentations territoriales, il faut se méfier de certains projets, voire s’y opposer, comme c’est le cas à propos de la nationalisation de la gestion du RSA. Se méfier de l’Etat, voilà la naissance d’un consensus qui fait dire au Président Bruyen en direction de Dominique Lévêque, chef de file de l’opposition : « Débattre est intéressant, on peut se rejoindre sur certains sujets. J’ai l’impression que l’on se rassemble un peu mieux. Je pleure ou je me ligue avec vous…»
« Que dire d’un Gouvernement qui préfère les grandes surfaces commerciales à la culture ? » Voilà le premier message de Dominique Lévêque qui en remet une couche en invoquant le Plan de relance : « Un monstre technocratique qui passe par des appels à projet accessibles aux seuls initiés ». Pour le Maire d’Ay-en-Champagne, les finances du Département ne résistent que grâce aux DMTO, parce que les taux de crédits immobiliers sont encore bas.
LES VATICINATIONS DE CHARLES DE COURSON
Et puis, la parole à Charles de Courson, élu départemental depuis 34 ans, ex futur Président du Conseil Général en 2003, et surtout, lorsque l’on parle de budget, ex magistrat à la Cour des Comptes et Député hautement qualifié en la matière à l’Assemblée Nationale. Alors, vaticinateur ou cassandre ? « Nous n’avons plus de marge de manœuvre. En 2022 ? Le gong va sonner, on ne passera plus. Notre budget sera mis sous tutelle. Des recettes trop cycliques. Plus aucun pouvoir sur les taux. Nous ne pourrons plus aider les communes du département. Cela fait bien longtemps que je vous le dis. » Avec cette remarque amusée de Dominique Lévêque : « Charles de Courson finira par avoir raison, on y arrive ».