Le difficile déploiement du virement instantané en Europe

À la fin de l’année 2018, les banques européennes ont commencé à proposer à leurs clients un nouveau moyen de paiement : le virement instantané. Contrairement au virement traditionnel, qui nécessite un délai de vingt-quatre à soixante-douze heures pour que les fonds passent d’un compte à l’autre, le paiement instantané s’effectue en moins de dix secondes, vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept. Le titulaire d’un compte bancaire peut l’utiliser pour payer de particulier à particulier, rembourser un proche, régler ses achats ou envoyer de l’argent en urgence. Ce paiement fonctionne en France comme en Europe au sein de l’espace unique des paiements en euros (zone SEPA).
Or, plus de deux ans après son lancement, on constate que ce service est peu employé. La Banque centrale européenne (BCE) avait initialement estimé que 23 % des transactions réalisées par virements, prélèvements, chèques ou cartes bancaire en zone euro pourraient être effectuées en paiement instantané d’ici à 2023. Mais selon la Fédération française des banques (FBF), ce type de transaction n’a représenté qu’environ 1 % des virements en France au cours de l’année 2020.

La Banque centrale européenne estime avoir rempli sa part de contrat en ouvrant ses gros tuyaux au paiement de détail, et en offrant un service bon marché aux banques, facturé 0,002 euro par transaction instantanée alors que les paiements instantanés sont parfois proposés par les banques aux consommateurs pour un euro par transaction.

En France, plusieurs établissements facturent en effet le service un euro (BNP Paribas, Caisse d’épargne, Banque Populaire, CIC, Société Générale). La Banque postale, elle, propose un meilleur tarif (0,80 et 0,70 euro). Quant au Crédit agricole neuf caisses régionales sur trente-neuf proposent gratuitement, et les autres le facturent jusqu’à un euro.

Pour la Banque centrale européenne, l’affaire est d’importance car elle a poussé à la mise en place du virement instantané et transfrontière après avoir pris conscience que le paiement était devenu un enjeu de souveraineté pour l’Europe, face à la toute- puissance des réseaux américains Visa et MasterCard et face à l’appétit des GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) pour le secteur.