Des « coronapistes » aux voies cyclables définitives, les communes franchissent le pas

D’abord temporaires, les « coronapistes » du boulevard Lundy à Reims sont devenues définitives avec un marquage au sol.

Les villes de la Région s’équipent les unes après les autres de nouveaux aménagements cyclables. Les pistes temporaires mises en place durant le confinement, afin d’éviter la prise des transports en commun, se transforment en voies définitives.

Les temps changent… Avec la pandémie et ses conséquences sanitaires, de nouvelles habitudes sont nées, comme celle de prendre son vélo plutôt que sa voiture ou les transports en commun. Engagées depuis quelques années dans des transitions écologiques, les villes de Champagne-Ardenne ont accéléré la cadence ces dernières semaines, boostées par le retour d’expérience positif des « coronapistes », mises en place durant le confinement.

La Ville de Charleville-Mézières est par exemple engagée dans ce processus depuis plusieurs années. « Le projet d’aménagement des berges de Meuse remonte à 2015 », indique le maire Boris Ravignon. Celui-ci relie au Nord, le Mont Olympe et au Sud, le quartier de Manchester, sur une distance de 15 kilomètres. La réalisation des grands axes Campus-Mézières-Place Ducale date quant à elle de 2017, avec le « schéma vélo ». Ces deux dernières années, la ville ardennaise s’est dotée de presque 12 kilomètres de voies cyclables (6,7 km en 2019 et 5 km en 2020) aussi bien voies vertes, pistes séparées de la chaussées ou bandes cyclables, « le mieux restant, pour la sécurité, une voie dédiée ou séparative », précise le maire. Le processus s’est accéléré pendant le confinement, avec l’instauration de pistes cyclables provisoires devant promouvoir la pratique cyclable sur des trajets domicile – travail.

400 DEMANDES D’AIDES À L’ACHAT D’UN VÉLO DEPUIS JUIN

Afin d’accélérer cette transition de l’automobile vers le vélo, devant non seulement réduire les émissions à gaz à effet de serre mais également apporter un meilleur cadre de vie, plus respirable, moins bruyant, la Ville de Charleville-Mézières, avec l’agglomération, a mis en place un dispositif d’aide à l’acquisition d’un cycle. Ainsi, pour tout achat d’un vélo ou d’un vélo à assistance électrique neuf ou remis à neuf chez l’un des vélocistes partenaires, les habitants peuvent bénéficier d’une aide de 33% plafonnée à 200 euros. Pour un vélo « conçu et assemblé en France », l’aide est majorée à 40% et le plafond relevé à 300 euros. « Depuis le mois de juin, plus de 400 demandes d’aides individuelles ont été enregistrées, c’est une véritable progression sur l’espace de quelques mois », se félicite Boris Ravignon, qui « croit véritablement dans cette transformation des pratiques de mobilité ».

Parallèlement, l’agglomération de Charleville, comprenant 58 communes, met en place un « plan vélo » qui prévoit d’apporter des subventions à hauteur de 50% à celles qui feront des aménagements en ce sens sur leur territoire. L’objectif est aussi de désengorger les axes principaux entre communes limitrophes, comme Villers-Semeuse, Warcq ou encore La Francheville. « S’il y a plus de vélos, il y aura plus de fluidité », défend Boris Ravignon. Au total, la réalisation des voies cyclables aura coûté 12 millions d’euros : 6 millions pour les berges de Meuse traversant une partie de la ville et reliant d’autres communes, 3 à 4 millions d’euros pour le « schéma vélo » et encore 3 millions d’euros d’aides aux communes réalisant des aménagements par l’agglomération pour un total aujourd’hui de 29 kilomètres de voies cyclables.

