Alors qu’elle était venue du Danemark passer un an en France, Anne-Mette Soler-My s’est installée dans l’Aube pour participer à l’aventure de Carbonex.
De sa Scandinavie natale, elle a gardé un léger accent danois. « J’ai toujours été très francophile. Dès l’adolescence j’ai pris des cours de français. Au Danemark, on pousse les jeunes à partir après le Bac dans l’optique d’acquérir de l’expérience ou de se perfectionner en langues étrangères. C’est ainsi qu’en 1990 je suis partie une année en France pour être fille au pair à Paris, dans une famille de trois enfants, avec laquelle je suis d’ailleurs restée en contact », explique Anne-Mette Soler- My.
Ayant prévu, avec en poche un Bac équivalent au Bac B français, d’entrer dans une
école de commerce, elle a ensuite travaillé dans une entreprise parisienne de
transport frigorifique. Chargée de la comptabilité, elle est rapidement devenue polyvalente. Nul doute que le fait de parler anglais, allemand, français, danois et d’autres langues scandinaves a représenté un atout certain, lui permettant de toucher à plusieurs domaines. « À cette période, j’ai rencontré mon futur mari, Pierre, ainsi que ses frères, notamment Jean. Ils avaient décidé de lancer une production de charbon de bois », explique- t-elle.
ARRIVÉE DANS L’AUBE
En 1993, c’est à la faveur d’une étude de marché qu’ils choisiront l’Aube, comme étant l’endroit idéal pour y implanter leur usine. « Il y a beaucoup de forêts dans l’Aube, qui est également située au cœur de l’Europe, avec des voies disponibles, grâce aux scieries. Nous ne sommes également pas loin de nos marchés en Allemagne, avec une voie vers le Danemark », fait valoir Anne-Mette Soler-My. Après avoir trouvé des contacts auprès de la CCI de Troyes, ils seront reçus par le maire de Gyé-sur-Seine. « Monsieur Michelot croyait vraiment en notre projet. Il a réussi à persuader son conseil municipal. Ce n’était pas évident au départ car nous étions alors de jeunes Parisiens, âgés de 22 à 25 ans. La municipalité a accepté de nous mettre à disposition un terrain, que nous avons remboursé en plusieurs années », se souvient la dynamique chef d’entreprise.
UNE ENTREPRISE ARTISANALE
Carbonex a ainsi été créée le 19 mars 1993 : « Cela fera bientôt 26 ans. Nous étions avec la pelle à la main au début. C’était artisanal, avec un rendement pas extraordinaire. On mettait en sac et on palettisait manuellement, avec des équipes de cinq personnes. Ce n’était pas facile, mais on avançait ». Puis, grâce à un contact de son beau-père, qui importait des grumes depuis l’Espagne, Carbonex aura accès au marché des briquettes de charbon de bois, dont la moitié sont vendues en Allemagne et en Scandinavie. Ce qui représente un marché important. L’entreprise investit alors, de façon à ajouter au marché français du charbon de bois, celui des briquettes à l’export.
« Mais on n’arrivait pas à dépolluer notre production. Nous ne trouvions pas de solutions qui nous satisfassent pleinement. Même le four avec incinérateur n’était pas à cent pour cent fiable ». C’est pourquoi ils décideront d’importer la totalité de leurs produits, exceptées les briquettes. Étant ainsi amenés à voyager, ils se rendront vite compte que « le charbon de bois est associé à de nombreux désastres humains et environnementaux, tels que les conditions de travail et la déforestation par exemple. Il fallait absolument qu’on trouve des solutions. On a donc continué à chercher et on a trouvé. Grâce aux ingénieurs en interne, qui ont l’expérience en carbonisation, et à des ingénieurs externes, spécialisés dans les énergies renouvelables. Grâce à un brainstorming, nous avons réussi en 2008 à développer cette technologie innovante, qu’est la carbonisation à haut rendement avec la cogénération charbon de bois – chaleur – électricité ».
VIRAGE ÉCORESPONSABLE
En 2010, Carbonex sera sélectionnée, dans le cadre du Grenelle de l’Environnement et remportera un contrat de 20 ans pour la production d’électricité à partir de ressources renouvelables. « Cette garantie de vente à EDF était assortie de la condition que le projet soit réalisé en deux ans. Nous avons alors organisé, et réussi, une levée de fonds de 25 millions d’euros », explique l’entrepreneuse auboise. La construction du process Carbonex a pu ainsi débuter à Gyé-sur-Seine en 2011 : « Le démarrage des fours de carbonisation a eu lieu en septembre 2012. C’est un véritable système d’économie circulaire, capable en 2018 de produire annuellement 10 000 tonnes de charbon de bois, 5 000 tonnes de briquettes de charbon de bois ainsi que la fourniture d’électricité verte pour 10 000 foyers, soit l’équivalent de onze éoliennes ».
Le marché français de charbon de bois représente annuellement entre 100 000 et 130 000 tonnes de charbon de bois, dont 80 % proviennent de l’importation… L’entreprise Carbonex est une alternative car sa chaîne d’approvisionnement – constitué de bois d’éclaircies de feuillus durs (chêne et hêtre) venant de forêts situés à proximité et gérée durablement par l’ONF – est validée par l’organisation The Forest Trust. Mais elle n’en produit cependant que 10 000 tonnes par an. C’est pourquoi elle a souhaité aller plus loin en répondant à l’appel d’offres Transition Énergétique du ministère de l’environnement : « À Gyé-sur-Seine, une deuxième unité, qui sera lancée l’été prochain, permettra ainsi de doubler notre volume de production en augmentant celle d’électricité verte. Et les travaux d’une troisième unité, à Lacanau en Gironde, commenceront en 2019-2020 ».
UNE JOURNÉE 100 % AU FÉMININ
« Dans l’entreprise, qui emploie aujourd’hui 50 personnes, les jeunes – toujours supervisés par les anciens – qui dessinent les pièces sont heureux de voir les projets se réaliser. Nous sommes en fait tous en extase devant ce formidable développement. C’est un travail d’équipe extraordinaire », se félicite la passionnée. D’autres sites sont prévus en France et en Europe. Et des projets sont en cours, liés notamment à la chaleur, actuellement déjà utilisée en interne pour pré-sécher et sécher les produits. « C’est dommage de perdre de l’énergie. Il faut absolument valoriser tout ».
Pour concrétiser son souhait d’inciter les femmes à choisir de prendre le temps d’organiser de véritables grillades avec du charbon de bois naturel, Anne-Mette Soler-My a décidé de célébrer la Journée des Femmes en invitant le 8 mars plusieurs élues et femmes entrepreneuses. L’occasion pour elles de visiter l’entreprise de Gyé-sur-Seine et de partager un déjeuner convivial autour d’un vrai barbecue et tester le nouveau charbon de bois éco-responsable 100 % made in France.