Alsatis structure l’offre 5G pour les marchés verticaux

La pépite toulousaine Alsatis s’apprête à tester son projet de R&D, à hauteur de 6 M€, baptisé 5G Vertical ISS, au CHU de Toulouse.

La structuration des infrastructures de la 5G délie actuellement les langues. Si pour l’heure, seuls les mastodontes détiennent les précieuses fréquences de la bande 3,5 gigahertz, l’attribution des 26 gigahertz pour les industriels notamment n’est pas encore connue. Pour autant, des opérateurs alternatifs, tel que la start-up toulousaine Alsatis, devraient changer la donne. Et ce, sous l’impulsion du gouvernement, qui dans le cadre du plan France Relance, compte bien s’appuyer sur des pépites françaises pour retrouver une forme de souveraineté nationale dans le paysage des télécoms et accélérer les applications de la 5G dans les marchés verticaux, – comprenez les industriels, services régaliens de l’État, les établissements hospitaliers, etc. Ainsi, dans le cadre du 4e Programme d’investissement d’avenir, quatre projets lauréats ont été sélectionnés et bénéficieront au total d’une enveloppe de 27 M€.

Spécialisée dans le déploiement et l’exploitation de réseaux IP et de réseaux à partir de radio ainsi que le haut débit dans les zones dites blanches et grises depuis sa création en 2004, Alsatis sort de l’ombre avec notamment son projet baptisé 5G Vertical ISS. Ce dernier mobilise au total 6 M€ de R&D et sera en phase de test pendant 30 mois au CHU de Toulouse, le premier site pilote. « Ce projet, pour lequel nous investissons près de 1,4 M€, vise à concrétiser de nouveaux usages au bénéfice du monde médical et à répondre à l’ensemble de ses problématiques », explique Antoine Roussel directeur général d’Alsatis. L’objectif est ainsi de moderniser les infrastructures et toutes les briques technologiques déjà existantes comme le wifi, la fibre optique très haut débit, les systèmes radio, etc. « Ces technologies fonctionnent bien séparément mais elles ne convergent pas ensemble. Il ne s’agit pas de tout supprimer pour installer le réseau 5G mais de permettre une interopérabilité avec l’ensemble des usages et de compéter également les couvertures défaillantes. La 5G va créer une clé de voûte. In fine, nous prévoyons de géolocaliser les équipements ambulatoires et d’assurer la communication des données vitales des patients lors de leur transfert », détaille-t-il. La pépite toulousaine prend ainsi la tête d’un consortium qui réunit six entreprises dont Serma, AW2S, S3, Airmob, Halys et Telpass, et a pour ambition, outre la refonte globale du dispositif général de télécommunication des hôpitaux, d’apporter une valeur ajoutée avec la protection des données. « Il faut renforcer la sécurité pour contrer au maximum les cyberattaques, surtout suite aux événements récents. »

L’INDUSTRIE, L’AGRICULTURE ET L’IMMOBILIER EN VUE

À terme, d’autres secteurs d’activités, selon le directeur général, « auront besoin d’infrastructures souveraines et spécifiques. La technologie utilisée actuellement par les services de l’État, les industries, les compagnies aériennes, etc. n’a pas évolué avec la 3G ou la 4G. Aujourd’hui, il faut dépoussiérer ces services obsolètes. » La start-up garde ainsi dans le viseur les régies de transport et les régies publiques, les services de l’État, les sites industriels « comme le groupe Airbus avec lequel nous sommes en discussion et qui envisage de développer sa propre infrastructure », des promoteurs immobiliers qui ambitionnent de rendre leurs bâtiments intelligents, ou encore le secteur agricole. « L’idée est de démontrer que la 5G peut notamment servir à faire de l’agriculture durable. Nous allons mener une expérimentation avec Naïo Technologies (robotique) et nous sommes également en contact avec des producteurs de Cognac ». Si l’interopérabilité, la souveraineté et la sécurité sont au centre des enjeux d’Alsatis, d’autres problématiques restent à soulever : l’objectif des applications verticales est ainsi de garder des dispositifs de communication en marge des éventuelles pannes auxquelles peut être confronté le réseau grand public. Alsatis, qui affiche de grandes ambitions pour aider la filière alternative à grandir dans le système français, se heurte pour autant à une difficulté, le manque pour l’heure d’un cadre réglementaire. « La prochaine étape est de constituer un cadre réglementaire et économique adapté, mais pour ça, il nous faut des fréquences qui sont aujourd’hui davantage vendues aux grands opérateurs. Pour autant, ce n’est pas un obstacle définitif, assure-t-il. Des solutions existent. »

En parallèle de son projet phare, Alsatis est engagé dans un autre projet connexe, nommé Criiot, piloté par le groupe Sequans et également soutenu par l’État. « Il s’agit ici de tester le développement de tout type d’émetteur, comme les futurs composants de téléphone ou ceux de l’internet des objets (IoT) dans un environnement d’infrastructure 5G. C’est la couche d’avant. L’objectif est de contrôler l’ensemble de la chaîne de valeur ». Alsatis investit pour ce dernier 1,5 M€. Ces deux projets, qui se complètent, visent à mettre en lumière un savoir-faire français.

RUPTURE TECHNOLOGIQUE

Avec la 5G, les services de télécom s’apprêtent à entrer dans une toute autre dimension. Comme le dirigeant aime le marteler, « la 5G est un nouveau monde. Ce n’est pas juste une course au débit mais une mutation technologique sans précédent. » Contrairement à la 2G, 3G et 4G, la 5G représente ainsi une révolution dans les usages à tout niveau avec « des normes différentes et plus de virtualisation, même si nous craignons que ce dispositif creuse à nouveau une fracture numérique. Nous continuerons de trouver des solutions. »

Forte de 60 collaborateurs, la start-up qui a généré 13 M€ en 2020 soit une hausse de 18% par rapport à 2019 (11 M€), envisage de porter son équipe à 200 personnes et table sur 15 M€ en 2021. D’ici à l’horizon trois ans, elle espère atteindre 50 M€.