Défaut ou retard de paiement des loyers: nouvelles dispositions

Avec ses diverses mesures de fermeture administrative ou de limitation de l’accueil du public, la crise sanitaire a conduit les pouvoirs publics à mettre en place divers dispositifs visant à permettre aux entreprises d’échapper à la rigueur des contrats. En matière de baux commerciaux, trois régimes distincts se sont succédé pour protéger les entreprises locataires en neutralisant les sanctions prévues en cas de défaut ou retard de paiement (intérêt, astreintes, pénalités…) et en particulier la résolution du bail. La loi du 14 novembre 2020, prorogeant l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 16 février 2021, institue un troisième et nouveau régime. Aucune disposition ne dispense cependant le locataire de payer le loyer, lequel reste exigible.

DU 17 OCTOBRE 2020 AU 1ER JUIN 2021 — LOI 2020- 1379 DU 14 NOVEMBRE 2020

Le nouveau régime de protection des locataires commerciaux ne concerne que les entreprises dont l’activité économique a été affectée par une mesure de police administrative (fermeture, couvre-feu, interdiction ou réglementation de l’accueil du public). Il ne porte que sur les loyers des locaux dans lesquels l’activité est affectée par une mesure de police administrative.

D’autres conditions doivent également être respectées mais le décret devant les définir reste attendu (nombre de salariés, plafond de chiffre d’affaires, importance de la perte de chiffre d’affaires…). Pendant la période de protection (du 17 octobre 2020 au 1er juin 2021), les poursuites contre les locataires commerciaux sont suspendues. Le bailleur ne peut pas engager d’action ou de voie d’exécution forcée pour défaut ou retard de paiement des loyers ou charges locatives afférents aux locaux affectés par une mesure de police administrative. Pendant la même période, le bailleur ne peut pas mettre en œuvre les sûretés garantissant le paiement des loyers (cautionnement, gage, nantissement, garantie à première demande), ni pratiquer de mesure conservatoire (saisie, nantissement, hypothèque judiciaire conservatoire).

Les procédures d’exécution engagées par le bailleur avant le 17 octobre 2020 (saisie notamment) sont également suspendues jusqu’à la fin de la période de protection. En outre, le locataire ne peut se voir appliquer des intérêts, pénalités financières ou sanctions, pour défaut ou retard de paiement des loyers et charges. Il en est de même pour les cautions et garants (en revanche, aucune suspension des poursuites déjà engagées n’est prévue pour les cautions et garants). Enfin, toute clause prévoyant la résolution du bail pour défaut ou retard de paiement est réputée non écrite.

La protection s’applique à compter du 17 octobre 2020, et donc rétroactivement. Elle dure jusqu’au deuxième mois suivant la fin de la mesure de police administrative affectant l’entreprise. La loi 2020-856 du 9 juillet 2020 ayant prorogé jusqu’au 1er avril 2021 les pouvoirs exceptionnels de police sanitaire conférés aux préfets, la période de protection pourra s’étendre jusqu’au 1er juin 2021 inclus.

Selon les termes de la loi, la protection porte sur les « loyers et les charges locatives dus pour la période au cours de laquelle l’activité de l’entreprise est affectée par une mesure de police ». Il s’agit donc des loyers portant sur les périodes de fermeture administrative ou de limitation de l’accueil du public, quelle qu’en soit la date d’exigibilité. À l’inverse, la protection ne peut pas concerner un loyer exigible pendant la période de protection mais du pour une période antérieure à la mesure de police administrative, et en tout état de cause antérieure au 17 octobre 2020.

DU 12 MARS AU 11 SEPTEMBRE 2020 — ORDONNANCE 2020-316 DU 25 MARS 2020

Auparavant, jusqu’en septembre 2020, une protection particulière a été instaurée en faveur des seules entreprises susceptibles de bénéficier du fonds de solidarité (entreprises de moins de 10 salariés dont le chiffre d’affaires du dernier exercice est inférieur à 1 M€, etc.).

Pour les échéances intervenant entre le 12 mars 2020 et le 11 septembre 2020, le défaut de paiement des loyers ou des charges locatives n’a pu entraîner ni intérêts de retard ou pénalités financières, ni mise en jeu d’une clause résolutoire, ni recours aux cautions ou garanties. Le texte de l’ordonnance 2020-316 ne se réfère qu’à « l’échéance de paiement ». Celle-ci étant généralement trimestrielle et les loyers généralement payables à l’avance, la protection s’appliquait aux loyers des deuxième et troisième trimestres 2020. Cette protection des loyers dus pendant cette période est définitivement acquise à ces entreprises éligibles au fonds de solidarité. Aucun rappel d’intérêt ou de pénalité ne peut être effectué et aucune clause résolutoire ne peut jouer pour un défaut de paiement du loyer échu entre le 12 mars 2020 et le 11 septembre 2020.

DU 12 MARS AU 23 JUIN ORDONNANCE 2020-306 DU 25 MARS 2020

Pendant la période dite « juridiquement protégée », du 12 mars au 23 juin 2020, l’ordonnance 2020-306 a institué un report général des astreintes, clauses pénales et clauses résolutoires, sanctionnant l’inexécution d’une obligation dans un délai déterminé. Cette protection s’étendait aux baux commerciaux et concernait toutes les entreprises, notamment celles ne bénéficiant pas du fonds de solidarité et donc écartées du régime de l’ordonnance 2020-316. Le report, qui n’est pas une suppression, visait les astreintes et les clauses pénales sanctionnant l’inexécution d’une obligation contractuelle, notamment le paiement des loyers et charges. Les clauses résolutoires étaient également neutralisées pendant la période juridiquement protégée et reportées au 24 juin 2020.

Loi 2020-1379 du 14 novembre 2020.