La Ville de Reims aussi s’est engagée dans un plan ambitieux de maillage de pistes cyclables, en lien avec l’association Vel’Oxygène. « Pour la bonne marche de ce projet, différents critères ont été pris en compte, comme la continuité cyclable des aménagements existants ; la réponse à des demandes anciennes ou récurrentes comme sur l’axe Farman où circulent des étudiants de l’IUT et de l’ESI ainsi que les entreprises de la Zone Farman, Pompelle, Croix Blandin et notamment le CRNA et le groupe La Poste ; la faisabilité technique ou encore l’impact sur la circulation », explique Laure Miller, adjointe déléguée à l’Écologie, à la nature en ville et aux aménagements publics. Ces pistes et bandes cyclables d’une longueur totale de 8,5 kilomètres, sont situées avenue de Paris (de l’Avenue d’Epernay à Tinqueux) ; sur l’axe Marchandeau–Venise–Gerbert–Herduin ; du rond-point Farman à la Place Gouraud ; de la place Gouraud au boulevard de la Paix ; du boulevard de la Paix jusqu’à la place Aristide Briand et boulevard Lundy. « Les nouveaux aménagements cyclables de 8,5 km viennent s’ajouter aux 200 kilomètres existants sur 500 kilomètres totaux de voiries », précise l’adjointe à l’Écologie. Ce linéaire a ainsi augmenté de 65% entre 2014 et 2020.

Les comptages réalisés lors du déconfinement en mai dernier ont montré une progression du nombre de vélos sur les « coronapistes » et les pistes cyclables existantes. « Il y a entre 30 et 70 % de cyclistes en plus selon les axes », indique Laure Miller. La Ville a donc décidé de maintenir le principe d’un aménagement cyclable en cohabitation avec l’ensemble des autres modes de transports. Après des essais ayant soulevés un tollé (boulevard de la Paix), les anciennes pistes ont été rénovées et depuis la fin du mois d’août, les cyclistes bénéficient de pistes neuves avec une signalétique renforcée permettant d’accueillir des vélos en toute sécurité. Sur le nouvel axe cyclable du Boulevard Lundy, les pistes sont plus étroites et matérialisées par une bande au sol. Le coût des nouvelles pistes se chiffre à 85 000 euros pour la collectivité.

UN SCHÉMA DIRECTEUR VÉLO CONFIÉ À UN BUREAU D’ÉTUDE

Épernay, capitale du Champagne et 24 000 habitants a aussi entamé une transition verte. Bien que ses rues soient étroites et pour certaines en forte pente, la Ville a étudié un plan de voies pour vélo adapté, basé essentiellement sur la liaison des grands axes. « Depuis deux, trois ans, nous sentons bien une hausse de l’usage du vélo, avec une demande plus insistante pour des aménagements de pistes », soutient Jonathan Rodrigues, adjoint chargé de la Transition écologique, à la ville d’Epernay. Si la commune n’a pas mesuré l’augmentation du trafic ces derniers mois, les 20 kilomètres de voiries cyclables trouvent leur public. Pour accentuer ces démarches, mais pas n’importe comment, la Municipalité a chargé un bureau d’étude d’établir « un schéma directeur vélo » à l’échelle Aÿ – Dormans – Épernay, soit un ensemble de 100 000 habitants. « Le but est d’étudier le développement des pistes pour connecter le territoire, avec des résultats en début d’année prochaine », promet Jonathan Rodrigues. « Il faut trouver des voies avec des espaces assez larges afin de continuer à garantir une fluidité routière. »

Emboitant le pas d’autres villes de la région, la municipalité sparnacienne a donc réalisé deux voies temporaires. La première, reliant le centre-ville et la coulée verte via l’avenue Paul-Chandon, a été matérialisée par des bandes jaunes au sol. La deuxième, rue Eugène-Mercier doit permettre de faire une connexion avec l’avenue de Champagne. « À terme, ces pistes temporaires permettront de voir où cela marche et où il faut encore faire des aménagements. » Car au-delà des pistes matérialisées par des bandes au sol, c’est bien la sécurité qui est au cœur des demandes des usagers des deux roues. Dans les rues à sens unique, lorsque les vélos peuvent sur une bande cyclable prendre la rue à contre-sens « le 30 km/h est obligatoire ».

Épernay encourage aussi ses habitants à l’achat d’un vélo électrique, de par la toponymie de la ville et de ses environs, avec les coteaux champenois, à hauteur de 150 euros. « Nous avons une trentaine de demandes par an », indique Jonathan Rodrigues. Au total, le budget de la Ville sur ces pistes temporaires et en devenir s’élève pour le moment « entre 55 et 60 000 euros ».