KIOS, nouvelle arme anti-incendie

L’IMFT et TTT collaborent à un projet de R&D qui vise à transformer d’anciens gros porteurs en bombardiers d’eau.

Près de 350 millions d’hectares de végétaux sont détruits chaque année par le feu. Un triste bilan que le réchauffement climatique ne va pas améliorer. Pour lutter plus efficacement contre ces incendies ravageurs, des responsables de la sécurité civile et des scientifiques cherchent des solutions. L’une d’elles pourrait provenir de l’Hexagone où David Joubert, pilote de ligne dans une grande compagnie nationale, a créé il y a huit ans l’entreprise Kepplair Évolution. Son ambition est de transformer un avion de ligne de type A310 en appareil multifonctions au service de la protection civile des pays de l’Union européenne. Rapatriements sanitaires, transports de fret et surtout lutte contre les incendies en appui des moyens traditionnels utilisés comme les canadairs, telles sont les missions visées.

Et pour transformer ce biréacteur long-courrier en bombardier d’eau capable d’embarquer jusqu’à 40 000 litres de produits retardants, David Joubert s’est adjoint les compétences d’un spécialiste de la mécanique des fluides, Dominique Legendre, professeur d’université et chercheur à l’Institut de mécanique des fluides de Toulouse (IMFT). Lequel a, par le passé, travaillé sur les données de l’USDA Forest Service en Californie pour modéliser les taux de couverture au sol des largages opérés par de gros-porteurs de type B747 et DC10, deux appareils déjà utilisés outre-Atlantique dans la lutte contre les incendies. Ces travaux ont permis à Dominique Legendre de développer Nasca, un logiciel capable de prédire l’empreinte au sol des fluides déversés à plusieurs dizaines de mètres d’altitude.

Restait à concevoir un système de largage plus performant que ceux déjà mis en œuvre – qui en fonction de la technologie utilisée, produisent des empreintes au sol irrégulières ou bien provoquent une très forte dispersion des fluides, rendant le largage moins efficace –, et « suffisamment générique pour s’adapter à différents modèles d’avion ».

Les premiers travaux, sur les caractéristiques du réservoir, menés par l’IMFT, avec la collaboration des équipes de Toulouse Tech Transfer ( TTT), ont été validés grâce au développement d’un prototype à l’échelle un tiers et ont abouti au dépôt d’un brevet, sous le nom de KIOS.

RECYCLAGE

Une seconde phase du pr jet démarre maintenant avec l’objectif de réunir différents partenaires industriels en vue « d’intégrer dans un avion un réservoir à l’échelle 1 et démontrer ainsi ses performances opérationnelles », avant l’obtention des certifications. Pour réduire les coûts du passage à l’échelle réelle, l’équipe de Kepplair Évolution entend se tourner vers un avion en fin de parcours. Car à travers le projet initié par David Joubert, l’objectif est aussi de donner une seconde vie à des avions de ligne mis au rebut. « De nombreux avions vont être détruits même s’ils sont en très bon état, car les conserver ainsi coûte beaucoup plus cher que de les faire détruire, ajoute Dominique Legendre. Or certains de ces avions qui peuvent encore voler 10 ou 15 ans vont malheureusement être détruits alors qu’ils pourraient être transformés en bombardiers d’eau de grande taille ». Des échanges ont déjà eu lieu avec Tarmac Aerosave à Tarbes.

Hasard du calendrier, l’Union européenne, dans le cadre du programme H2020, va lancer en septembre un appel à projets (AAP) en vue de développer des solutions pour prévenir et lutter contre les mégafeux. Dans le cadre de cet AAP dénommé Green Deal, de gros moyens pourraient être alloués, de l’ordre de 15 à 20 M€, pour financer des projets d’avions multirôles bombardiers d’eau. « Notre prochaine étape est de préparer un dossier pour répondre à cet AAP afin d’obtenir un financement et ainsi poursuivre nos travaux », confirme Dominique Legendre. En parallèle, Kepplair Évolution veut aussi solliciter des partenaires locaux dont la Région pour le volet financier, et la Sécurité civile dont la base est désormais située à Nîmes-Garon, pour le volet scientifique car affirme le chercheur
toulousain, « l’objectif est également, à travers ce projet, de développer un pôle d’excellence ».