Nouvelles règles de protection des lanceurs d’alerte

Réunis à Luxembourg, au sein du Conseil européen, les ministres de la Justice de l’Union européenne ont adopté de nouvelles règles permettant de renforcer la protection des lanceurs d’alerte, qui pourront jouer leur rôle sans crainte de représailles. Cette directive, qui doit être transposée par les États membres dans leur droit national d’ici à deux ans, constitue une avancée majeure pour mieux protéger ceux qui avertissent l’opinion publique d’un scandale financier, sanitaire ou environnemental. Au sein de l’Union européenne actuellement, les lanceurs d’alerte européens sont protégés de façon très inégale. Seuls 10 pays, dont la France, l’Italie, le Royaume-Uni ou les Pays-Bas offrent une protection juridique complète. Au niveau de l’Union européenne, ils n’étaient protégés que dans un nombre limité de domaines, essentiellement celui des services financiers.

Désormais, leur protection juridique est élargie et couvre un large éventail de secteurs, notamment les marchés publics, les services financiers, le blanchiment de capitaux, la sécurité des produits et des transports, la sûreté nucléaire, la santé publique, la protection des consommateurs et la protection des données. Panama Papers, Cambridge Analytica, LuxLeaks, Dieselgate, une série de scandales ont été dévoilés par ces lanceurs d’alerte, soucieux de mettre au jour un délit ou une menace pour l’intérêt général. Le rôle des « whistleblowers » est à nouveau au cœur de l’actualité aux États-Unis, où un deuxième lanceur d’alerte vient de sortir du silence pour livrer des informations sur l’affaire ukrainienne à l’origine d’une procédure de destitution contre Donald Trump.

Certaines de ces personnes ont dû ensuite faire face à des pressions, voire à des poursuites en justice, comme Antoine Deltour, qui avait transmis avec un ex- collègue les documents à l’origine de l’affaire d’optimisation fiscale « LuxLeaks ». Selon la ministre finlandaise de la Justice, Anna-Maja Henriksson, dont le pays assure actuellement la présidence de l’Union européenne, « personne ne devrait risquer sa réputation ou son emploi pour avoir dénoncé des comportements illégaux ».

La nouvelle directive prévoit l’obligation de mettre en place des canaux de signalement efficaces dans les entreprises de plus de
50 employés ou les villes de plus de 10 000 habitants. Pour leur protection les lanceurs d’alerte sont encouragés à utiliser en premier lieu les canaux internes à leur organisation, mais ne perdront pas la protection dont ils bénéficient s’ils décident de recourir en premier lieu à des canaux externes.

Les nouvelles règles obligent les autorités et les entreprises à réagir aux rapports des lanceurs d’alerte, ainsi que d’y donner suite dans un délai de trois mois, et prévoient la protection des personnes qui aident ces lanceurs d’alerte. Selon le Conseil européen, la directive européenne vise à mieux protéger les lanceurs d’alerte contre les représailles, telles que la suspension, la rétrogradation ou l’intimidation. Outre leur utilité démocratique, la protection des lanceurs d’alerte est aussi à visée financière, relève le Conseil européen, rappelant qu’une étude de 2017 avait chiffré la perte de bénéfices potentiels due à l’absence de protection des lanceurs d’alerte entre 5,8 et 9,6 Mds€par an pour l’ensemble de l’Union européenne dans le seul domaine des marchés publics.