L’Insee s’intéresse aux signes de fragilité des territoires régionaux pendant la crise économique et vraisemblablement après. Chômage et précarité plus présents dans les grands pôles, porteurs également de métiers plus touchés que d’autres par la crise. Avec un territoire alsacien plus particulièrement fébrile.
L’objet de l’étude de l’Insee est de permettre, à l’aide des informations actuellement disponibles, de mieux identifier les territoires et les populations qui seraient à plus ou moins long terme les plus touchés par la crise sanitaire. La crise pourrait accentuer la vulnérabilité des personnes à faible revenu dans les pôles et les zones déjà en difficulté économique. Au total, 59% des personnes pauvres et 47% des personnes à faible revenu vivent dans ces pôles qui représentent 42% de la population régionale. D’après la première vague d’enquête épidémiologique menée par la Dress, l’Inserm, Santé Publique France et l’Insee, un quart des ménages du Grand Est fait état d’une dégradation de la situation financière à la sortie du premier confinement.
La pauvreté est très présente dans les grandes villes. Si elle atteint 15% des habitant du Grand Est, elle pèse 22% dans les aires d’attraction des villes et 13% dans les communes situées hors de l’influence des villes. Dans la région, certaines zones rurales sont ainsi particulièrement concernées, notamment dans les Ardennes, la Haute-Marne et les Vosges. Cette situation de concentration de la pauvreté suppose des contrastes : 25% de la population sous le seuil de pauvreté dans les pôles de Sedan, Forbach,Vitry-le-François, Romilly-sur-Seine, Saint-Dizier ou Saint-Dié-les-Vosges contre 10% dans les petits pôles alsaciens ou à proximité du Luxembourg. Pauvreté et faibles revenus sont aussi présents dans les plus grands pôles de la région (Strasbourg, Nancy, Metz, Mulhouse, Troyes, Epinal et Colmar), avec des taux de pauvreté compris entre 20 et 25% de la population.
CHÔMAGE ET PRÉCARITÉ DE L’EMPLOI
Les personnes qui ont perdu leur emploi lors du premier confinement font état d’une plus forte détérioration de leur situation financière, dans la mesure ou beaucoup n’ont pas retrouvé d’emploi à la sortie du confinement. Qu’ils soient étudiants ou à la recherche d’un emploi, les jeunes font partie des premières victimes de la crise. Les 18-24 ans sont 450 000 dans le Grand Est et son surreprésentés dans les pôles, territoires dans lesquels les jeunes comptent fortement dans la catégorie des « ni en emploi, ni en études ». En raison de la précarité de leur statut, les salariés en contrat à durée déterminée, en intérim, en contrat aidé, en stage ou en apprentissage (12% des actifs dans le Grand Est), pourraient voir leur emploi particulièrement menacé. Les pôles sont particulièrement concernés par cette précarité. 54% des chômeurs y résident, avec un taux de chômage de 18%, contre 11% dans les petites communes. Ce fort chômage concerne surtout les pôles des Ardennes, de l’Aube et des Vosges.
PEU DE TERRITOIRES ÉPARGNÉS PAR LA CRISE
Les salariés travaillant dans un secteur particulièrement affecté par les conséquences économiques de l’épidémie pourraient aussi payer un lourd tribut à la crise. Ces secteurs (tourisme, hébergement, restauration) particulièrement touchés représentent 16% des actifs en emploi dans le Grand Est. Ils sont surreprésentés dans les pôles (11% des salariés). Mais la crise menace également d’autres activités telles que la métallurgie, l’automobile ou les transports (-2% pour les effectifs de ces secteurs entre fin 2019 et fin 2020). Ces secteurs, également fragilisés, représentent 7% des actifs de la région.
LA CRISE PLUS FORTE À L’EST DE LA RÉGION
Les conséquences de la crise pourraient être plus sensibles sur le territoire alsacien qu’ailleurs en région. Ce constat de l’Insee s’appuie sur l’évolution du chômage et celle du nombre d’allocataires du RSA.
Le nombre d’inscrit à Pôle Emploi (catégories A, B et C) a augmenté de 5% entre fin 2019 et fin 2020. La hausse reste contenue en Haute-Marne (+0,9%) et dans les Vosges (+1,3%), elle est très sensible en Moselle (+5,7%), dans le Bas-Rhin (+6,4%) et le Haut-Rhin (+6,8%). La hausse est de 4,8% dans le Grand Est, tout comme au niveau national. Le Grand Est compte 155 000 foyers bénéficiaires du Revenu de Solidarité Active à fin 2020, soit une progression de 6% en un an contre 8% en France. Ici encore, la tendance indique une détérioration plus à l’est du Grand Est qu’ailleurs (+13,3% pour le Haut-Rhin, +7,9% pour le Bas-Rhin), à l’exception de la Marne (+8,1%).