Le Medef pour une « relance durable »

Le Medef fait un état des lieux de l’activité post-Covid et fait des propositions pour que la reprise se fasse dans les meilleures conditions pour les entreprises comme pour les salariés.

Alors que les entreprises de la plupart des secteurs d’activité ont repris depuis plusieurs semaines déjà, le Medef Marne fait ses comptes et prépare activement la suite, pour limiter la casse dans un premier temps et mieux reprendre ensuite. Pour les patrons marnais, il s’agit avant tout de regarder lucidement ce qui a fonctionné ou pas, afin de tirer les leçons de la crise et surtout, ne pas commettre à nouveau les erreurs du passé.

Pour Rodolphe Lefevre, vice-président du Medef Marne et président de la Fédération Française du Bâtiment 51 il s’agit de garder en mémoire les crises précédentes, notamment celles de 1993 et de 2008. « Nous disons aux entreprises du bâtiment de ne pas faire les mêmes erreurs. Le plan de relance de Sarkozy a plutôt bien fonctionné en 2008 et les bailleurs avaient aussi joué le jeu en rachetant des promotions aux promoteurs privés. Mais pendant ces périodes, si nous n’avons pas licencié, nous n’avons pas recruté non plus et avons arrêté l’apprentissage pour nous concentrer sur nos effectifs. Cela a été un frein pour le développement de nos boîtes ces dernières années. Cette fois nous ne savons pas combien de temps va durer la crise mais l’horizon sera forcément meilleur et il faudra être prêts au moment de la reprise. Donc, recrutons et poursuivons l’apprentissage pour promouvoir les talents de demain ».

Les travaux publics eux aussi ont été fortement impactés et la plupart des entreprises ont été à l’arrêt pendant plusieurs semaines. « Aujourd’hui la commande publique s’est complètement effondrée, avec une chute drastique des appels d’offres de l’ordre de 50%. Nous attendons une politique forte de soutien via l’investissement local, des communes, des intercommunalités, Départements, Régions, l’Etat, pour préserver notre secteur », précise Laurent Malolepsza, représentant de la FRTP qui rappelle que la commande publique représente entre 75 et 80% de l’activité des travaux publics. « De plus, les trois-quarts des marchés privés ont été repoussés ou annulés, ce qui a un effet dramatique et provoque de grandes difficultés à occuper nos équipes ».

L’IMPACT DU CHAMPAGNE

Si les entreprises de TP ne font plus appel à l’activité partielle, elles redoutent que la situation actuelle ne dure trop longtemps. « Nos carnets de commandes sont de quelques semaines alors que nous avons habituellement une visibilité à 6 ou 8 mois », note Laurent Malolepsza, qui rappelle que les entreprises de travaux publics continuent à prendre des apprentis.

Dans le Champagne, la forte baisse des expéditions du début d’année fait craindre aux professionnels une perte de revenus de l’ordre de 30 % sur au moins trois ans pour l’ensemble de la filière, vignerons et maisons. « Nous étions déjà en surstock avant le Covid et aujourd’hui on estime que les ventes seront impactées à hauteur de -30% et comprises entre 192 et 220 millions de bouteilles », précise Alain Sacy, dirigeant de la maison éponyme et vice-président du Medef. Dans l’économie champenoise, les difficultés financières arriveront plus tard, les vignerons étant payés aujourd’hui de la vendange précédente.

Par conséquent, la baisse programmée de l’appellation 2020 interférera sur les revenus du vignoble en 2021. « Les metteurs en marché sont impactés aujourd’hui. Le vignoble est actuellement payé sur la vendange 2019, il sera donc plutôt impacté après, en 2021 », rappelle Alain Sacy, qui précise que l’appellation sera nécessairement revue à la baisse pour le maintien des équilibres champenois. « Il faut savoir qu’une appellation basse maintiendra la valeur du foncier, celle des raisins, le prix des bouteilles et l’image de la Champagne ».

Si l’activité de la majeure partie des spiritueux a repris son cours, celle du champagne est encore à l’arrêt, en raison essentiellement de son image de vin de fête, mais aussi de l’arrêt de l’hôtellerie, de la restauration, de l’aviation, des retails dans les aéroports et du tourisme en général. Outre un impact sur la filière champenoise, ces prévisions pourraient avoir des conséquences sur les autres filières locales (travaux publics et bâtiment, par exemple), dont les marchés privés dépendent fortement du champagne.

UNE FEUILLE DE ROUTE À SUIVRE

« Le télétravail aura sans doute une incidence sur l’immobilier de bureaux, explique Fabien Petit , spécialiste de la gestion de patrimoine. Certaines entreprises réfléchissent à diminuer de plus d’un tiers leurs surfaces de location. Il risque d’y avoir un écroulement du marché locatif immobilier de bureaux ». Le secteur de l’investissement craint donc un impact sur les portefeuilles pour l’année 2021, avec pour conséquence une baisse de revenus des entreprises de gestion de patrimoine.

Christian Brethon, président du Medef Marne et président de l’UIMM, rappelle que lors du confinement, l’industrie a globalement davantage continué à travailler que d’autres secteurs d’activité. « Il ne faut pas qu’on perde les compétences dans les entreprises. On les a perdues en 2008 et on l’a payé à la fin des années 2010. C’est pour cela que l’on propose un dispositif qui permet de maintenir l’emploi et les gens dans l’entreprise sur des baisses d’activité jusqu’à 40% d’activité ». Pour le président du Medef, les entreprises ont besoin aujourd’hui d’« une feuille de route globale ». Car si les entreprises travaillent et et ont de la trésorerie, les carnets de commande sont vides. « Il n’y aura pas de souci d’ici à la rentrée, mais si on n’a pas de plan en septembre… », prévient Christian Brethon.

Pour le Medef, les plans d’action doivent être discutés branche par branche mais ne doivent pas céder la place à la « surréactivité », qui dans le cadre de la réindustrialisation peut amener à réaliser des investissements hâtifs sans garantie de marchés pérennes.« Relocaliser, d’accord mais dans quelles conditions ? » alerte Christian Brethon.

Les patrons marnais, comme au plan national, appellent donc de leurs voeux une « relance durable » basée dans un premier temps sur une relance de la consommation, une consolidation de la trésorerie et des fonds propres des entreprises et une reconstruction axée sur une politique de l’offre coordonnée au niveau européen. Le Medef alerte également sur les écueils du télétravail généralisé, prônant la mesure et le cas par cas et demande instamment la mise en place d’un plan de soutien à l’apprentissage.

À court terme, alors que l’activité reprend à peine et que de nombreuses entreprises vont devoir rattraper entre deux et trois mois de mise à l’arrêt forcé, le Medef pose la question : « La France peut-elle se permettre de s’arrêter en août ? ».