Arrivé en France du Kurdistan en 2007 avec une formation de biologiste, il s’est installé dans l’Aube fin 2017 pour y créer sa brasserie artisanale bio.
Titulaire d’un master en biologie – des études qu’il avait commencées au Kurdistan, dont il est originaire -, Ozgur Kavak a créé il y a deux ans sa brasserie artisanale et bio à Villenauxe-la-Grande, dans l’Aube. S’inspirant de ses origines, il l’a appelée « Les Anges Déchus », en référence à une légende selon laquelle les Kurdes seraient les enfants des anges déchus.
« En optant pour des études de biologie, je n’avais pas l’impression de faire un choix. Cela me paraissait naturel. Tout comme le fait de venir en France », explique-t-il. De ses jeunes années passées au Kurdistan – il a trente-sept ans aujourd’hui – il garde le souvenir d’avoir toujours été fasciné, depuis le collège, par les sciences du vivant et l’Histoire de la France. « La France a une place particulière, au niveau des droits de l’Homme, même historiquement parlant. Bien sûr, je sais que cela peut paraître un peu cliché de le dire », glisse-t-il.
Après une licence en biologie, c’est en 2007 que Ozgur Kavak quitte Diyarbakir, considérée comme la capitale historique, symbolique et culturelle du Kurdistan. « J’avais été classé deuxième de l’université et cela m’avait permis d’obtenir une bourse du gouvernement français », se souvient-il. À son arrivée en France, il fait escale à Royan, en Charente-Maritime, pendant sept mois, le temps d’apprendre le français au CAREAL (Centre audiovisuel régional des études linguistiques), une école linguistique rattachée à l’université de Poitiers. Puis il s’installe à Montpellier. En 2009, avec en poche un master en biologie, spécialités biomédicale et microbiologie, il travaille comme interprète avec la ligue des droits de l’Homme, le tribunal ainsi que pour un cabinet de traduction marseillais. Il réalise également des traductions médicales en ligne.
Après être resté sept ans à Montpellier, il est embauché comme journaliste en Belgique. « J’ai été présentateur des infos pour la chaîne kurde basée à Bruxelles. Au bout d’un moment, je voulais créer un poste de journaliste scientifique. Mais comme il y avait beaucoup de guerres à cette période, il n’y avait pas de place sur les créneaux de la chaîne, explique le biologiste. Au bout de deux ans et trois mois, je suis revenu en France ».
Il trouvera un travail à Paris, dans une bijouterie, comme gérant. « Je voulais vivre un peu à Paris. Mais ce n’était pas du tout pour moi », sourit-il. Il faut dire que le passionné en biologie se destine alors à un tout autre avenir. « Mon projet de fabriquer de la bière est né à moitié pendant mes stages dans les vignes de Montpellier. Le vin m’attirait plus dans le passé. C’est pendant mon séjour en Belgique, que j’ai pu voir vraiment de près des brasseries et des bières différentes. Mon but était de créer ma brasserie, responsable, plus respectueuse de l’environnement », explique Ozgur Kavak.
ARRIVÉE DANS L’AUBE
Alors qu’il cherchait un local pour créer sa brasserie artisanale bio, c’est un peu par hasard qu’il est arrivé dans l’Aube. « Comme j’étais seul, je pouvais choisir n’importe quelle région. Je pense que je suis plutôt bien tombé, le paysage est plutôt joli. Et la petite ville de Villenauxe-la-Grande est bien située pour l’activité de brasserie. Il y a des autoroutes et ce n’est pas très loin de Paris, de Troyes et de Reims. En fait, c’était un bon choix », fait-il valoir. Fin 2017, une semaine après avoir signé le compromis de vente, il rencontre Muriel, qui deviendra sa compagne. Zal, leur fils, naîtra en janvier 2020.
Mais avant de créer sa brasserie, il devra s’armer de patience… et de courage. Pas moins de deux ans seront nécessaires à la rénovation de l’ancien commerce qu’il a acheté. Il y investira 30 000 euros, avant de lancer son entreprise et d’investir 40 000 euros dans l’achat de fûts, de fermenteurs et autres frigos, tireuses, jarre en grès, matériel informatique, mobilier et matières premières. Le soutien d’Initiative Aube et un crédit bail lui permettront de commander une installation professionnelle de dix hectolitres. « Pendant des années, j’ai testé mes recettes à la maison dans des seaux de trente litres… Tester, corriger, faire goûter, cela prend du temps », se remémore-t-il. En s’inspirant directement des origines de la bière des Sumériens, sa compagne et lui ont mis deux ans pour réaliser la recette de la Sumer, leur bière emblématique, à base de blé, orge, datte, figue, coriandre et cardamome. Et pour respecter le processus de fabrication « à l’ancienne », ils utilisent un fermenteur en grès. Toute la gamme – déjà diversifiée – des Anges Déchus est certifiée bio. Et compte pas moins de douze bières, une limonade à base de gingembre et de jus de citron, une bière sans alcool, un gin botanique et une vodka poivrée.
UN CHEMIN SEMÉ D’EMBÛCHES
« En 2019, j’ai créé l’entreprise et le temps que les machines arrivent et de faire les premières bières, la Covid-19 est arrivée », fait remarquer le fondateur des Anges Déchus. En 2020, il lance une campagne de financement participatif sur une plateforme de crowdfunding. Grâce à des contributeurs, il récolte une somme pour soutenir la trésorerie de sa brasserie, alors très touchée par le confinement. « On va faire une fête en juillet pour remercier tous ceux qui nous ont aidés », lance-t-il, visiblement heureux de constater que la reprise de son activité est prometteuse depuis le récent déconfinement.