Un plan de relance innovant

La présidente de la Commission européenne Ursula Von der Leyen a dévoilé au Parlement européen le 27 mai un plan de relance innovant et ambitieux. Ce plan repose sur un projet révisé du budget à long terme de l’Union européenne, auquel est adossé un nouveau fonds de relance qui serait alimenté par des emprunts à grande échelle de la Commission au nom de l’Union européenne. L’exécutif européen prévoit ainsi de lever sur les marchés 750 milliards d’euros afin de financer les dépenses de reconstruction des États membres répartis en 500 milliards qui seront des subventions directes aux États, remboursées par le budget européen, et 250 milliards qui seront des prêts, remboursés par chaque bénéficiaire.

Par ces moyens inédits, l’Union européenne joue sa capacité à prouver son utilité fondamentale à ses citoyens. En cas d’échec, elle pourrait précipiter une nouvelle réaction populiste mais si ce plan venait à être accepté par les 27 la réponse européenne à la crise dans son ensemble ne pourrait plus être taxée d’insuffisante. Outre les fonds débloqués par les États membres et le soutien monétaire de la BCE à 1.000 milliards d’euros, il faut ajouter les 540 milliards déjà mis sur la table pour faire face à la crise et cette réponse de 750 milliards sur trois ans.

Pour que les États puissent bénéficier de ce programme exceptionnel, la Commission entend ne pas respecter les règles habituelles de proportionnalité selon les pays mais accorder les financements aux pays les plus touchés par l’épidémie. L’Italie, qui a été la plus exposée, devrait ainsi recevoir 82 milliards d’euros sous forme de subventions et 91 milliards de crédits à taux très bas. L’Espagne, deuxième pays le plus touché par la pandémie en Europe, recevrait 77 milliards d’euros de subventions et 63 milliards de prêts. Pour bénéficier du volet subventions les pays devront présenter un plan d’investissement et de réforme qui devra être compatible avec les priorités politiques de la Commission européenne, comme la transition écologique.

Pour rembourser cette somme, la Commission prévoit tout d’abord de commencer à payer ses dettes en 2028 et ce jusqu’en 2058. Elle plaide également pour ne pas augmenter les contributions nationales des 27, ni réduire les dépenses européennes, mais pour augmenter les ressources propres de l’Union. Parmi les options mises sur la table par Ursula Von der Leyen figurent, une taxe numérique, une taxe carbone aux frontières ou l’extension du système européen d’échange de quotas d’émission afin d’augmenter les redevances sur les secteurs de l’aviation et de la navigation.

Ce choix impliquerait qu’une partie du budget européen ne dépendrait plus des États et que la Commission lèverait elle-même des impôts, mais les pays du Nord étaient hostiles à cette solution jusqu’ici, alors que l’Allemagne a donné des signes d’évolution. En proposant d’émettre une dette mutualisée, remboursée par des fonds propres à l’Union européenne, la Commission provoque une véritable révolution dans l’histoire communautaire.

Si la proposition de la Commission est approuvée, elle donnera à l’exécutif européen davantage l’apparence d’un gouvernement fédéral. La capacité d’endettement et la plus grande autonomie budgétaire qui en découlerait sont l’un des attributs essentiels d’un État. Bien que la capacité d’emprunt accordé à l’Union européenne serait temporaire une fois la machine lancée, il est douteux que les États reviennent en arrière. Si ce fédéralisme de fait que constitue un emprunt collectif réussit, il renforcera cette idée d’un destin commun des européens que les pères fondateurs avaient en tête et qui ne progresse que dans la douleur.