De nouvelles façons de déguster

La table ronde réunissait Julien Lepont-Jubin, directeur marketing de la Cave des Vignerons de Pfaffenheim (Alsace) et Myriam Renard, directrice des ventes internationales de Vranken Pommery. (Photo : Nastasia Desanti)

À chaque époque sa nouvelle mode. Elle concerne de nombreux domaines et la consommation du vin n’y fait pas exception. Les viticulteurs et Maisons s’adaptent en proposant de nouvelles gammes.

Jadis, c’était le nec plus ultra de déguster son champagne dans une coupe à la forme du sein de la Marquise de Pompadour. Puis la flûte est arrivée, et ensuite les petits biscuits roses à tremper délicatement dedans. Aujourd’hui, la dégustation du vin pétillant se fait plutôt dans un verre à vin, désigne exprès pour garder les bulles et sublimer les arômes. Et si le champagne « classique » a toujours ses adeptes, les grandes Maisons toujours en quête d’innovation, ont lancé de nouvelles gammes. « Nous sommes une période où on est dans le « sans » : sans sel, sans sucre, sans gras », relève Julien Lepont-Jubin, directeur marketing de la Cave des Vignerons de Pfaffenheim, en Alsace. « Les marchés nordiques sont en quête de vins plus natures, ce qui répond à une vraie demande de la part de nos consommateurs. Et si ça ne fait pas les ventes, ça fait parler de la marque. »

Chez Pommery, les gammes prestiges restent traditionnelles mais pour coller à ce nouveau marché, la marque a sorti une cuvée « nature » : le champagne « POP Earth ». Si le vin n’est pas bio, « le champagne POP Earth est conçu à partir de raisins issus de la viticulture raisonnée, qui minimise le recours aux engrais et aux pesticides, les bouteilles sont allégées de 50g de verre environ. Les transports, l’utilisation de l’énergie et le rejet de CO2 dans l’atmosphère en sont ainsi réduits. L’étiquette est imprimée sur du papier recyclé avec des encres à l’eau sans solvant. Enfin la bouteille est présentée sans étui pour limiter la production de déchets », indique Myriam Renard, directrice des ventes internationales de Vranken Pommery.

UNE NÉCESSITÉ DE S’ADAPTER

Le champagne reste leader dans le marché des effervescents mais il doit aussi coller aux tendances. « Nous ne sommes pas face à un panel de consommateurs identiques, il faut donc s’adapter », insiste Julien Lepont-Jubin. « Dans nos ventes, ce qui fonctionne ce sont les vins secs que l’on peut boire facilement, plus que des vins sucrés. »

Pour la Maison Vranken Pommery, le champagne « doit rester un produit premium et prestige ». Et s’il n’est pas accessible à tous, des versions quart de bouteille ont été imaginées. « Le quart a été repris tant par les vins tranquilles que les vins mousseux. La différence c’est que l’on s’adresse à des consommateurs différents. On est sur le coup par coup. On est aussi sur un bouchon à vis et pas sur du liège, donc plus facile à ouvrir », explique le directeur marketing de la cave des vignerons de Pfaffenheim. « En champagne les quart sont plus des contenants qu’on va trouver dans les mini-bars des hôtels et sur les compagnies aériennes », indique pour sa part Myriam Renard. Sur d’autres types de vins mousseux, comme la marque Kriter, dont Julien Lepont-Jubin a été directeur marketing pendant 14 ans, « le format quart représente 50% des ventes ».

Concernant les approches marketing et la commercialisation de nouveaux produits, les marques s’appuient sur les modes de consommation de la jeunesse, lanceuse de nouvelles tendances. Ainsi les produits « ice », ces vins pétillants qui se dégustent avec des glaçons ont le vent en poupe. « On ne s’oppose pas à la mixologie, à condition que cela respecte la finesse du champagne. Ainsi, on a mis en place toute une méthodologie pour déguster le champagne « ice blue ». Hors de question de le déguster tel quel, il serait beaucoup trop sucré, il faut qu’il ait cinq glaçons et soit versé dans un gros verre à champagne », conseille la directrice des ventes de Vranken Pommery.

La Maison peut aussi se targuer d’avoir créé une tendance, le champagne « POP », une petite bouteille, format quart, qui était la première petite bouteille en champagne dans un verre bleu et un bouchon liège. « POP c’est 1999, à l’époque, ça a été mal accepté par les autres professionnels, car pour eux on cassait trop les codes. Ce produit est festif, il se consomme à la bouteille ou à la paille. C’était donc audacieux et risqué. »

UNE BOUTEILLE “INSTAGRAMMABLE”

Ce produit a été introduit de manière confidentielle, sans renfort de publicité mais dans des lieux « clés », des clubs et boites de nuits célèbres. Le succès a été fulgurant avec une demande qui dépassait la production. Aujourd’hui, les bouteilles POP ont toujours la côte, elles se déclinent sous forme de collections, reprenant les codes de la Maison Pommery et sa proximité avec le monde de l’art. Parfaitement « instagrammables », elles sont l’exemple type de ce vers quoi tendent les nouveaux produits mis sur le marché.