Occitanum : le défi de l’agriculture de demain

Le projet Occitanum, qui implique usagers, chercheurs, entreprises AgTech et acteurs du territoire, a été officiellement lancé le 6 octobre. Il vise à redorer l’image de l’agriculture et répondre aux différents enjeux des filières notamment via le numérique.

Le numérique est-il en passe de devenir le nouvel eldorado du secteur agricole ? C’est ce que semble démontrer le projet de living-lab Occitanum, qui a pour mission d’accélérer la transformation agro-écologique de l’agriculture et de l’alimentation en région via le numérique, par une démarche originale d’innovation ouverte, en partant du terrain, à contre-sens des pratiques habituelles. Cette initiative novatrice sur le territoire européen, annoncée depuis 2018 et lauréate du dispositif « Terre d’Innovation », a été lancée officiellement le 6 octobre après quatre mois de maturation à Montpellier. Lors de la conférence de presse, Guillaume Boudy, Secrétaire général pour l’Investissement a évoqué un « démonstrateur de conditions réelles afin de tester des innovations souvent de rupture, un enjeu crucial pour développer un nouvel écosystème » et ainsi créer une économie agricole plus verte. Pour ce faire, le projet repose sur un maillage territorial de 46 partenaires régionaux, dont huit organismes fondateurs, le tout chapeauté par l’Institut national de la recherche agronomique (Inrae), qui planche sur des solutions numériques dans le domaine agricole. « Depuis 2015, nous discutons avec des acteurs canadiens qui ont développé cette démarche de living-lab, et étions d’ailleurs intégrés dans le plan agriculture innovation 2025. Cela a porté ses fruits. Nous avons été sollicités suite à différentes demandes émanant des chambres d’agriculture, préfectures, etc. et ces dernières ont matché avec des questions que nous nous posions sur une nouvelle manière de penser l’innovation mêlant interdisciplinarité, et acteurs différents, savoirs profanes, etc., explique Véronique Bellon-Maurel, coordinatrice d’Occitanum et directrice de l’Institut convergences agriculture numérique.

En effet, l’institut DigitAg a la particularité de plancher sur des sujets émergents et interdisciplinaires permettant de coupler les sciences numériques et les sciences humaines et sociales. « Occitanum est un pas de plus ».

RETERRITORIALISER

En clair, ce projet hors norme, qui implique entreprises AgTech ( qui utilisent des technologies dans le monde agricole ), usagers chercheurs, et acteurs du territoire bâti sur huit ans, vise à donner une nouvelle dynamique à l’agriculture française. L’objectif d’Occitanum est notamment d’apporter de nouveaux modèles agro-écologiques dans les exploitations agricoles occitanes pour reterritorialiser les productions et assurer une souveraineté alimentaire ; augmenter les revenus agricoles et favoriser l’alimentation de proximité en répondant aux demandes des consommateurs et enfin retrouver une notoriété en s’appuyant sur un réseau d’entreprises de l’AgTech.

SEPT OPEN LABS, 13 SITES

Au cœur de ce projet ambitieux dont le budget atteint 90 M€, s’intègrent sept open labs thématiques, à savoir des territoires pilotes d’expérimentation et de démonstration représentatifs des enjeux des filières agricoles majeures de la région, répartis sur 13 sites (2 M€ sont dédiés à leur fonctionnement). En Haute-Garonne, les enjeux portent notamment sur l’alimentation de proximité et le développement d’une logistique plus durable, l’apiculture (sur le site du Sicoval) et le maraîchage, notamment sur la communauté d’agglomération du Muretain , où l’objectif est d’aider les agriculteurs à augmenter leur volume pour fournir la restauration collective. Du côté de Montpellier, Occitanum vise à réduire les intrants en zone viticole et à aider les agriculteurs les moins technophiles à envisager l’utilisation d’outils numériques pour répondre à différentes problématiques et faciliter leur quotidien. Il s’agit par exemple de favoriser le rendement des surfaces et le bien-être animal par la robotique, aller vers des cultures mixtes, détecter des dysfonctionnements, garantir une traçabilité des pratiques d’élevage et mieux les communiquer au consommateur, etc. De fait, comme le résume Véronique Bellon-Maurel : « Le plus grand des challenges réside dans l’accompagnement des agriculteurs. Nous devons lever les inquiétudes et les aider à se projeter dans une transformation. D’ailleurs, le dispositif Mobilab consiste à transposer les technologies sur le terrain pour des démonstrations en situation réelle », souligne la coordinatrice d’Occitanum.

Le cœur du projet est ainsi de faire remonter l’ensemble des besoins propres à chaque filière, et de faire émerger des appels à manifestions d’intérêt (AMI) gérés notamment par le pôle de compétitivité Agri Sud-Ouest Innovation. Les premiers seront d’ailleurs lancés en fin d’année.

En marge, le Core, une organisation transversale, animée par l’Inrae, entend capitaliser les retours d’expérience issus de ces projets innovants. « Notre rôle est de mettre en place des projets innovants afin de tester les outils et d’évaluer les technologies dans diverses dimensions avec un protocole d’évaluation qui qualifie la performance technologique, environnementale, économique, et la valeur d’usage. L’objectif est de collecter un maximum de données scientifiques. L’évaluation des outils est gérée par nos services, les données par l’Acta – Les instituts techniques agricoles, etc. En parallèle, nous gérons la mise en place des nouvelles pratiques pour assurer au mieux cette transition. La robotique, par exemple, est souvent montrée du doigt mais elle aide les agriculteurs à se décharger des tâches fastidieuses. Aujourd’hui, le métier d’agriculteur doit évoluer vers des tâches à valeur ajoutée », conclut-elle. Surtout dans une région qui compte 3,5 millions d’hectares de surfaces agricoles, 140 000 actifs, 7000 entreprises agroalimentaires… et se positionne comme le premier vignoble européen, la deuxième région agricole de France et la première surface certifiée bio. De nombreux atouts qui imposent tout autant de défis dont principalement réduire l’empreinte environnementale et s’adapter au changement climatique.

L’Occitanie qui a engagé 1 M€ dans le projet, espère devenir leader de l’agriculture et de l’alimentation de demain dans une approche d’innovation ouverte et ainsi inspirer d’autres territoires.