Vers la transparence fiscale des multinationales

Après plusieurs mois de tractations entre le Parlement européen et le Conseil, un accord a été finalement trouvé le 1er juin à Bruxelles au sujet de la transparence fiscale des multinationales.

Les scandales financiers à répétition rappellent le besoin de plus de transparence fiscale dans l’Union. C’est en ce sens qu’un texte, qui doit encore être formellement voté, forcerait les entreprises au chiffre d’affaires dépassant 750 millions d’euros à déclarer leurs bénéfices, leur nombre d’employés et le montant de leurs impôts dans chacun des pays de l’Union européenne où elles opèrent, ainsi que dans les juridictions figurant sur la liste noire des paradis fiscaux de l’UE.

Proposée par la Commission en 2016, la mesure avait jusqu’alors été bloquée par les pays européens pratiquant une fiscalité avantageuse pour ces entreprises, comme l’Irlande ou le Luxembourg. Ce droit de véto a été contourné par les institutions européennes qui ont décrété que la transparence fiscale des multinationales relevait des questions de concurrence, pour lesquelles les décisions se prennent à la majorité qualifiée alors que les questions de fiscalité nécessitent des réponses à l’unanimité.

Cet accord intervient le jour du lancement de l’Observatoire européen de la fiscalité, organe dirigé par le français Gabriel Zucman, qui aura pour tâche d’informer les dirigeants politiques et de leur proposer des mesures pour mieux combattre la fraude et l’évasion fiscales. La directive européenne entend apporter une réponse aux scandales fiscaux de ces dernières années, comme les LuxLeaks ou les Panama Papers. Elle fait également suite aux discussions autour de la taxation des géants du numérique relancées avec l’arrivée au pouvoir aux États-Unis de Joe Biden qui souhaite mettre en place un impôt mondial sur les sociétés.

Mais la motivation principale des législateurs européens demeure les potentiels bénéfices financiers car la pandémie de Covid-19 a creusé des déficits publics abyssaux et les États explorent toutes les pistes pour renflouer les caisses publiques et mettre fin à la concurrence fiscale. Ce constat est partagé par la Commission qui s’apprête à contracter un emprunt massif pour financer le plan de relance européen et veut mettre un frein aux pratiques fiscales abusives.

Ce potentiel gain financier n’est pas négligeable car l’évasion fiscale des entreprises priverait les comptes nationaux européens de 35 à 70 milliards d’euros chaque année. Toutefois, certains dénoncent l’inefficacité de la mesure car les entreprises seront tenues de déclarer leurs bénéfices pays par pays qu’en Europe et pourront agréger leurs données dans les autres pays. De plus de nombreux paradis fiscaux ne sont pas sur la liste de l’Union européenne. Malgré ces réserves, la directive, qui devrait rentrer en vigueur à compter de 2003 marque un pas en avant vers la transparence fiscale des multinationales.