Cession/reprise : un marché qui ne connaît pas (trop) la crise

Les Rencontres de France de la Transmission d’Entreprise faisaient étape à Reims en ce début décembre. Plus d’une trentaine de participants (en visioconférence) s’étaient connectés pour écouter les avis des experts intervenant sur le thème : « Ce que la Covid-19 va changer pour les cédants et les repreneurs ». 

Sous l’égide de Marc Chamorel, directeur de la rédaction de Reprendre & Transmettre magazine, Patrick Caudwell (ancien expert-comptable, délégué de l’association Cédants et Repreneurs d’Affaires), Philippe Houillon (PH Conseil), Hervé Antoine (avocat – cabinet SJFC) et Laurent Driutti (Optimeo) ont apporté leur vision des cessions/reprises d’entreprises dans les circonstances économiques troublées par la crise sanitaire. Premier constat, presque surprenant, le scénario catastrophe annoncé n’a pas eu lieu – en tout cas au plan régional – et le marché de la cession/reprise est resté très animé en 2020. Il faut sans doute noter une certaine contraction du volume des affaires à céder, dûe à l’attentisme des cédants (certains traversent la crise avec difficulté, d’autres en sortent renforcés selon les secteurs d’activité). Pour autant, les experts insistent sur le fait que « demain » ne sera pas forcément meilleur et se montrent plutôt inquiets quant aux défaillances qui risquent de se produite au cours du premier semestre 2021. Pour eux, il est temps de « prendre rendez-vous avec soi-même » pour voir si le moment ne serait pas venu de céder, quitte à consentir une petite baisse de valorisation – certains entrepreneurs ont déjà franchi le pas, usés par les difficultés et contraintes récurrentes (la pandémie n’étant qu’un élément déclencheur) – et considérant qu’il y a une vie après la Covid-19. 

Côté acquéreurs, il y a toujours un bel appétit de croissance externe, surtout de la part des groupes dont certains cherchent à reprendre des concurrents fragilisés. Pour autant, il ne s’agit pas d’achats d’aubaine, mais plutôt de la poursuite de visions stratégiques.

TRANSPARENCE ET MARCHÉ CACHÉ 

Pour les cédants qui souhaitent attendre la fin de la crise avant de mettre leur entreprise sur le marché, l’heure est peut-être propice à un bilan complet (comptable, juridique, patrimonial…), un diagnostic permettant de voir comment clients et fournisseurs ont traversé la crise, et quel impact cela a eu sur l’entreprise (les repreneurs seront avisés de s’y intéresser également), afin de travailler sur les points faibles, éventuellement de revoir le business model. 

Si la crise a fait bouger les lignes dans tous les domaines, il faut savoir faire en tout état de cause la différence entre le circonstanciel (la crise, juste- ment) et le structurel. Dès lors, l’exigence de la transparence est plus importante que jamais : la vente, c’est d’abord de la confiance (des deux côtés !). En ce sens, les experts soulignent la nécessité d’être accompagné par des spécialistes qui sauront faciliter les négociations. 

Phénomène nouveau, des repreneurs envisagent de procéder en « plusieurs étapes », en n’acquérant pas immédiatement la totalité de l’entreprise et en cherchant à travers un pacte d’associés un schéma gagnant/gagnant… au moins quand les choses se passent bien. Les experts notent également que le « marché caché » (celui des entreprises qui ne sont pas sur le marché) mérite toujours d’être exploré dans le cadre d’une approche directe. 

LE BANQUIER, TOUJOURS 

Quid, également, de la valorisation de l’entreprise, reflet de sa taille et de sa position sur son marché ? Celle-ci semble stable et se situe dans une fourchette entre 3 et 6 fois l’excédent brut d’exploitation (EBE) – mais chaque cas est unique, précisent les experts. 

Enfin, tout le monde s’accorde pour reconnaître que le « prix » de l’entreprise n’est finançable (pour l’acquéreur)… qu’avec l’accord du banquier! Banquier qui s’appuie aujourd’hui sur des ratios prudentiels plus exigeants, et des apports plus importants, d’au moins 35 %, voire davantage (d’où l’idée évoquée de recourir au crédit-vendeur). Il faut signaler aussi que 30 % des reprises s’effectuent « en interne », par des salariés de l’entreprise (quitte à s’associer avec un repreneur extérieur), cas de figure généralement propre à rassurer… le banquier.