Syndicats et patronat du Grand Est déclarent « l’union sacrée »

Plusieurs organisations syndicales et patronales du Grand Est ont signé un accord commun pour donner la priorité au dialogue social et à la négociation collective en cette période de pandémie.

« L’union sacrée ». C’est bien le terme employé par les principales organisations syndicales et patronales du Grand Est pour qualifier leur démarche de signer une déclaration commune d’engagement. CFTC, CFDT, Medef, U2P et CFE-CGC se sont accordés pour faire passer en priorité et au-delà de leurs différences, la nécessité de poursuivre un dialogue social et une négociation collective. « La priorité est d’assurer la sécurité des personnes, le maintien de cette sécurité est fondamental pour notre pays », insiste Dominique Toussaint, secrétaire général CFDT Grand Est.

« La crise du coronavirus est une crise sanitaire d’une ampleur exceptionnelle, doublée d’une crise économique d’une ampleur, elle aussi, inédite », souligne Bruno Arcadipane, président du Medef Grand Est. « Il s’agit d’un défi qui se pose à notre génération, car on voit se dessiner une crise qui s’apparente à celles de la Grippe espagnole et de 1929 réunies. Un véritable défi pour nos salariés et pour nos entreprises, qui doit nous amener à faire preuve de solidarité et de responsabilité ».

Pour ce dernier, l’accord signé entre les organisations volontaires doit suivre trois objectifs majeurs : « Le premier objectif est la continuité économique : il est impératif que la vie continue, d’achalander les rayons des magasins et d’acheminer les matières premières. Il est également important que les entreprises qui ont cessé le travail reprennent dans les meilleures conditions possibles pour préparer ensemble le rebond économique. Enfin, tout cela devra se faire en protégeant au mieux les salariés et dans le cadre d’un dialogue social ».

DES CONTRAINTES EN OPPORTUNITÉS

Paul Henry, président de l’U2P Grand Est, précise : « Toutes les entreprises de l’artisanat et du commerce sont conscientes de la gravité de la situation. Cette union sacrée doit permettre de faire évoluer les mentalités et que chacun se responsabilise ». Et si d’autres organisations (CPME ou CGT) n’ont pas souhaité rejoindre la démarche dans ces conditions, « ceux qui veulent nous rejoindre sont toujours les bienvenus », insiste Paul Henry.

Président de la CFE-CGC régionale, Alain Monpeurt prépare déjà l’après-crise : « Plusieurs mesures ont été prises par le gouvernement, notamment en matière de modification du droit du travail, apportent une série de contraintes, que ce soit au niveau national ou dans certaines branches ou secteurs d’activités particuliers. A nous de mener des négociations pour trouver des accords d’entreprise afin de transformer ces contraintes en opportunité pour réussir cette reprise ».

Mais les mesures d’accompagnement des entreprises annoncées par le gouvernement sont-elles suffisantes ?

Elles ne sont en tout cas pas un cadeau fait aux entreprises, insiste le président du Medef : « Ces 300 milliards sont des décalages de charges et de prêts à rembourser. Ces mesure sont essentielles mais l’argent doit arriver très vite et c’est dans la vitesse de déploiement de ces mesures que l’on saura si elles sont bonnes ou pas. Car aujourd’hui ce dont ont besoin les entreprises, c’est de la liquidité ».

Du côté de l’U2P, on estime que « l’Etat a pris des décisions graves, qui sont en train d’être remodelées. Les aménagements vont dans le bon sens. Il faut que les organisations professionnelles fassent une synthèse pour faire des propositions pragmatiques au gouvernement. Nous sommes dans cet esprit de fonctionnement bilatéral pour que l’intérêt collectif passe avant nos intérêts individuels ».

Pour Alain Monpeurt, un tel accord entre organisations est destiné à améliorer le dialogue social au niveau local, mais aussi avec le national : « À nous de remonter régulièrement les informations et de donner les indications au niveau local, pour que les choses se passent de façon mieux ordonnée et transformer les contraintes en opportunités ».

Un avis partagé par Dominique Toussaint : « Nous sommes là pour prendre date et lancer un appel aux acteurs de l’entreprise et aux acteurs publics tout en créant un cadre pour aller plus loin. Il faut qu’on soit à la hauteur des enjeux », précise le secrétaire général CFDT Grand Est.

DÉPASSER LES CLIVAGES

Quant à la nécessaire remise en route de l’économie, elle s’impose le plus rapidement possible, estiment tous les signataires, dans le respect strict des règles sanitaires et de sécurité édictées par le gouvernement.

« Il faut faire le distinguo entre les salariés qui ont la possibilité de travailler à distance, en télétravail. D’autres sont arrêtés et ceux qui continuent à travailler normalement. Nous devons ensemble créer les meilleures conditions de sécurité pour se protéger et protéger les autres. Je ne connais pas un chef d’entreprise qui ait envie de mettre en danger ses salariés, insiste Bruno Arcadipane. Notre démarche est concrète, factuelle, elle dépasse les clivages et les carcans habituels. Il faut soutenir le tissu économique dans ses grandes largeurs car il sera impératif que le rebond arrive le plus vite possible. Nous avons besoin de fournisseurs, de clients industriels, des sous-traitants et des sur-traitants », souligne le patron du Medef Grand Est, qui insiste aussi sur les manques en matières premières qui commencent à se faire ressentir.

Au sujet de certains conflits naissants entre syndicats et patronat dans certaines entreprises qui souhaitent faire redémarrer leur activité, « nous avons l’obligation de gérer une crise, nos entreprises et l’emploi de nos salariés », rappelle Paul Henry, président de l’U2P Grand Est. « Les conflits locaux doivent passer au second plan. Le pays tourne au ralenti, il faut que chacun retrouve ses marques ».

Pour Alain Kauffmann président de la CFTC Grand Est, les organisations ont entre leurs mains une grande responsabilité, « il y a eu un avant Covid-19 et il y aura un après. Et c’est dans l’après que tout le monde nous attend ».