Expéditions et CHR à l’arrêt, le champagne fait le dos rond

Face à une baisse d’activité sans précédent, les Maisons de Champagne et les syndicats ont mis en place des accords pour limiter le recours à l’activité partielle.

Dès les premières heures du confinement, l’interprofession champenoise a fait

savoir que les vignerons comme les Maisons poursuivaient leurs activités identifiées comme « indispensables à la sécurisation de la prochaine vendange sans laquelle il n’y aurait évidemment aucune perspective de reprise ».

Et ce, dans le respect des mesures « barrière ».

La plupart des Maisons ont ainsi continué à travailler « de manière dégradée », maintenant uniquement les travaux de la vigne et les opérations de tirage en cave. L’activité partielle a été mise en place mais dans une moindre mesure que dans d’autres secteurs d’activités, à la faveur de plusieurs accords passés entre l’Union des Maisons de Champagne (UMC) et les syndicats. « Nous avons proposé aux syndicats un accord sur la modulation du temps de travail », explique David Chatillon, Directeur général de l’UMC. Un accord qui permet aux salariés de continuer à être payés à 100% par les Maisons pendant des semaines non travaillées, puis de retrouver un plus gros volume d’heures lorsque l’activité reprendra. Signé par deux syndicats (CFE-CGC et FO), l’accord sur le chômage partiel est valable sauf dispositions contraires dans l’entreprise.

Un autre accord a été signé entre les Maisons et les syndicats, permettant à l’employeur d’imposer des congés aux salariés. Validé par deux syndicats (CFDT et CFE- CGC), il prévoit jusqu’à 6 jours de congés imposés. « Il nous semble qu’il s’agit de la responsabilité sociale de tout le monde de se mettre d’accord sur de telles mesures. Cela ne veut pas dire que nous n’aurons pas du tout recours à l’activité partielle, mais si cela doit arriver, nous aurons mis en œuvre tous les moyens possibles pour le retarder ».

Dans les Maisons, l’activité reprend progressivement au niveau du dégorgement et de l’habillage, mais les expéditions sont pratiquement à l’arrêt. « À l’export, la quasi-totalité de nos principaux marchés est touchée et en France les bars, hôtels et restaurants sont fermés », souligne David Chatillon.

LES VENDANGES AU COEUR DES INTERROGATIONS

En raison du confinement, la Grande Distribution reste le seul vecteur de vente accessible, avec certaines limites cependant : « La GD représente un tiers des ventes de champagne en France. Mais le champagne n’est évidemment pas le premier produit vers lequel se tournent les consommateurs en ce moment », constate David Chatillon. « En mars, la Grande Distribution a accusé un recul des ventes de -50% à -65% selon les semaines ».

Une chute de la consommation qui ne sera pas sans conséquences sur les stocks de bouteilles et donc sur les décisions à prendre par l’interprofession si la situation économique et sanitaire mondiale ne s’améliore pas. La perspective d’une baisse de rendement pour les prochaines vendanges n’est donc pas à exclure, d’autant que ces rendements sont chaque année déterminés début juillet en fonction de l’état des stocks, des ventes de l’année écoulée et des perspectives économiques de l’année à venir. « Les rendements seront déterminés en fonction de la situation économique du moment », insiste le Directeur général, soulignant l’importance que jouera l’état de la conjoncture fin juin- début juillet. « Il faudra trouver une solution qui permette à tous les opérateurs de survivre ».

L’interprofession multiplie actuellement les groupes de travail pour préparer les prochains mois. L’un d’entre eux, placé sous l’égide de la sous-préfète d’Epernay, est chargé de préparer les vendanges et les nombreux sujets qu’elles posent : transport, hébergement, recrutement, coût de la main d’œuvre… Un autre groupe de travail va quant à lui se constituer pour expertiser toutes les idées qui découleront des décisions vendanges. « Notre préoccupation est de savoir comment préserver la valeur créée depuis 10 ans et quels outils on met en place pour aider les opérateurs à passer la crise. Il faudra trouver des moyens innovants et extraordinaires ».

Aujourd’hui, les principaux acteurs touchés par la crise sanitaire sont clairement les expéditeurs, qu’ils soient vignerons, coopératives ou Maisons, ces dernières représentant 70% des expéditions.

Demain, notamment lors des vendanges, les livreurs de raisin seront eux aussi fortement touchés : « Il y a une certitude qui s’impose à tous les acteurs : il faudra bien partager l’effort. Les livreurs par exemple ne pourront pas continuer comme si de rien n’était et seront impactés. Il faudra qu’ils prennent eux aussi leur part de cette crise dans l’intérêt de tout le monde. Et l’intérêt des livreurs c’est aussi qu’il y ait des Maisons pour acheter le raisin ».