Le gouvernement décrète « l’état d’urgence pour sauver l’industrie aéronautique »

Le ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, a présenté le 9 juin le plan de soutien à la filière.

Préservation de l’emploi et des compétences, transformation des PME et ETI de la filière, décarbonation : les trois axes du plan de soutien à l’aéronautique présenté par le ministre de l’Économie et de Finances, le 9 juin, doivent permettre à la filière d’affronter la pire crise de son histoire. Le montant de ce plan, 15 Mds€, intègre l’aide apportée par l’État à Air France, qui représente à elle seule 7 Mds€.

Sur les 8 Mds€, plus directement fléchés vers l’industrie aéronautique, les mesures annoncées prennent la forme de garanties à l’export publiques et de moratoires sur les remboursements de crédit des compagnies aériennes, ceci en vue d’éviter l’annulation de commandes et de soutenir la prise de nouvelles commandes d’avions. L’État prévoit également d’anticiper la commande de nouveaux appareils (avions, hélicoptères et drones militaires) pour un montant évalué à 832 M€

DE NOUVEAUX INSTRUMENTS FINANCIERS POUR RESTRUCTURER LA FILIÈRE

Le second volet du plan de relance du secteur aéronautique entérine la création d’un fonds d’investissement doté à terme d’1 Md€ et d’un fonds d’accompagnement de 300 M€ sur trois qui visent l’un et l’autre à accélérer la transformation des PME et ETI. Le fonds d’investissement en fonds propres sera doté cet été d’une enveloppe de 500 M€ financée à hauteur de 200 M€ par l’État et de 200 M€ par les quatre grands donneurs d’ordre : Airbus (116 M€), Safran (58 M€), Thales et Dassault (13 M€ chacun). Ce nouvel instrument financier vise à « renforcer » et « accompagner » les PME et ETI de la filière via des opérations de « fusion, acquisition, réorganisation, ou refinancement et restructuration de bilan. »

Le second fonds, abondé par l’État seul, vise à accompagner la numérisation ou la robotisation des PME et ETI de la filière comme leur diversification.

Le dernier volet de ce plan de soutien concerne la R & D, l’objectif étant d’accélérer le développement d’un avion décarboné à l’horizon de 2035. Pour financer ces efforts, l’État compte doter le Conseil pour la recherche aéronautique civile (Corac) d’un soutien renforcé à hauteur de 1,5 Md€ sur trois ans. Mais dès cette année, une enveloppe de 300 M€ devrait être mobilisée pour amorcer les travaux dans les domaines de la propulsion à l’hydrogène, l’hybridation électrique de la propulsion, le moteur ultrasobre ou encore l’optimisation de la forme des aéronefs.

PRÊTS DE PERSONNELS, CHARGE DES STOCKS

En marge de ces annonces, d’autres mesures, très attendues par les PME et ETI de la filière, sont encore en cours de négociation entre ministère du Travail et partenaires sociaux. Elles concernent notamment la création d’un nouveau régime d’activité partielle de longue durée qui doit permettre notamment à la filière aéronautique d’encaisser les nombreux mois de sous-activité annoncés, un retour à la normale du trafic aérien n’étant pas attendu avant deux à trois ans. Ce nouveau régime devrait entrer en application début juillet et doit permettre de préserver les savoir-faire essentiels de la filière.

L’État entend également, via la création d’un cadre juridique adapté, favoriser le maintien en emploi en permettant aux salariés de la filière en sous-activité de travailler temporairement dans des entreprises exprimant des besoins de compétences. L’ambition de ce dispositif est notamment de permettre à des PME en transformation de recourir à coût abordable aux compétences pointues de salariés de grands donneurs d’ordres qui ne seraient pas occupés à 100 % dans la période.

Un groupe de travail réunissant les donneurs d’ordre, les sous-traitants et le milieu bancaire doit également voir le jour. Il sera chargé d’examiner de quelle manière la charge des importants stocks de matières et de pièces résultant, chez beaucoup de fournisseurs de la filière, des baisses de cadence, stocks qui pèsent significativement sur leur trésorerie, peut être répartie au mieux entre les différents acteurs.

RÉACTIONS MITIGÉES

À l’annonce de ce plan, les élus et responsables économiques de la Région ont réagi de manière mesurée. Carole Delga, présidente de la Région Occitanie, « plaide notamment pour que l’engagement pris en faveur de la R&D concerne à la fois les grands donneurs d’ordre et qu’une partie des financements soient dédiés aux PME et ETI ». De son côté, le président de la Chambre de commerce et d’industrie de région, Alain Di Crescenzo, estime qu’il faudra « redimensionner certains points » de ce plan. « Ainsi, pour le volet emploi, il faudra aller au-delà des deux ans de chômage partiel car le retour à la normale n’aura hélas sans doute pas lieu avant 2023. Pour le volet transformation des entreprises et malgré les efforts, les enveloppes restent limitées et elles devront être réabondées par des fonds complémentaires pour atteindre ces objectifs ».

Pour conforter ce plan, l’un et l’autre rappellent la démarche entreprise par une quarantaine de collectivités, auprès de Guillaume Faury, président d’Airbus, pour que soit confirmée l’installation d’une nouvelle chaîne d’assemblage de l’A321XLR à Toulouse, telle qu’annoncée par le dirigeant en janvier, et son lancement dans les meilleurs délais.