Loi Egalim : les agriculteurs demandent des comptes

La FDSEA et les Jeunes Agriculteurs de la Marne demandent que l’aval des filières accepte de rémunérer les éleveurs à hauteur de leurs coûts de revient afin qu’ils puissent vivre de leur métier. 

Alors que les négociations commerciales annuelles entre industriels et distributeurs doivent être bouclées au 1er mars prochain, les agriculteurs haussent le ton. En cause selon eux, le non-respect de la Loi Egalim par l’ensemble de la filière de la distribution, industriels et GMS (grandes et moyennes surfaces). « Au niveau de l’interprofession, nous avons validé des prix de production et nous avons fixé un objectif de contractualisation à hauteur de 40% de la production avec la grande distribution », rappelle Laurent Champenois, éleveur bovin à Merlaut (Marne) et secrétaire général de la FDSEA 51 en charge de la filière bovine. « Mais aujourd’hui, seulement 3% de la production est valorisée à hauteur de ce coût de production ». 

VARIABLE D’AJUSTEMENT 

« Ce modèle détruit la chaîne de valeur de notre filière agricole car on ne dégage plus de revenus », précise Laurent Champenois qui déplore que la loi Egalim n’ait pas prévu de sanction en cas de non-respect de ces objectifs par les acteurs aval de la filière. 

Pour les agriculteurs, les distributeurs se réfugient derrière le pouvoir d’achat des Français pour refuser d’augmenter les prix du lait ou de la viande. « Aujourd’hui, la variable d’ajustement c’est le producteur », regrette Stéphane Minjeau, éleveur laitier à Vitry-en-Perthois, à la tête d’une exploitation d’une centaine de vaches, soit d’une production annuelle de 800 000 litres de lait. « Tout le monde veut faire sa marge sur le dos des producteurs », déplore-t-il. « On a de moins en moins d’éleveurs en France aujourd’hui. Et si on continue comme ça on n’en aura bientôt plus du tout, on finira par importer du lait et des produits laitiers de l’étranger et on ne saura plus ce que l’on mange », avertit-il. Un avis partagé par Laurent Champenois qui ajoute : « Pour- tant nous avons bien constaté pendant la crise du Covid que l’agriculture était essentielle pour notre pays et pour les Français »

Pour les éleveurs laitiers, la Loi Egalim n’est tout simplement pas respectée et la valeur créée tout au long de la chaine aval n’est pas partagée en amont. « Nous sommes payés 350 euros pour 1000 litres de lait alors qu’on devrait toucher 380 euros minimum pour vivre de notre métier ». Une somme qui pourrait être atteinte en augmentant de 5% (soit 1 centime seulement) le prix du yaourt et 4 centimes sur la brique de lait, par exemple. Des augmentations quasiment indolores pour le consommateur qui permettraient de répercuter 30 euros au producteur. À condition bien entendu que le ruissellement espéré lors de la rédaction de la Loi Egalim parvienne jusqu’au producteur. « Notre filière est le seul secteur d’activité où on démarre depuis le prix d’achat du consommateur final pour remonter jusqu’au producteur, alors que l’on devrait faire l’inverse et partir du coût de production pour établir le prix final ! », lance Laurent Champenois. 

RÉPARTIR LA VALEUR 

Pour les agriculteurs, il s’agit d’être rémunérés au juste prix, face à l’augmentation régulière des coûts de l’alimentation des animaux qui n’en finit pas de faire s’envoler leurs coûts de production. Pour Stéphane Minjeau, dont l’exploitation compte 125 hectares, l’augmentation des prix des céréales qu’il vendra ne compensera pas le coût d’achat de ceux qu’il achète pour nourrir ses vaches. 

S’appuyant sur des chiffres INSEE et France Agrimer, Laurent Champenois insiste : « En 24 ans, les prix payés aux producteurs de viande bovine ont progressé de 24% tandis que les charges pesant sur les élevages ont progressé de 55% et les prix à la consommation ont eux, augmenté de 74% ! » 

Les agriculteurs demandent aussi la tenue de négociations tripartites, pour que soient réunis autour de la table à leurs côtés les industriels et les distributeurs. 

Une bonne manière selon eux de pouvoir établir la véritable répartition de la valeur tout au long de la chaine. « Nous savons qu’il y a de la valeur et c’est bien normal mais désormais il faut la répartir différemment », souligne Laurent Champenois. 

Revenus : pour la FDSEA le compte n’y est pas

Selon la FDSEA de la Marne, si la Loi Egalim a fixé des « principes et des objectifs intéressants », celle-ci ne serait pas respectée par les acteurs, ni contrôlée par les autorités.
Ainsi, dans la filière bovine, le revenu annuel des éleveurs allaitants est de moins de 8 000 € en 2020, estime la FDSEA. La vache à viande affiche un prix à 3,99 €/kg, ce qui, frais d’approche déduits, donne un prix payé au producteur de 3,85 €/kg alors que le coût réel de production est de 4,91 €/kg. « Il manque 1,05 /kg à l’éleveur pour qu’il puisse vivre correctement de son métier », précise la FDSEA. 

Dans la filière lait, si la loi Egalim a permis une augmentation moyenne de 10 €/1000L de lait en 2019 pour les producteurs, cette première revalorisation a été stoppée en 2020 « sans aucune raison économique avérée ». 

Le coût des aliments qui a augmenté dans la filière porcine pèse sur l’indicateur de coût de revient du kg de porc qui est lui, passé à 1,54 euro. « En parallèle, le cours du porc au cadran a chuté pour atteindre 1, 20 euro. Les coûts de production ne sont donc pas couverts et la situation des éleveurs va vite devenir difficile si les prix ne remontent pas ».