Décollage pour le tourisme spatial

La start-up planifie des tests à vocation industrielle tout au long de 2021.

La start-up Zephalto poursuit ses essais et son développement pour des premiers vols en 2024.

Si la course effrénée au tourisme spatial est lancée, la France conserve pour l’heure une longueur d’avance sur les Américains. En effet, la start-up Zephalto a déjà réalisé ses premiers vols d’essai tandis que la start-up californienne Space Perspective, qui travaille depuis 2012 sur des voyages en ballon, entre 25 et 35 km d’altitude, table sur un premier vol sans équipage cette année. Le rêve de voir la courbure de la Terre à l’œil nu et d’être plongé dans le noir opaque de l’espace devrait être possible en France dès 2024.

C’est l’objectif visé par la start-up héraultaise, qui a vu le jour en 2016 dans la commune du Pouget et développe un ballon stratosphérique nouvelle génération. Son fondateur ? Vincent Farret d’Astiès, ingénieur dans l’aéronautique et ancien contrôleur aérien, amateur de montgolfière, qui après plusieurs années de recherche, a imaginé un nouveau type de transport, baptisé Odysée 3000, suivi de l’actuel Odysée 8000, et concrétisé aux côtés de Guillaume Aldegheri, ingénieur, directeur général et entrepreneur né.

Après une première levée de fonds réalisée en 2017 auprès de business angels qui a permis de booster le développement du produit, en partenariat avec le Cnes, Advance Tracking qui a développé une solution permet- tant de suivre le ballon en vol et l’appui de l’Agence spatiale européenne, dans laquelle elle a été incubée, la pépite a validé sa première campagne d’essais en 2018 afin de tester son invention : un régulateur d’altitude breveté. « Le régulateur utilise l’énergie solaire pour compresser une poche d’air, sous le ballon porteur, lui faisant gagner de la masse, ce qui fait perdre de l’altitude au ballon. A contrario, lorsqu’on décomprime l’air, le ballon perd de la masse et gagne en hauteur », souligne Guillaume Aldegheri. Pour l’heure, huit panneaux solaires, qui génèrent 4 000 watts, associés à des batteries au lithium permettent d’alimenter de façon autonome le compresseur qui permet de réguler l’altitude. « On peut facilement s’intégrer au flux aérien et nous ne sommes pas obligés de décoller d’une zone désertique. »

En août dernier, un vol d’essai de quatre heures ralliant Le Pouget à Sauviat (Puy de Dôme) s’est révélé concluant, permettant de tester le comportement du ballon. Une marche de plus pour l’entreprise. « L’objectif était de tester les procédures de décollage, d’atterrissage et l’intégration dans le trafic aérien du ballon de 70 mètres de haut. Nous avons mené ce test en partenariat avec la direction générale de l’aviation civile afin de garantir la sécurité des prochains vols dans un trafic aérien plus intense. L’objectif est de constituer la réglementation pour ce nouveau type de transport », explique-t-il.

La start-up planifie d’autres tests à vocation industrielle, tout au long de 2021. La prochaine étape ? Tester courant février le matériel à plus haute altitude, à 8 km, en vue de sonder la technologie dans des situations plus extrêmes. « Même si notre ballon est porté par les vents, nous devons les étudier pour ajuster notre altitude car ils peuvent souffler à plus de 300 km/heure. C’est un vrai challenge technique et opérationnel. L’année prochaine, nous aurons un ballon plus grand qui permettra d’aller jusqu’à 15 km, l’objectif étant d’atteindre 25 km d’ici trois ans. »

DEUXIÈME LEVÉE DE FONDS POUR CRÉER LA NACELLE

Outre l’amélioration de son modèle d’enveloppe stratosphérique réutilisable, la start-up envisage une deuxième levée de fond en 2022 de plusieurs millions d’euros pour poursuivre son développement et lancer la phase d’industrialisation. Dans sa feuille de route, figure la création de la nacelle passager en partenariat avec des industriels mais pas seulement. « Nous sommes en discussion avec Thales Alenia Space et la Comex pour développer la première nacelle pressurisée d’ici fin 2021. Nous échangeons également avec des hôtels de luxe pour co-imaginer le design de la nacelle passagers. L’objectif étant de proposer une nuit à bord, nous souhaitons le confort des grands hôtels. Des barrières restent cependant à lever concernant la conception des fenêtres pour admirer la planète sans risque ». La sécurité et l’aspect écologique figurent en tête des axes de développement de la jeune entreprise qui réunit pour l’heure, une dizaine de collaborateurs.

Reste à savoir qui pilotera ce nouvel engin. « Il s’agira de pilotes de ballon à gaz, mais la réglementation peut évoluer. Nous envisageons d’ouvrir une école de pilotage, en vue de former des pilotes de ballon à gaz traditionnel et une poignée de pilotes de ballon stratosphérique. En effet, la France compte très peu de pilotes capables de manier des ballons à gaz.»

À terme, l’entreprise vise 60 vols par an comprenant deux à six passagers par nacelle. Si ce voyage d’une vie ne requiert pas d’entraînement de spationaute, il a un coût. Un coût qui sera dévoilé lors des préventes prévues l’hiver prochain. « Comptez plusieurs dizaines de milliers d’euros. Des particuliers notamment américains et asiatiques au profil aventuriers sont déjà intéressés. Ces vols sont destinés aussi à des anniversaires, des voyages de noces, etc. » L’entreprise projette ainsi de devenir le leader européen du tourisme spatial vert en 2025 et le leader mondial en 2030.